Les Trappistes à Géronde — Abbaye de Tamié

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Les Trappistes à Géronde

Histoire des Trappistes du Val-Sainte-Marie - 1843

blason du valaisLes Trappistes à Géronde

1831- 1834

Jérôme VERNIOLLE

Moine de Bellevaux exilé en Suisse en 1830

Extrait de : Histoire des trappistes du Val-Sainte-Marie

4° édition, 1843 - Pages 59-85

 

Dom Eugène Huvelin, ancien profès de l’abbaye de Sept-Fons, voulut faire revivre une communauté cistercienne. Il fait l’acquisition de Bellevaux dans le département de la Haute-Saône, avec ses anciens confrères convers Hippolyte Minet et Sabas Coquart, le 28 juillet 1817. La communauté reçut le soutien du préfet de la Haute-Saône le 8 octobre. Dom Eugène ne put se libérer de sa charge de curé de Vaugécourt qu’en 1818 pour rejoindre ses frères à Bellevaux. L’archevêque de Besançon reconnut canoniquement la communauté le 20 mai 1818, selon la réforme de M. de Beaufort, abbé de Sept-Fons, qui devint ainsi de droit diocésain.

À la mort de dom Huvelin le 29 mars 1828, la communauté de Bellevaux était très peu nombreuse, sans prêtre à sa tête, et menacée de disparaître. Elle fit appel à l’abbaye du Gard près d’Amiens, fondée en 1816 par des moines venant de Darfeld, suivant les constitutions de Rancé et non les Règlements de la Valsainte. La condition fut l’adoption par les moines de Bellevaux de la réforme de Rancé. Six frères furent envoyés en renfort par l’abbé dom Germain Gillon, dont deux prêtres, Père Stanislas Lapierre comme prieur et le Père Jérôme Verniolle. Bellevaux fut alors intégré à l’Ordre de Cîteaux le 7 juillet 1830.

[Très peu de temps après éclata la Révolution de Juillet en France, les moines de Bellevaux durent s’exiler et se virent dépouiller de leur propriété.] Ils partirent pour Fribourg en Suisse. Les uns y arrivèrent le jour de l’Assomption et le reste de la communauté dans le courant du mois d’octobre 1830. Dans leur malheur, ils étaient un peu consolés par l’espérance de pouvoir rentrer bientôt au monastère de la Valsainte. Monseigneur Jenny, évêque-comte de Lausanne et de Fribourg, instruit de ce qui s’était passé à Bellevaux, leur avait écrit qu’ils pouvaient venir dans son diocèse, que le gouvernement du pays leur serait favorable, comme il l’avait été à leurs frères en 1789.

Quand les fribourgeois virent paraître de nouveau les trappistes, toutes leurs pensées se portèrent sur le désert de la Valsainte ; ils se réjouirent, persuadés qu’ils étaient qu’il allait refleurir par la présence des religieux de la Trappe.

Il ne fut pas possible à ceux-ci de s’y transporter de suite : on allégua qu’il fallait attendre la prochaine décision du gouvernement. Alors les bons fribourgeois s’empressèrent de loger chez eux les religieux à qui l’on ne voulait pas permettre de se réunir dans un même lieu, ni de porter l’habit de leur Ordre. Il est juste de faire connaître ces dignes chrétiens qui donnèrent, en cette circonstance, tant de marques d’affection aux religieux. M. et Mme de Fagely, non contents de prendre chez eux un frère, envoyèrent à quelques autres qui, après bien des difficultés, étaient parvenus à se réunir dans une ancienne maison de jésuites, des voitures chargées de provisions et renouvelèrent plusieurs fois cette œuvre de charité. M. de Diesbach de Belleroche en fit autant ; les MM Reyff voulurent avoir aussi des frères chez eux ; ils leur cédèrent plus tard leur maison de campagne à Lantigny et leur envoyèrent également des provisions. Les dames de Praroman montrèrent un semblable empressement à secourir les Trappistes qui obtinrent enfin la permission de se réunir à Posat, petit village situé à trois lieues de Fribourg ; mais il leur fut toujours défendu de porter l’habit de l’Ordre. [Ils étaient alors au nombre de 16.] Là ils attendirent avec patience le résultat des démarches que tous les bons fribourgeois et principalement Mgr Pierre Tobie Jenny firent auprès du gouvernement pour obtenir leur rentrée à la Valsainte.

Les communes du Val de Charmey où est situé ce désert, présentèrent à plusieurs reprises des pétitions très pressantes au grand Conseil de la république. Elles rappelaient dans leurs demandes les services que les religieux de la Trappe avaient rendus au pays, services qui n’étaient ignorés de personne et qui étaient encore présents à leurs souvenirs. Elles conjuraient le gouvernement de leur rendre ceux qui leur avaient fait tant de bien et qui voulaient leur en faire encore s’ils rentraient à la Valsainte.

