Homélie TO 12 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie TO 12

Par Père Victor
croix - arcabas
Homélie pour le 12ème dimanche
du temps ordinaire


 Confession de foi de Pierre et annonce de la Passion (Lc 9, 18-24)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Un jour, Jésus priait à l'écart. Comme ses disciples étaient là, il les interrogea : « Pour la foule, qui suis-je ? » Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d'autres, Élie ; pour d'autres, un prophète d'autrefois qui serait ressuscité. » Jésus leur dit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre prit la parole et répondit : « Le Messie de Dieu. » Et Jésus leur défendit vivement de le révéler à personne, en expliquant : « Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu'il soit tué, et que, le troisième jour, il ressuscite. »

Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix chaque jour, et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera. »

© AELF

Homélie


 Regarder Jésus en prière et accueillir la question qu’il pose à notre foi peut être ce lien. Jésus n’est-il pas celui vers qui convergent toutes les Écritures ? Pour vous qui suis-je ? Répondre comme Pierre à cette question, d’une réponse de foi, éclaire la mystérieuse annonce du prophète Zacharie : ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé. Et si Jésus est vraiment le Messie de Dieu, s. Paul a raison de nous dire qu’en lui nous sommes tous enfants de Dieu et que, juifs ou païens, hommes ou femmes, nous ne faisons plus qu’un dans le Christ Jésus.

  L’évangile débute par ces mots : Un jour Jésus priait à l’écart. Une douzaine de fois saint Luc mentionne que Jésus priait et toujours à des moments importants de sa vie. Aujourd’hui, nous nous trouvons après la multiplication des pains et avant la Transfiguration. Gardons présentes à l’esprit ces deux scènes décisives : la multiplication des pains et la transfiguration. Jésus prie. Il prie pour demeurer en relation avec le Père ; il prie pour définir sa mission car, malgré le succès apparent du miracle des pains, il entrevoit de plus en plus clairement que sa mission va le conduire à la Croix, il nous le dit. Lors de la transfiguration, alors qu’il priait, Luc nous dit qu’il parlait avec Moïse et Élie de son exode à Jérusalem (Lc 9,31). Entrer dans la prière de Jésus nous introduit dans le mystère de sa personne et de sa mission. L’Eucharistie est cette grande prière de l’Église qui nous donne accès à une vraie connaissance du Christ ; elle nous permet de l’écouter, de demeurer auprès de lui et de le suivre.

  Dans ce dialogue de Jésus avec les douze, Luc souligne bien la différence entre la réponse personnelle de foi que donne Pierre au nom des douze et l’opinion de la foule que l’évangéliste nous rapporte à deux reprises. Quelques versets plus haut, il nous dit que Hérode demeurait perplexe car certains pensaient que Jean-Baptiste était  ressuscité des morts, d’autres qu’Elie était apparu, d’autres qu’un prophète d’autrefois était ressuscité. A la question posée par Jésus : Pour la foule, qui suis-je ? Les disciples donnent les mêmes réponses.   Mais eux qui ont tout quitté pour suivre Jésus, que pensent-ils ? Pour vous, qui suis-je ?  C’est à chacun de nous aujourd’hui que Jésus pose cette question. Question embarrassante car elle engage. Qui est Jésus pour moi ? Nous ne pouvons pas nous contenter de l’opinion des foules, celle que nous présentent les medias. Ma réponse va-t-elle jaillir de ma prière, d’une relation personnelle avec le Christ ? A chacun d’examiner son cœur. La question demeure posée et exige une réponse : pour vous qui suis-je ?

  Si Jésus n’était qu’un prophète, comme certains aujourd’hui encore le pensent, son témoignage et ses paroles mériteraient d’être écoutées et accueillies comme celles d’un envoyé de Dieu ; mais ni son message, ni sa mission ne modifieraient le sens de l’histoire. S’il est le Messie de Dieu, comme le proclame Pierre, toute l’humanité se trouve concernée par cette vérité et en est transformée. Moi aussi je suis concerné et ma vie doit en être transformée. Si Jésus est le Messie de Dieu annoncé par les prophètes, par Zacharie que nous venons d’entendre, les derniers temps sont donc arrivés. Le Salut ou le Royaume de Dieu est déjà là ! Et Jésus est lui-même ce Salut pour tout homme qui croit en lui et dans le Père qui l’a envoyé. Il ne peut y avoir d’autre Salut en dehors de lui car ce Salut est l’aboutissement de l’histoire humaine et de toute la création. Comme le dira saint Jean : tout ce qui a été fait a été fait par lui et pour lui, il est la lumière des hommes. Il est la présence de Dieu parmi nous. Cette révélation de l’identité de Jésus ne peut laisser personne indifférent. Elle appelle une réponse de notre part et une réponse de foi. Plus que cela, elle appelle un engagement à sa suite. Si Jésus nous révèle l’amour du Père, s’il est lui-même la manifestation suprême de cet amour pour nous, notre réponse ne peut qu’être une réponse d’amour.

  Reconnaître en Jésus le Messie envoyé par Dieu, le Fils de Dieu tel qu’il apparaît à la transfiguration, celui qui est venu rassembler les hommes et les sauver, c’est accepter d’œuvrer avec lui à cette unité de tous dans l’amour, c’est, comme nous y invitait Jean-Paul II avec insistance, vivre une spiritualité de communion et promouvoir une civilisation fondée sur l’amour. Nous comprenons alors le message de saint Paul : vous ne faites plus qu’un dans le Christ. Baptisés en lui vous êtes tous devenus fils de Dieu. Ou, comme dit saint Jean : Quiconque croit que Jésus est le Christ est né de Dieu. (1 Jn 5,1) Avons-nous vraiment conscience, frères et sœurs, d’être devenus fils de Dieu ? Si je suis fils dans le Fils, je suis déjà ressuscité, je puis mourir, écrivait Fr. Christophe. Être déjà ressuscité, c’est se savoir connu et aimé de Dieu pour toujours et donc ne pouvoir être anéanti dans la mort. Tous les saints nous entraînent sur ce chemin. Tel est aussi le message très fort du film Des hommes et des dieux  primé à Cannes. Il traduit à sa manière ces paroles de Jésus : Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera. Paroles d’une grande exigence mais porteuses d’une magnifique espérance. Seules la prière et l’écoute de la Parole vécues dans chaque Eucharistie peuvent nous permettre d’entrer peu à peu dans cette logique de l’amour.