Homélie Pâques 7 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Pâques 7

Par Frère Gaël

http://www.perichorese-icones.org

 

7ème dimanche de Pâques

Première lecture
« Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière » (Ac 1, 12-14)

Lecture du livre des Actes des Apôtres

Les Apôtres, après avoir vu Jésus s’en aller vers le ciel, retournèrent à Jérusalem depuis le lieu-dit « mont des Oliviers » qui en est proche, – la distance de marche ne dépasse pas ce qui est permis le jour du sabbat. À leur arrivée, ils montèrent dans la chambre haute où ils se tenaient habituellement ; c’était Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le Zélote, et Jude fils de Jacques. Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères.

Psaume 26 (27)

R/ J’en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants.

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?

J’ai demandé une chose au Seigneur,
la seule que je cherche :
habiter la maison du Seigneur
tous les jours de ma vie,
pour admirer le Seigneur dans sa beauté
et m’attacher à son temple.

Écoute, Seigneur, je t’appelle !
Pitié ! Réponds-moi !
Mon cœur m’a redit ta parole :
« Cherchez ma face. »

Deuxième lecture
« Si l’on vous insulte pour le nom du Christ, heureux êtes-vous » (1 P 4, 13-16)

Lecture de la première lettre de saint Pierre apôtre

Bien-aimés, dans la mesure où vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse quand sa gloire se révélera. Si l’on vous insulte pour le nom du Christ, heureux êtes-vous, parce que l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu, repose sur vous. Que personne d’entre vous, en effet, n’ait à souffrir comme meurtrier, voleur, malfaiteur, ou comme agitateur. Mais si c’est comme chrétien, qu’il n’ait pas de honte, et qu’il rende gloire à Dieu pour ce nom-là.

Évangile
« Père, glorifie ton Fils » (Jn 17, 1b-11a)
Alléluia. Alléluia. Je ne vous laisserai pas orphelins, dit le Seigneur ; je reviens vers vous, et votre cœur se réjouira. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là, Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire. Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe. J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé.

 Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux. Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. »

© AELF - Paris 2013


Homélie

Frères et sœurs, comme nous l’a rappelé la 1ère lecture et le chant d’entrée, nous sommes dans le temps entre l’Ascension et la Pentecôte, en attente de l’Esprit Saint promis par Jésus à ses disciples. Cependant, les autres lectures et les oraisons de la messe centrent notre attention sur un autre aspect du mystère chrétien : la gloire de Dieu. Je voudrais souligner deux approches de cette gloire : 1. Jésus a glorifié son Père sur la terre, et j’utiliserai l’image du prêtre qui célèbre l’eucharistie ; 2. Jésus apprend à ses disciples à glorifier le Père, et ce sera l’image de l’aigle qui apprend à voler à ses aiglons.

 

Jésus a glorifié son Père sur la terre

Dans la proclamation de l’Evangile, nous venons d’entendre le début de la grande prière que Jésus adresse à son Père en présence de ses disciples quelques heures avant son arrestation et sa mort sur la Croix. Tout est contenu dans le premier verset où il élève la voix, comme le prêtre devant l’autel : « Jésus leva les yeux au ciel et dit : ‘Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie’ » (v.1). Toute la vie de Jésus n’a été que manifestation de la gloire de Dieu : les anges chantent à sa naissance, ses paroles, ses signes, attirent des foules qui rendent gloire à Dieu… Jésus ne fait qu’UN avec son Père… et au moment où il adresse cette prière que nous venons d’entendre, il arrive au sommet de sa vie, à cette « heure » tant désirée : être élevé sur la Croix, donner sa vie jusqu’au bout pour ses frères et sœurs humains, pour obéir à son Père. Voilà la gloire qu’il désire, pour glorifier le Père.

Jésus trouve sa gloire dans ses disciples

Dans cet Evangile, Jésus apparaît comme la tête, le Grand-Prêtre qui, au milieu de ses disciples, au milieu de l’Eglise qui est son corps, élève vers Dieu une ultime prière : une prière d’abandon entre les mains du Père… une prière d’intercession pour ses frères… Une prière eucharistique ! Jésus reçoit tout de son Père et donne tout à son Père. Par des paroles d’une simplicité extrême que nous pouvons reprendre à notre compte, Jésus livre sa prière : « Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi » (v. 10)…… Redisons ensemble : « Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi »… Ceci nous engage dans une relation personnelle avec Dieu, où Dieu est Père, et nous, fille ou fils en Jésus. Cette relation filiale que vit Jésus au plus haut point et qu’il enseigne à ses disciples, en particulier dans la prière du Notre Père, glorifie le Père.