Plusieurs autres communes, comme celles de Farvagny, de Posat, de Lentigny envoyèrent aussi de semblables demandes conçues en des termes si touchants qu’elles attendrirent bien des cœurs. Mgr Jenny, évêque de Fribourg et de Lausanne, insista fortement auprès du gouvernement ; il fit valoir dans sa pétition un motif qui aurait dû être accueilli avec transport. Il dit que les trappistes, outre le bien qu’ils feraient dans le canton, se proposaient de se charger de l’éducation des sourds-muets du pays et apprendre des états [métiers] à ceux d’entre eux qui en auraient besoin pour vivre.

Tout le monde espérait que le cri unanime du clergé et des fidèles serait entendu et que les vœux des trappistes, comme ceux des fribourgeois allaient être exaucés, lorsqu’un révolution soudaine vint tout suspendre et tout ajourner.

Pendant huit siècles, de 999 à 1798, le Valais fut un état indépendant. Depuis longtemps le sentiment d’appartenir à la grande famille helvétique était vivace. En janvier 1798 le Valais est envahi par les troupes françaises. Il vivra sous des formes politiques diverses. jusqu’en 1815 où il est entré dans la confédération des cantons suisses, par la volonté des grandes puissances victorieuses de Napoléon.

La constitution du 12 mai 1815 était un compromis entre les aspirations du Haut-Valais et celles du Bas-Valais. Celui-ci y a gagné un nouveau dizain, le dizain de Conthey, ce qui a son importance puisque chaque dizain, quelque soit sa population, n’envoie à la Diète valaisanne que 4 députés. […] Les cinq dizains situés à l’ouest de la Morge disposent en 1815 de vingt députés représentant à la Diète une population de 29 514 habitants, tandis que les huit dizains à l’est de la Morge et l’évêque (qui dispose à la Diète de quatre suffrages, comme s’il était un dizain) réunissent trente-six voix pour une population de 34 013 habitants. […]

De 1815 à 1830 la Restauration triomphe partout en Europe. En maints cantons suisses comme dans celui de Bâle, elle est une restauration de privilèges et les paysans ne sont pas mieux lotis en face des bourgeois de la grande cité rhénane que ne le sont les Bas-Valaisans en face des Hauts-Valaisans.

La révolution parisienne de juillet 1830 fit souffler sur l’Europe entière un vent de libéralisme politique qui se fit sentir très vite en Suisse. En 1830 et 1831 une dizaine de cantons se sont ‘régénérés’, pour employer une expression adoptée par les historiens et qui signifie que ces cantons se sont donné de nouvelles constitutions, accordant le droit de vote à tous les citoyens. Ce sont les cantons de Argovie, Thurgovie, St-Gall, Schaffhouse, Zurich, Soleure, Lucerne, Berne, Vaud, Fribourg (mais non le Valais). En même temps disparaissaient les corporations et les privilèges des villes. Dans le canton de Bâle, marchands, banquiers, industriels, artisans des corporations de la ville n’avaient pas la moindre intention de se laisser dicter la loi par la majorité paysanne du peuple. En 1832 ce fut la guerre civile entre les deux partis et la création de l’État séparé de Bâle-Campagne. Les troupes de Bâle-ville furent battues. Ceci servit d’exemple pour les Bas-Valaisans, pressés de sortir de l’état d’infériorité politique dans lequel ils étaient maintenus par la constitution de 1815.

En 1833 le projet d’une nouvelle constitution fédérale révisant le Pacte de 1815 dans un sens libéral est soumis aux cantons. En Valais la majorité Haut-Valaisanne de la Diète le refuse purement et simplement provoquant ainsi la protestation des députés du Bas-Valais. Les esprit s’agitent. Une réunion des députés des communes du Bas-Valais est convoquée à Martigny le 11 avril 1833. Elle ne peut s’y tenir car les participants sont dispersés à coups de gourdin par les paysans des villages environnants qui ne peuvent supporter la vie du drapeau suisse, obligeant les révisionnistes à le retirer. Les paysans Bas-Valaisans, ennemis d’une Suisse unitaire, tenants du Pacte de 1815 sont persuadés que l’État qu’appellent de leurs vœux les révisionnistes sera fatal aux cantons économiquement faibles comme le Valais. Malheureusement leur cause, c’est-à-dire le statu quo politique, est associée à l’injustice dont pâtissent les Bas-valaisans.

