Homélie - TO 4 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - TO 4

Par Frère Patrice
 croix - arcabas
4ème dimanche du temps ordinaire - B

Lecture du livre du Deutéronome
Moïse dit au peuple d'Israël : « Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur votre Dieu fera se lever un prophète comme moi, et vous l'écouterez. C'est bien ce que vous avez demandé au Seigneur votre Dieu, au mont Horeb, le jour de l'assemblée, quand vous disiez : 'Je ne veux plus entendre la voix du Seigneur mon Dieu, je ne veux plus voir cette grande flamme, je ne veux pas mourir !' Et le Seigneur me dit alors : 'Ils ont raison. Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles, et il leur dira tout ce que je lui prescrirai. Si quelqu'un n'écoute pas les paroles que ce prophète prononcera en mon nom, moi-même je lui en demanderai compte. Mais un prophète qui oserait dire en mon nom une parole que je ne lui aurais pas prescrite, ou qui parlerait au nom d'autres dieux, ce prophète-là mourra. '»

Psaume : Ps 94, 1-2, 6-7ab, 7d-8a.9
R/ Aujourd'hui, ne fermons pas notre cœur, mais écoutons la voix du Seigneur.
Venez, crions de joie pour le Seigneur,
acclamons notre Rocher, notre salut !
Allons jusqu'à lui en rendant grâce,
par nos hymnes de fête acclamons-le !

Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous,
adorons le Seigneur qui nous a faits.
Oui, il est notre Dieu ;
nous sommes le peuple qu'il conduit.

Aujourd'hui écouterez-vous sa parole ?
« Ne fermez pas votre cœur comme au désert,
où vos pères m'ont tenté et provoqué,
et pourtant ils avaient vu mon exploit. »

2ème lecture : La virginité pour le Seigneur (1Co 7, 32-35)  
Lecture de la première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens  
Frères,  j'aimerais vous voir libres de tout souci. Celui qui n'est pas marié a le souci des affaires du Seigneur, il cherche comment plaire au Seigneur. Celui qui est marié a le souci des affaires de cette vie, il cherche comment plaire à sa femme, et il se trouve divisé. La femme sans mari, ou celle qui reste vierge, a le souci des affaires du Seigneur ; elle veut lui consacrer son corps et son esprit. Celle qui est mariée a le souci des affaires de cette vie, elle cherche comment plaire à son mari. En disant cela, c'est votre intérêt à vous que je cherche ; je ne veux pas vous prendre au piège, mais vous proposer ce qui est bien, pour que vous soyez attachés au Seigneur sans partage.

Évangile : Jésus est le Prophète qui enseigne avec autorité (Mc 1, 21-28)  
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Béni soit le Seigneur notre Dieu : sur ceux qui habitent les ténèbres, il a fait resplendir sa lumière. Alléluia. (cf. Lc 1, 68.79)  
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc  
Jésus, accompagné de ses disciples, arrive à Capharnaüm. Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait. On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes. Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit mauvais, qui se mit à crier : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais fort bien qui tu es : le Saint, le Saint de Dieu. » Jésus l'interpella vivement : «Silence ! Sors de cet homme. » L'esprit mauvais le secoua avec violence et sortit de lui en poussant un grand cri. Saisis de frayeur, tous s'interrogeaient : « Qu'est-ce que cela veut dire ?  Voilà un enseignement nouveau, proclamé avec autorité ! Il commande même aux esprits mauvais, et ils lui obéissent. »
Dès lors, sa renommée se répandit dans toute la région de la Galilée.
© AELF

