Fête de l'Immaculée Conception — Abbaye de Tamié

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Fête de l'Immaculée Conception

Par Frère Raffaële
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Homélie pour la solennité de
l'Immaculée Conception de Marie


            « Est-ce que je suis belle ? » Toute femme pose cette question à l’homme qui l’aime et c’est important pour elle que l’homme qui l’aime lui dise : « Oh oui ! Tu es la plus belle ! » Et si ce mot ne fait pas vibrer le cœur d’une jeune fille, elle est vraiment étrange, car la séduction fait parti du jeu de l’amour. « Tu me fais perdre le sens, ô ma fiancée, par un seul de tes regards » s’exclame l’Époux du Cantique des cantique (4, 9). Dans l’amour se trouve une blessure causée par le visage de l’autre. L’amour a besoin du regard
            Dieu fait la même chose quand il nous dit à sa manière « Tu es belle, ô ma créature ». « Dieu vit que cela était beau » affirme le livre de la Genèse, nous montrant Dieu émerveillé devant sa créature. Mais ce que Dieu contemple de plus beau en nous, c’est notre faiblesse, notre pauvreté. Avec Dieu, tout se renverse, parce que dans l’amour humain, ce que nous aimons, ce sont les qualités de la personne, son rayonnement, sa grâce ou sa force. Seul l’amour maternel parvient parfois à pressentir que  l’amour vrai dépasse l’apparence de la beauté humaine et que la créature vaut plus que son apparence. Pour Dieu, c’est la même chose. À ses yeux le plus beau dans sa créature c’est sa faiblesse, sa misère. Cette misère le séduit, touche son cœur, le blesse jusqu’à l’intime, parce que notre misère, c’est notre vérité, notre visage de réalité. Dieu a vraiment un coup de cœur pour cette faiblesse.
            Dans la Bible, Dieu montre une préférence marquée pour les pauvres, les petits, les enfants, les faibles. Quant aux autres, il ne leur reste qu’une possibilité s’ils veulent entrer dans la joie et l’amour : descendre au fond de leur propre pauvreté et d’arrêter de la fuir, car nous savons tous d’expérience que nous fuyons la découverte de notre misère.
            Marie avait compris la raison pour laquelle Dieu l’aime. Nous imaginons que Dieu l’aime parce qu’elle est la Sainte Vierge, l’Immaculée Conception, la Toute Sainte, la Toute Pure. Sa splendeur immaculée nous laisse émerveillés, éblouis devant ce privilège exceptionnel. Mais ce n’est pas parce que Marie est l’Immaculée Conception que Dieu l’aime. Ce qui le séduit en elle, c’est d’abord sa petitesse, sa faiblesse.
            Dans une homélie à la louange de la Vierge Marie, saint Bernard ose affirmer que ce ne fut pas tant la virginité de Marie qui plut à Dieu mais son humilité (Miss. 1, 5) car, ajoute-t-il, mieux vaut être une humble pécheresse qu’une vierge orgueilleuse (Ibid. 8)
            La saint Vierge fait partie de ces enfants auxquels appartient le Royaume des Cieux. Elle est d’une petitesse extraordinaire. « Personne n’a vécu, n’a souffert, n’est mort aussi simplement et dans une ignorance aussi profonde de sa propre dignité, d’une dignité qui la met pourtant au-dessus des Anges » a écrit Bernanos.
            C’est cette petitesse, cette humilité qui a fasciné le cœur de Dieu. « Il a posé son regard sur l’humilité de sa servante. » Et c’est ainsi qu’il lui a tout donné : l’Immaculée Conception, la Plénitude de grâce, la Maternité divine, les titres de Reine des Anges, de Reine des Apôtres et « unumquam satis » (jamais assez) ! De Marie jamais assez ! Lorsqu’on est amoureux, on donne tout ce qu’on a. Et c’est parce que Dieu est amoureux qu’il donne tout ce qu’il a. « Le Puissant fit pour moi des merveilles, saint est son nom. »

             Frères et soeurs, devant cette générosité divine nous sommes déroutés. Quel cadeau pourrions-nous faire à Dieu en retour ?  Dans l’amour il y a échange de dons. Un amour sans cet échange de dons n’est pas tout à fait un amour. Quel cadeau pouvons-nous faire à Dieu qu’il ne possède déjà ?
            Dans un sermon pour la Vigile de Noël (1, 5) saint Bernard pose la question : « Qu’est-ce que Jésus est venu chercher ici-bas ? Tout ce qu’il pouvait désirer, les cieux le lui fournissaient dans une surabondance perpétuelle. Mais c’est la pauvreté qui ne s’y trouvait pas. Or, sur la terre cette denrée abondait et surabondant, sans que l’homme en sache le prix, écrit saint Bernard. C’est parce qu’il la convoitait que le Fils de Dieu est descendu. » Alors, frères et soeurs, que pouvons-nous offrir à Dieu ? Nos vertus ? Nous le lui devons et de toute façon il n’en a guère besoin. Que pouvons-nous lui offrir qui soit vraiment nous-mêmes ? L’humble acceptation de notre pauvreté ! Accepter de toucher le fond de notre faiblesse et nous tourner vers Dieu avec confiance, voilà le plus beau et le plus vrai cadeau que nous pouvons lui faire. C’est ce cadeau-là qui le séduit de toute éternité. C’est cela que Marie nous apprend en cette fête de l’Immaculée Conception.

« Il a posé son regard sur l’humilité de sa servante...
Le Puissant fit pour moi des merveilles, saint est son nom ! »

Amen