Les libéraux essaient d’employer des moyens constitutionnels. Des demandes visant à introduire dans la Constitution valaisanne la représentation proportionnelle, en vertu de laquelle chaque dizain enverrait à la Diète un nombre de députés proportionnel à sa population sont présentées à plusieurs reprises, notamment en 1833 et en 1838 à la Diète Valaisanne par le Bas-Valais. Les Hauts-Valaisans affectent de voir dans la constitution de 1815 un acte intangible. [Les Bas-Valaisans obtiendront gain de cause en août 1839.] [1]

La Suisse en contact continuel et immédiat avec la France, avait fortement senti la terrible secousse que la révolution de juillet avait fait éprouver à toute l’Europe. Les partisans du nouveau système de gouvernement, en grand nombre dans le canton de Fribourg comme dans d’autres parties de la Suisse, profitèrent de cet ébranlement général pour opérer aussi chez eux une révolution. [… À la suite d’agitations, la Journée des bâtons, les chefs d’États accordèrent ce qui étaient exigé] ils assignèrent une époque pour l’assemblée générale du peuple qui nommerait lui-même ses gouvernants. …]

Pendant plusieurs mois tout le pays ne fut occupé que des nouveaux événements, que d’assemblées, d’élections, de constitutions. Dans cet état de chose, les trappistes durent s’armer de patience jusqu’à ce que le nouveau gouvernement fût constitué et que tout eût repris une marche régulière. Ils n’avaient pas beaucoup à espérer pour leur rentrée à la Valsainte dans de telles conjonctures. Cependant, comme le peuple leur portait beaucoup d’intérêt, comme chacun paraissait vivement désirer qu’ils fussent admis de nouveau dans le canton, ils crurent qu’ils ne devaient pas désespérer.

Après plusieurs mois d’attente, des personnes influentes reprirent l’affaire des trappistes, les communes renouvelèrent leurs demandes que le nouveau grand Conseil fut obligé de prendre en considération. Il fut prévenu par son président M. l’avoyer de Montenach, du jour où l’on proposerait à l’assemblée la réadmission des trappistes dans l’ancien couvent de la Valsainte. C’était vers le commencement du mois de mai [1831]  [1].

[…] Il y avait un parti opposant et que ce ne serait plus comme en 1790 où le grand Conseil, plein de respect et d’estime pour ces religieux les avait accueillis à bras ouverts et les avait admis à l’unanimité. Depuis lors, des idées nouvelles avaient pénétré dans le canton et y avaient fait des progrès tellement rapides qu’il était à craindre que la demande des trappistes, toute fondée qu’elle était, ne fut rejetée.

[Les débats furent très animés.]

Un prêtre respectable suscité de Dieu dans ces derniers temps pour développer l’intelligence des sourds-muets, pour leur apprendre la religion et les former à la vie sociale, ce prêtre dont la mémoire est en bénédiction chez tous les peuples de la terre, que les hommes de tous les partis sans exceptions admirent et respectent, l’abbé Sicard [… pensait que les trappistes seuls] pouvaient continuer convenablement son œuvre [3] : aussi mit-il tout en œuvre pour obtenir que l’éducation des sourds-muets leur fût confiée. Il en écrivit au père abbé du Gard, dom Germain Gillon ; il lui représenta d’une manière si touchante combien il importait aux sourds-muets que les trappistes se chargeassent après lui de leur éducation, que dom Germain se laissa persuader. L’abbé Sicard lui envoya son principal professeur avec deux sourds-muets déjà instruits et l’on fit choix de deux religieux qui furent chargés d’apprendre les signes selon la méthode de l’abbé Sicard. Quelques mois après l’école eût été ouverte si des obstacles imprévus et insurmontables n’eussent arrêté ce projet. […] Le bien qui devait résulter de l’admission des trappistes pour les sourds-muets du canton de Fribourg était un puissant motif en leur faveur. Monseigneur le fit valoir avec tout le zèle et toutes les lumières qu’on lui connaît. […]

[Le grand Conseil refusa aux trappistes de s’installer dans l’ancien monastère de la Valsainte.]

Le prieur des trappistes ayant perdu tout espoir de réussir à Fribourg écrivit en Valais. Le supérieur du séminaire de Sion à qui il s’adressa, lui fit une réponse favorable. Aussitôt il se mit en marche avec un de ses frères qui voulut porter tout le temps son paquet : c’était des habits religieux. On était en mai 1831 et la chaleur dans les gorges des montagnes était déjà excessive. À peine arrivé à Saint-Maurice, petite ville frontière du Valais, le prieur alla demander à l’abbé du monastère la permission de revêtir chez lui son habit régulier après lequel il soupirait depuis si longtemps. On dîna à l’abbaye, puis on se remit en marche.

Le lendemain le prieur se rendit avec le supérieur du séminaire chez le grand bailli. Il présidait le Conseil. Il fait entrer le prieur dans la salle, lui rendit toutes sortes d’honneurs et lui accorda sa demande.

La difficulté était de trouver une maison. On parla d’un ancien monastère appartenant à l’évêque. Le prélat habitait un chalet sur une des hauteurs qui avoisinent la ville. Le prieur alla le trouver, en fut très bien accueilli, obtint de pouvoir s’établir dans la maison qui était inhabitée de puis vingt-et-un ans et de prendre la ferme attenante, moyennant une légère redevance. Les deux religieux s’y rendirent dès le lendemain matin. Cette maison, ancien couvent de carmes que les trappistes [de dom Augustin de Lestrange] avaient déjà occupée quelques temps, se nomme Géronde. Elle est bâtie sur un roc qui s’élève non loin de Sierre, dans la vallée, à trois lieues de Sion et à six de Brigg [dans le Haut-Valais].