Mais la glorification de Dieu ne nous éloigne pas des chemins de la vie fraternelle. Jésus ajoute : « et je suis glorifié en eux » (v. 10) Par trois fois dans ces 11 versets, il parle des disciples que son Père lui a « donnés » (v.2.6.9). Il les accueille comme un don du Père… et il leur « donne la vie éternelle » (v. 2). La vie éternelle consiste à connaître Dieu et son envoyé Jésus-Christ (v.3), et donc à glorifier le Père… et Jésus est « glorifié » en ceux-là qui « gardent sa parole » (v. 7), en ceux qui « croient » que le Père l’a envoyé (v. 8)… Dire de quelqu’un « Je suis glorifié en lui », est vraiment un chemin de vie fraternelle. Pensez à tel ou telle, pas nécessairement celui ou celle qui vous plaît le plus, mais que Dieu le Père vous donne de rencontrer chaque jour, et dite dans un regard de foi : « Je suis glorifié en lui… en elle ». C’est peut-être difficile… Eh bien si nous pensons que Jésus fait cela pour chacun d’entre nous, nous comprendrons un peu l’amour fou qu’il déploie pour nous, nous comprendrons un peu l’amour sans limite du Père qui confie chacun, chacune, aux soins de son Fils, car lui, Jésus, glorifie le Père en toutes ses créatures, il glorifie le Père en chacun de ses frères et sœurs.

Jésus apprend à ses disciples à glorifier le Père

Dans la 2e lecture, saint Pierre nous invite à ne pas nous laisser abattre par les difficultés que nous rencontrons de la part des autres, à cause de notre foi, de notre nom de chrétiens : dénigrement, malveillance, persécutions… mais à en faire un tremplin vers la joie éternelle :

Bien-aimés, dans la mesure où vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse quand sa gloire se révélera… Si l’on vous insulte pour le nom du Christ, heureux êtes-vous, parce que l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu repose sur vous.

Nos souffrances peuvent venir de la société : peur des attentats, peur de l’étranger, peur de l’avenir en matière politique, économique, écologique, peur face aux pressions à l’école, au travail… Nos souffrances peuvent venir de nous-mêmes : lutte contre l’orgueil, le mensonge, la pornographie, la tristesse et le découragement…

Toutes ces souffrances qui minent, pourrissent le quotidien des uns ou des autres… quand elles sont l’objet de lutte pour marcher vers la lumière, permettent d’entendre l’encouragement de Pierre : « vous communiez aux souffrances du Christ… réjouissez-vous afin d’être dans la joie et l’allégresse quand sa gloire se révélera ».

Un abbé cistercien du 12e siècle, Guerric, ami de saint Bernard, dans un sermon pour l’Ascension que nous avons écouté il y a trois jours à Vigiles, encourageait ses frères du monastère d’Igny à combattre contre les vices pour parvenir jusqu’au royaume de Dieu :

« Martyre continuel, mais facile et sublime… Facile, car on ne nous demande rien au-dessus de nos forces ; sublime, car on y triomphe de toute la puissance [de l’Ennemi]( du Fort armé). N’est-il pas facile de porter le joug léger du Christ ? Et n’est-il pas sublime d’avoir un rang élevé dans son royaume ?

Et Guerric, reprenant une image biblique, propose à ses moines de porter des ailes d’aigle :

Quoi de plus sublime que de s’envoler par-dessus tous les cieux, là où le Christ est monté ?

C’est autre chose que de monter sur la Belle Etoile avec son parapente et de s’élever à quelques centaines de mètres… Dans les deux cas, avoir des ailes matérielles ou spirituelles suppose un entraînement avec un maître expérimenté. Guerric d’Igny poursuit :

Si tu cherches sous la conduite de quel maître, de quel guide ce sera, est-ce que le Christ, en ce jour, n’a pas, comme un aigle, engagé ses aiglons à voler en voletant au-dessus d’eux ?... Il s’efforçait d’élever leur cœur à sa suite par son amour, et il leur promettait, par l’exemple de son corps, que leurs corps aussi pourraient s’élever pareillement. Comme le dit l’Apôtre [Paul]instruit des secrets éternels : nous aussi, emportés sur les nuées, nous serons entraînés à la rencontre du Christ.

Lutter pour nous libérer des vices, pour trouver notre gloire en nos frères et sœurs créés à l’image de Dieu, permet d’éprouver une grande joie, de glorifier le Père, comme le Christ nous l’enseigne par excellence dans son Ascension au ciel, tel un aigle au-dessus de ses petits, en nous montrant notre destinée humaine à l’Amour insondable. C’est là qu’il nous attend dans la gloire « pour nous rendre participants de sa divinité » (2é Préface Asc.), c’est de là qu’il nous envoie un Défenseur, l’Esprit de vérité, tout en réalisant sa promesse d’être avec nous jusqu’à la fin du monde, parce qu’il trouve sa gloire dans ses disciples. Dans l’eucharistie de ce matin qui nous convie à la communion dans l’amour, nous sommes « confirmés dans l’assurance que Dieu glorifiera tout le corps de l’Eglise comme il a glorifié son chef, Jésus, le Christ » (prière après la communion).

Cette semaine, avec les Apôtres réunis à la chambre haute, nous pourrons invoquer plus que jamais la venue de l’Esprit Saint en restant « assidus à la prière… avec Marie la mère de Jésus » (1ère lecture) L’Eglise a besoin des sept dons de l’Esprit, et le monde aride de la rosée céleste… Car résonne en tout homme le cri intarissable du psalmiste : « Mon cœur m’a redit ta parole : ‘Cherchez ma face’ » (Ps 26).