Sixième dimanche du temps ordinaire — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Sixième dimanche du temps ordinaire

Homélie de f. Gaël.

Homélie pour le 6e dimanche du Temps ordinaire

Frères et sœurs, la prière du lépreux, ce cri qui sort des entrailles, nous touche profondément. Nous l’avons chanté au début de la messe. Le mot exact de l’Evangile est « purifier » et non « guérir » comme dans le chant. Nous n’allons pas entrer dans les détails. Gardons les paroles du refrain, ce sera plus facile à mémoriser : « Si tu le veux, Seigneur, tu peux me guérir. » Pour mieux nous imprégner de ce cri, pour accueillir plus volontiers cette prière venue de l’Esprit Saint, que Jésus exauce, je voudrais maintenant entrer avec vous dans cette scène évangélique.

Jésus et ses disciples marchent dans la campagne de Galilée. De derrière un buisson, proche du chemin, surgit une voix éraillée qui vocifère les mots d’un psaume :

Seigneur, ne me cache pas ton visage le jour où je suis en détresse ! (…)

Mes jours s’en vont en fumée, mes os comme un brasier sont en feu ; (…)

Ma peau colle à mes os, je ressemble au corbeau du désert (…)

moi, je me dessèche comme l’herbe. (Ps 101)

Jésus s’arrête, et l’homme accourt, ébouriffé, vêtements en lambeaux, visage couvert non d’un masque comme nous en connaissons, mais bien pire, couvert d’un voile, du front jusqu’au menton. On ne voit pas son regard. On entend seulement sa voix : « Si tu le veux, Seigneur, si tu le veux, tu peux me guérir. » Tout le monde l’a compris : c’est un lépreux ! Les disciples amorcent un mouvement de recul, et leurs visages effrayés en disent long : « Comment ose-t-il approcher, lui qui, avec sa maladie contagieuse, est banni de la société des hommes et de Dieu ? » L’homme aux chairs rongées reste là, prosterné devant Jésus, comme devant Moïse qui avait obtenu la guérison de sa sœur Myriam, lépreuse, comme devant Dieu qui seul peut guérir un tel mal : « Si tu le veux, Seigneur, tu peux me guérir. »

Jésus est « ému de compassion ». Et, comme le Père aux origines du monde, étend son bras, son doigt créateur. Il touche l’intouchable ! Il prononce : « Je le veux ! … Mais ne dis rien à personne, avant que le Fils de l’homme soit élevé de terre. Mon Royaume n’est pas de ce monde. Je ne suis pas venu pour éradiquer les maladies, les virus, mais pour que vous croyiez en moi, votre vrai médecin, et que vous ayez la vie en surabondance. »

Nous qui sommes venus ce matin peignés, bien habillés, parfumés, nous avons chacun notre coin de lèpre, que nous préférons oublier. Ce coin de lèpre – l’orgueil, la luxure, l’indifférence – qui nous empêche d’entrer en pleine communion avec nos frères et avec Dieu, qui nous empêche de « tout faire pour la gloire de Dieu » comme nous y invitait saint Paul, de « rechercher l’intérêt de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés. » (1 Co 10, 31-33) C’est ce point faible qui nous pousse à reprendre ce cri venu du Saint Esprit (chanter) : « Si tu le veux, Seigneur, si tu le veux, tu peux me guérir. »

f. Gaël, N.-D. de Tamié, 14 février 2021