Pendant plusieurs jours les deux pères furent occupés à balayer et à transporter les monceaux d’ordures qui encombraient la maison aussi bien que l’église. Ils firent réparer par quelques ouvriers, les dégâts qu’il était de toute nécessité de faire disparaître, ils ornèrent l’église de leur mieux, y mirent de Très Saint Sacrement, achetèrent de la vaisselle en terre, fabriquèrent eux-mêmes quelques tables grossières, et dix jours après, la communauté, avertie par une lettre du prieur, arriva et trouva dans un réfectoire improvisé, un souper plus que frugal. En arrivant on avait été de suite à l’église chanter le Te Deum et le soir même chacun reprit, en le baisant et le baignant de ses larmes, son saint habit de religion. On coucha comme on put pendant quelques temps et dès le lendemain on commença à chanter la grand-messe et tous les autres offices.

Plusieurs familles notables du Valais désiraient établir les Trappistes sur leurs propriétés mais ceux-ci préférèrent l’ancien couvent des carmes, quoiqu’il offrît bien peu de ressources, à cause de sa position retirée et très solitaire. Géronde [4], n’est réellement qu’un rocher aride où l’on ne trouve presque rien pour les besoins de la vie. Pour avoir de l’eau, il fallait aller la chercher au pied du rocher, à près d’une demi lieue de distance et les religieux étaient obligés d’y descendre plusieurs fois par jour pour le service du couvent. Une autre incommodité bien pénible c’était l’éloignement du jardin placé aussi au bas de la montagne, en sorte que la communauté ne se fatiguait pas moins pour descendre et remonter, que par le travail de culture et d’exploitation. Elle endura pendant plus de trois ans, les incommodités du site de Géronde, avec une grande patience.

Il est vrai qu’elle était consolée par les témoignages continuels d’estime et d’affection qu’elle recevait du gouvernement, du clergé et du peuple si chrétien du Valais. Les chefs de la république et les notables du pays la visitaient souvent et venaient se recommander à ses prières. Le 7 septembre, le père prieur reçut du gouvernement du Valais la lettre suivante :

Sion, 7 septembre 1831.

Très révérend père prieur, dans votre solitude vous ignorez peut-être que la fête de demain est spécialement consacrée dans ce canton ainsi que dans toute la Suisse, à des prières générales, pour invoquer sur notre patrie les faveurs du Ciel et implorer ses miséricordes.

Déjà toutes les heures de la journée et une bonne partie de celles de la nuit sont dédiées chez vous à des œuvres de piété dont vous nous partagez abondamment les mérites, et c’est presque extraordinaire de venir vous parler d’actes extraordinaires de dévotion. Il vous sera cependant agréable d’apprendre qu’au moment où vous obtenez aux pieds des autels ce que vous demandez, la population entière de votre patrie actuelle y est également prosternée pour supplier le Ciel de daigner aussi exaucer les prières qu’elle lui adresse dans les intentions que viennent de lui rappeler et l’autorité spirituelle et l’autorité temporelle.

Agréez, très révérend père, que je vous transmette un exemplaire de la publication que le Conseil d’état a fait faire en cette circonstance. Agréez aussi que je profite de cette occasion pour vous réitérer ma vive gratitude, de ce que vous avez bien voulu penser à moi et à ma famille, en nous associant aux trésors des grâces qui sont la récompense de ces actes d’austérité, de ces jeûnes, de ces prières continuelles et de tant d’autres œuvres méritoires qui remplissent toute votre existence. Je sais apprécier la faveur que vous nous faites. Plus que jamais je sens combien me sont nécessaires les prières des âmes saintes, dans la carrière où il a plu à la divine Providence de me placer, etc…

Au nom du gouvernement du Valais, De Courten, Grand Bailli.

Quelque stérile que fût le rocher de Géronde, les religieux essayèrent de cultiver les endroits qui avaient quelques pouces de terre et à force de travail, ils y récoltèrent assez de légumes pour leur usage. Ils tentèrent aussi de dessécher un marais qui était au pied de la montagne. Pendant deux ans ils consacrèrent l’hiver et tous les moments dont ils purent disposer en été pour effectuer le dessèchement. Ils prodiguèrent leurs travaux et leurs sueurs et ce ne fut pas en vain. Une partie du marais leur donnait des légumes ; il aurait suffi de quelques années pour en faire un champ très fertile. Les habitants du pays étaient émus de compassion à la vue des fatigues des religieux, dont la patience et le courage excitaient aussi leur admiration. Au retour de ces pénibles travaux, ils allaient ranimer leur zèle aux pieds des autels et chantaient l’office divin avec une ardeur capable d’étonner ceux qui en étaient témoins.