Homélie

Vous savez c’est parfois comme ça. Un bon repas de famille, tout va très bien, l’ambiance est excellente. Et puis soudain, on ne sait trop pourquoi, un des convives parle, il se sent très libre de le faire et tout d’un coup c’est l’explosion. L’un ou l’autre des convives ne supporte pas d’entendre ce qui est  prononcé ; et la joute verbale commence et les autres n’ont plus qu’à compter les points.
C’est un peu ce qui se passe ce matin. Jésus va à la synagogue, comme tous les samedis,  on lui cède la parole et il se met à enseigner. Que dit-il exactement, nous ne le savons pas. Nous savons simplement que quelque temps avant  il était en Galilée et que là il prêchait l’Évangile de Dieu et disait : « Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle ». Je pense qu’il devait tenir les mêmes propos ce jour du sabbat, car, ne l’oublions pas, Jésus est venu pour nous parler de son Père, nous le révéler et nous appeler à la conversion. Bref, sa parole fait irruption et il ne doit pas s’étonner d’engendrer des réactions. Déjà en Isaïe Dieu disait : « Ainsi en est-il de la parole qui sort de ma boche : elle ne retourne point à moi sans effet ». La veuve de Sarepta apercevant Élie venant à sa rencontre lui disait : « Que me veux-tu saint homme de Dieu, es-tu venu chez moi pour rappeler mes fautes et faire mourir mon fils ? »
Oui, nous n’aimons pas être dérangés et la lecture ou l’écoute de la parole de Dieu justement nous dérange bien souvent, même si  bien souvent aussi elle apaise nos cœurs. Car, fort probablement, les paroles entendues percutent ; elles mettent dans l’embarras car elles indiquent un chemin à suivre, alors que nous en suivons un autre en sachant très bien que ce n’est pas le bon ou le meilleur. Mais nous ne voulons pas changer de cap ; nous sommes installés dans un certain confort de compromis, même si nous suivons Jésus du regard, mais de loin, pour ne pas trop nous laisser apercevoir et par-là même interpeller par lui.
Mais il en est d’autres que cette parole met hors d’eux-mêmes. Un philosophe contemporain dit : « C’est parce que le Verbe est le révélateur sans partage qui illumine le cœur des hommes, que les hommes voués au mal haïssent le Verbe ». C’est exactement ce qui se passe ici : un homme réagit avec violence, cette fichue violence qui est un des aspects de la haine. Remarquez au passage dans quel état le met son obstination à pactiser avec la mal. Il parle d’abord au pluriel : « Que nous veux-tu ? » Il est dans la confusion, il n’y a pas de sujet humain, la relation avec l’autre est impossible ; et son aptitude à parler vrai est bloquée. On dirait presque un schizophrène dont le propre est de vivre un véritable dédoublement de la personnalité. Puis il se met à parler au singulier : « Je sais qui tu es ! » Un JE ou un MOI qui se gonfle en prétention de savoir et se pose comme inattaquable sur ce point. Il n’a rien à apprendre ni rien à recevoir de ce TOI qui parle ; mais il en a tout à craindre (le schizophrène n’admet jamais l’adversité) ; alors il attaque. Ne sommes-nous pas un peu comme lui lorsque quelqu’un nous tient tête, ne partage pas nos idées ?
Cela ne démonte pas Jésus, bien  au contraire. Il va saisir l’occasion pour nous montrer qu’il n’enseigne pas seulement par sa parole, mais aussi par ses actes salvateurs. À la violence de l’emprise du mal sur cet homme Jésus va répondre par une certaine violence de la parole. Violence de son injonction que certains traducteurs de la bible n’hésitent pas à traduire en ces termes un peu crus mais proches de la réalité humaine : « Ferme-là et déguerpis de là ! » ou encore : « Sois muselé et pars au loin ! ». Il faut cette violence pour secouer le parasite qui colle à la peau ; tout comme il faut parfois cette violence pour nous faire sortir de notre léthargie ou de notre endurcissement. Mais ne perdons pas de vue que cette violence est celle-là même de la Parole de Dieu qui tout à la fois peut nous apporter sa douceur mais aussi sa force et sa rudesse pour combattre le mal. En tout cas ces geste sauveurs de Jésus, guérisons, miracles, expulsion de démons, amènent les gens à s’interroger sur la personne même de Jésus tout autant qu’ils le font lorsqu’ils entendent la parole. Avec Jésus paroles et actes sont cohérents ; tandis que pour nous il y a bien souvent discordance ; et pourtant c’est bien sur notre comportement que nous sommes jugés par les autres.
Mai que faut-il lire au-delà de cette violence ?
Probablement nous devons prendre conscience de la richesse et de la beauté du cœur de l’homme. Et c’est pour cela qu’il est l’objet de la convoitise du Mal d’une part, mais aussi et surtout l’objet de l’amour brûlant de Jésus. « Je l’emmènerai au désert et là je parlerai à son cœur » dit Dieu dans le prophète Osée. Dieu ne veut pas parler à un homme privé d’humanité, Dieu ne veut pas parler à un homme soumis au Mal. C’est pour cela que Jésus somme l’esprit impur de sortir du possédé. Jésus ne veut et ne peut parler qu’au cœur de l’homme et de l’homme libre. J’aime beaucoup cette méditation de saint Jérôme qui imagine le dialogue entre Jésus et l’esprit impur qui habitait l’homme ! « Sors de ma maison. Que fais-tu dans ma demeure ? Laisse l’homme, il m’appartient. Il est à moi et moi je suis pour lui. L’homme est ma demeure ; j’habite l’homme. Ce corps que tu possèdes est quelque chose de mon corps. Va-t-en de l’homme ! »
Une simple parole suffit à faire fuir le Mal du cœur de l’homme, une seule parole suffit à réjouir le cœur de l’homme. Alors attachons-nous à la Parole de Dieu. Chacun selon ses possibilités. Parfois un seul mot, une seule phrase glanée dans notre lecture du jour peut suffire à nous porter pendant une longue période. Là est toute notre force, ne l’oublions jamais.