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Frère Hippolyte Minet mourut à Géronde en 1832.

Frère Maurice et Pierre Antoine Dubrat, firent profession le 8 septembre 1832.

En novembre 1831 était fondé le monastère de Saint-Sixte en Belgique. Le prieur de Géronde, Père Stanislas Lapierre fut envoyé comme supérieur à Saint-Sixte en octobre 1832. Père Jérôme Verniolle le remplaça à la tête des moines en Suisse. Au début de l’année suivante dom Germain voulut réunir les communautés de Saint-Sixte et de Géronde en Belgique.

Le Registre des religieux signale deux départs de Géronde pour Saint-Sixte le 29 mars 1833 : P. Augustin et F. Victor, tous deux qualifiés de ‘bons novices’.

Extraits de la correspondance du prieur de Géronde, P. Jérôme Verniolle avec l’abbé Breuillot, prêtre du diocèse de Besançon, chargé de trouver en France un nouveau lieu d’implantation pour  la communauté en exil en Suisse.

• Géronde 28 mars 1833

Le Père abbé et le père prieur laissent à ma disposition de rester encore à Géronde ou de partir pour la Belgique selon que je verrai que l'un ou l'autre convient davantage à notre communauté. Après de mûres réflexions je n'ai cru pouvoir mieux faire que de la laisser encore à Géronde pendant quelque temps et j'ai renouvelé le bail avec Mgr l'évêque de Sion. Si j'étais indécis sur le parti à prendre, votre lettre me tirerait de mon irrésolution et me déterminerait à ne pas bouger d'ici. J'ai trop à cœur de ramener mes chers frères dans votre diocèse pour refuser d'acheter cette satisfaction par un peu de patience et de fatigue.

(…) Les gens du Valais nous disent qu'ils nous verront avec grand plaisir rentrer dans le diocèse de Besançon d'où les circonstances nous sont forcés de sortir : mais ils ne veulent pas nous laisser partir pour la Belgique parce qu'ils trouvent qu'il est inutile d'aller chercher ailleurs et surtout dans un pays si éloigné un asile qu'ils nous donnent de si grand cœur. Ils ne veulent pas considérer que nous n'avons pas de propriété à nous et qu'il faut cependant que nous nous mettions en règle aux yeux de l'Église. Si vous réussissez à nous en procurer une chez vous, il suffira que nous y envoyons quelques frères en prendre possession si la communauté ne peut s'y rendre de suite : il ne faut pas nous dessaisir trop vite de Géronde qui nous sera un lieu de refuge en cas de besoin.

Géronde, 10 avril 1833

J'ai fait part au P. abbé du Gard du dessein que nous avons formé de rentrer dans votre diocèse : il m'a répondu qu'il l'approuve aussi et qu'il s'empressera de vous récrire dès qu'il saura que vous nous êtes favorable et que vous voulez nous aider dans l'exécution de ce dessein. Je pense que vous recevrez bientôt sa première lettre.

(…) Je vous ai parlé de 1 200 f. que j'avais ici en réserve mais voici ce qui m'est arrivé depuis 15 jours. Votre charité est trop grande pour qu'elle puisse me blesser de mon indiscrétion. Le père abbé du Gard m'a fait savoir que le père Stanislas Lapierre était sans ressources à Saint-Sixte, c'est le nom de cette maison de Belgique qui a été fondée par un riche négociant de ce pays : il y a mis 60 000 F dont 3 000 F pour acheter les terres et le reste pour bâtir l'église et le couvent. L'église finie on travaille maintenant au couvent. La bourse est percée et le père Stanislas me dit dans une de ces dernières lettres que si nous allons le joindre il faut porter avec nous jusqu'aux paillasses et aux cuillères pour manger car ils n'ont rien de tout cela. Leur chœur [pour le chant de l’office] n'est guère moins dégarni que leur coffre-fort. Je n'ai pas craint pour l'aider un peu de lui envoyer deux bons sujets dont l'un est prêtre (P. Augustin et F. Victor) et de leur confier la bourse de Géronde qui contenait 1 800 F dont je n'ai réservé pour nous que 300 F les chargeant de la remettre à ce bon et cher frère Stanislas. C'est le denier de la veuve. Je prie Dieu de le multiplier dans ses mains. Mes frères ont approuvé mon offrande et n'ont pas conçu la moindre inquiétude pour l'avenir. Nous avons toutes nos provisions pour l'année courante. Nous ne devons rien à personne. Le même jour où ces deux religieux sont partis, j'ai reçu une lettre d'un vicaire général de Bourges, Mr Bonnin, qui me demandait si nous recevrions un ecclésiastique de son diocèse qui depuis 5 ans ne soupire qu'après la Trappe. Vous pensez que ma réponse à été favorable. Je l'attends de jour en jour.

Avant-hier les français de Fribourg en Suisse m'ont écrit que la Trappe du Valais (Géronde) est l'objet de leur sollicitude, qu'ils ne l'oubliaient pas dans les distributions qu'ils font de leurs charités, qu'ils ont confié à un jésuite de Brigg une certaine somme pour notre maison. Je ne leur ai rien demandé. Dieu seul a pu leur inspirer de faire cette bonne œuvre. Ainsi vous voyez que tandis que je vidais notre petite bourse, la Providence se plaisait à y remettre ce que j'enlevais. Jusqu'ici nous avons toujours été ses enfants chéris. Malheur à nous s'il nous arrivait jamais de porter nos regards ailleurs que sur ses mains qui (…) répandent cependant encore tant de bienfaits sur notre Ordre. (…)

• Géronde, 15 mai 1833

Vous avez peut-être ouï dire qu'il y a eu des troubles dans le Valais, maintenant le pays est tranquille mais si tranquille que la révolution n'a presque plus d'espoir de pouvoir troubler l'ordre. Le Haut-Valais est imperturbable. C'est toujours dans le Bas que la révolution fait ses tentatives.

(…) Je ne vous recommande pas de bien garder nos petites ressources : jamais elles ne nous seront plus nécessaires. Je ne vous demanderai rien pour Géronde, mais que ne vous faudra-t-il pas pour nous acheter un local s'il n'y a pas d'âme charitable qui veuille avoir devant Dieu le mérite inappréciable d'avoir fondé une Trappe à ses frais ?

• Géronde, 28 mai 1833

(…) Vous savez mieux que moi ce qui se passe en France et s'il convient de différer d'y ramener la communauté : je ne puis mieux faire que de suivre vos avis et de rester avec mes frères sur le roc de Géronde tant que vous ne me conseillerez pas de l'abandonner pour rentrer dans votre diocèse. Cependant j'espère que vous continuerez à faire des recherches et que lorsque vous aurez trouvé un local convenable vous tâcherez d'en faire l'acquisition pour notre communauté. Dans le cas où nous pourrions rentrer, notre intention ne serait pas de nous dessaisir de Géronde, nous voudrions y laisser trois ou quatre frères convers avec un prêtre pour travailler le bien [la terre] et nous conserver la maison, ce serait un lieu de refuge s'il arrivait de nouveaux malheurs. Vous savez que nous sommes dans l'embarras à cause du vœu de stabilité que font tous ceux qui s'engagent dans notre Ordre. Il y a un moyen de lever cet obstacle quoique nous ne puissions pas revenir encore dans votre diocèse : il suffit que nous y ayons une propriété. Les novices peuvent promettre à Géronde la stabilité pour cette demeure où ils ne sont pas encore, mais qui nous appartient et où nous avons la volonté d'aller nous fixer aussitôt que les circonstances nous le permettront. (…) Quand vous nous aurez trouvé un local, si la communauté ne peut pas s'y rendre, nous y enverrons au moins quelques frères habillés en séculiers qui travailleront le bien. Deux ou trois ou quatre frères ne donneront de l'ombrage à personne.

(…) Si vous prévoyez que nous n'aurons pas assez de ressources pour nous procurer un local et qu'il ne se trouvera pas assez d'âmes charitables pour fournir ce que nous manquera, daignez me dire, quand vous m'écrivez, si je ferai bien d'envoyer quelqu'un à la quête. Plut à Dieu qu'on sût le bien qu'une Trappe fait dans le diocèse où elle est placée, on ne verrait pas les pauvres trappistes courir le monde pour aller demander l'aumône : chacun s'empresserait de porter son superflu à la Trappe. (…) Le père abbé du Gard dans sa dernière lettre en date du 14 mai me parle ainsi de notre future rétablissement dans votre diocèse : “J'approuve toutes vos idées quant à l'établissement projeté dans le diocèse de Besançon. (…) Dieu vous délivre du besoin de la quête.”  Fr. Germain, abbé très indigne.

• Géronde, 18 juillet 1833

(…) Il n'est plus question d'aller en Belgique parce que nous avons tous à cœur de rentrer dans votre diocèse.

• Géronde, 20 mars 1834

(…) Vous savez qu'il n'est pas question d'abandonner de suite et tout à fait ce rocher de Géronde quelque peine que nous ayons à y demeurer. Si vous nous trouvez un emplacement convenable, nous le prendrons.

(…) Rappelez-vous notre position à Géronde : rien pour nous occuper sur notre roc. Il faut descendre au jardin deux fois chaque jour. Quand nous avons bien travaillé et qu'il s'agit de revenir sur ce roc, ce n'est pas une petite affaire pour nous qui sommes déjà épuisés du travail et des jeûnes. J'admire la patience de mes bons frères, mais je dois en même temps songer à les soulager, à leur trouver un local plus convenable : ils se consoleront, ils ranimeront leur courage lorsqu'ils sauront qu'ils ont en France un monastère tout prêt où ils pourront aller aussitôt que le mauvais temps sera passé. Nos travaux d'été sont vraiment excessifs. Nous devons aller presque tous les jours tantôt à une lieue, tantôt à demi-lieue du monastère. Le père Stanislas ne pense pas que nous puissions tenir longtemps ici sans nous ruiner la santé, il me presse fortement de faire rentrer la communauté en France.

(…) Mes bons frères me disent souvent : “Quand nous apprendrez-vous que vous nous avez trouvé un monastère en France ?”

(…) Je pense à vous envoyer sous enveloppe le mandement que Mgr l'évêque a publié au commencement du carême. Vous verrez que le Valais va très mal, qu'il en est à la guerre civile, que le Bas-Valais veut absolument la révolution et qu'il l'obtiendra. Il est très prudent de notre part de songer à rentrer en France.

• Géronde, 21 mai 1834

Il est bon que vous soyez au courant de ce qui se passe dans le Valais. Vous verrez à la lecture du mandement de Mgr l'évêque que ce pays marche à grand pas vers la révolution. Le clergé et tous les gens bien pensant craignent beaucoup et avec raison car les séances de la Diète assemblée depuis environ trois semaines sont très orageuses.(…)

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Dieu, dont les desseins sont impénétrables, voulut affliger le Valais par des calamités imprévues. Dans le mois d’août 1834, la fonte extraordinaire des glaciers des Alpes occasionna des inondations qui ravagèrent tout le pays ; des villages entiers furent engloutis sous les eaux, les plaines couvertes d’une abondante moisson n’offraient plus qu’un lac depuis Brigues jusqu’à Saint-Maurice. La désolation était générale ; les trappistes sur leur rocher contemplaient tristement tant de désastres, priant le Seigneur d’y mettre un terme et de prendre pitié d’eux et des bons valaisans.

Pendant plus d’un mois que dura cette inondation si terrible et si désastreuse, les religieux ne négligèrent rien pour en diminuer les ravages. Ils aidèrent les habitants de ce pauvre pays à fixer le lit du torrent dont les eaux furieuses avaient jusque là brisé toutes les digues qu’on leur avait opposées. Une personne très intelligente du monastère communiqua à cet égard ses idées qui furent adoptées par le gouvernement du Valais. Cette personne dirigea elle-même les travaux et obtint un succès complet ; le lit du torrent fut fixé, l’inondation cessa et l’on put insensiblement dégager les maisons remplies de gravier.

L’embarras de ces pauvres religieux était extrême car, ainsi qu’aux habitants du pays, l’inondation venait de leur enlever toutes leurs espérances. Dieu qui n’abandonne pas les siens, voulut que, tandis qu’il les affligeait ainsi sur une terre hospitalière, le diocèse de Besançon ne les perdît pas de vue et que Mgr Gousset, maintenant archevêque de Reims et alors vicaire général du diocèse de Besançon, de concert avec M. Breuillot, restaurateur du grand séminaire de cette ville, trouvât, après bien des recherches, un local convenable pour les Trappistes [dans la commune de Malens, au Val-Sainte-Marie].

Le Valais ne s’attendait à rien moins qu’à voir partir les trappistes pour rentrer dans le diocèse de Besançon. Lorsque la nouvelle se répandit dans le pays, la désolation fut extrême. Le grand Bailli leur écrivit pour leur témoigner au nom de tout le canton, les regrets qu’on éprouvait de leur départ et leur envoya une indemnité en dédommagement des pertes qu’ils avaient faites à la suite des derniers désastres. Il demanda lui-même pour eux à l’ambassadeur français en Suisse des passeports qu’il envoya au père prieur avec la lettre suivante :

Sion 27 octobre 1834                                       Très révérend Père,

J’ai l’honneur de vous transmettre sous ce pli les passeports que j’ai reçus en retour de l’ambassade de France pour vos révérends religieux… Je souhaiterais bien, très révérend Père, que vous laissassiez couvrir ces papiers de poussière avant d’en faire usage pour nous quitter. Je ne puis, au sujet de cette résolution, que vous répéter ce que j’ai dit au révérend père Maurice [5]. Plus nous approchons du terme où vous allez la réaliser, plus je sens la peine que j’éprouve d’une détermination dont, il n’y a pas encore fort longtemps, vous reculiez l’époque bien au-delà de celle que vous venez inopinément de fixer. Je souhaite qu’elle remplisse vos vœux dès que ceux de vous conserver parmi nous ne peuvent plus se réaliser, etc…

De Courten grand Bailli.

Les religieux consacrèrent le peu de temps qui leur restait avant leur départ pour la France, à prier avec plus de ferveur, à conjurer le Ciel de continuer à protéger le Valais et de se souvenir toujours que les trappistes, dans leur grande détresse, avaient été accueillis avec des transports de joie par ces habitants si religieux, si hospitaliers. Ils lui souhaitaient en récompense de cet accueil si touchant, une longue paix, une prospérité toujours croissante et telle que la méritait un si bon peuple.

Deux jours avant leur départ ils reçurent du gouvernement la lettre que nous allons rapporter, lettre qui fit sur leurs cœurs une impression profonde. S’ils durent se réjouir, lorsqu’ils apprirent que leur patrie les rappelait, ils ne purent s’empêcher de s’attrister en voyant combien on leur portait d’intérêt dans le pays étranger qui les avait reçus avec enthousiasme et qui témoignait tant de douleur au moment de leur départ.

Sion le 3 novembre 1834.                                                   Très révérends pères, chers frères

Les vœux du clergé et des fidèles du diocèse de Besançon vous rappellent en France. Les vœux des valaisans vous retiendraient parmi eux. Ils sont aussi sincères, aussi ardents que peuvent l’être les premiers. L’obéissance, l’attachement à votre patrie vous font céder à ceux-ci. Nous ne pouvons plus ainsi qu’exprimer des regrets de la résolution que vous venez de nous communiquer.

Des hommes menant une vie plus angélique qu’humaine, accomplissant toute l’étendue des préceptes de l’Évangiles, s’imposant même des devoirs plus sévères, nous rappelant ainsi les premiers pères du désert dont ils retracent l’austérité, s’étaient adressés à l’hospitalité religieuse du peuple valaisan. Celui-ci s’était empressé de les accueillir comme des hôtes tutélaires et des gages de la miséricorde divine dans les jours de tribulations.

Vous étiez devenus, très révérends pères et chers frères, l’édification de la contrée que vous habitiez ; vous vous étiez acquis non seulement la vénération mais vous vous étiez encore concilié une affection générale et c’était une vraie consolation pour le gouvernement de savoir qu’en même temps qu’il implorait les bénédictions du Ciel, vous y éleviez vos mains suppliantes, en lui offrant pour le Valais le mérite de jours remplis d’œuvres de piété.

Vous exprimer ces sentiments, vénérables religieux, c’est vous dire suffisamment avec quelle peine nous vous voyons vous éloigner de nous.

Recevez ainsi le témoignage que nous vous en transmettons. Agréez les vœux que nous faisons ; ils vous suivront partout où vous irez, tout comme le souvenir de vos vertus dont vous donnez de si grands exemples, ne s’effacera jamais chez nous. Rappelez-vous dans vos œuvres méritoires, elles sont celles de tous les instants de votre vie ; rappelez-vous des habitants d’un pays dont vous tracez avec tant d’intérêt les impressions que vous avez reçues. Rappelez-vous son gouvernement ; attirez sur ses actes cette bénédiction qui fasse toujours surgir de ses travaux les plus grands biens de la religion, ainsi que la prospérité du canton, etc…

                                                                 Au nom du gouvernement De Courten, grand Bailli

Le chef du gouvernement voulut que les religieux descendissent chez lui à Sion lorsqu’ils y passèrent pour rentrer en France. Pendant le dîner il leur réitérait souvent ses regrets et ceux du peuple du Valais. Après le repas les religieux reprirent leur route. Son Excellence le grand Bailli et M. de Soie, membre du Conseil d’état, les accompagnèrent jusqu’à la porte de la ville où ces deux magistrats leur firent avec respect leur dernier adieu.

Ce fut le 6 novembre 1834 que les Trappistes partirent de Géronde.

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Notes

[1] Extrait de Le Valais de 1815 à 1965, par Émile BIOLLAY, Conseil d’État du Valais, p. 17-19.

[2] Cf. le journal Le Véridique de Fribourg du 28 mai 1831.

[3] Les trappistes étant astreints au silence perpétuel peuvent communiquer entre eux pour leurs besoins à l’aide d’un ensemble de signes qui remonte très loin dans le temps.

[4] Géronde est le seul beau site qu’il y ait dans le Valais. Ce rocher, de forme à peu près ronde, s’élève au milieu de la plaine et présente un coup d’œil très agréable. Il faut donné aux Carmes dans les beaux jours de leur Ordre ; ils y bâtirent un couvent et une belle église qui existent encore, ainsi que les douze grottes qu’ils pratiquèrent dans le roc du côté où le Rhône le mouille. Ces grottes ont des fenêtres très régulières, dont les cadres en bois paraissent tout neufs quoiqu’ils soient assez anciens. On ne conçoit pas comment les Carmes pouvaient aller dans ces grottes percées à une fort grande hauteur dans le roc que le Rhône rend inabordables ; la tradition porte qu’ils y allaient par un souterrain qui partait du monastère, mais on n’y voit pas le moindre vestige de ce souterrain et une telle tradition ne parait guère vraisemblable.

[5] Frère Maurice était l’économe de la communauté, donc souvent en rapport avec les gens de l’extérieur.