Homélie - TO 33 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - TO 33

Par Frère Raffaële
croix - arcabas
Homélie pour le 33ème dimanche
du temps ordinaire - C

1ère lecture : Le jour du Seigneur (Ml 3, 19-20)

Voici que vient le jour du Seigneur, brûlant comme une fournaise. Tous les arrogants, tous ceux qui commettent l'impiété, seront de la paille. Le jour qui vient les consumera, déclare le Seigneur de l'univers, il ne leur laissera ni racine ni branche.
Mais pour vous qui craignez mon Nom, le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans son rayonnement.

 

Psaume : Ps 97, 5-6, 7-8, 9

R/ Il vient, le Seigneur, gouverner le monde avec justice

Jouez pour le Seigneur sur la cithare,
sur la cithare et tous les instruments ;
au son de la trompette et du cor,
acclamez votre roi, le Seigneur !

Que résonnent la mer et sa richesse,
le monde et tous ses habitants ; 
que les fleuves battent des mains,
que les montagnes chantent leur joie.

Acclamez le Seigneur, car il vient
pour gouverner la terre,
pour gouverner le monde avec justice
et les peuples avec droiture !

 

2ème lecture : Travailler en attendant le jour du Seigneur (2Th 3, 7-12)

Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Thessaloniciens

Frères,
vous savez bien, vous, ce qu'il faut faire pour nous imiter. Nous n'avons pas vécu parmi vous dans l'oisiveté ; et le pain que nous avons mangé, nous n'avons demandé à personne de nous en faire cadeau. Au contraire, dans la fatigue et la peine, nuit et jour, nous avons travaillé pour n'être à la charge d'aucun d'entre vous.
Bien sûr, nous en aurions le droit ; mais nous avons voulu être pour vous un modèle à imiter.
Et quand nous étions chez vous, nous vous donnions cette consigne : si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus.
Or, nous apprenons que certains parmi vous vivent dans l'oisiveté, affairés sans rien faire.
A ceux-là, nous adressons dans le Seigneur Jésus Christ cet ordre et cet appel : qu'ils travaillent dans le calme pour manger le pain qu'ils auront gagné.

 

Évangile : Bouleversements et persécutions annoncent le jour du Seigneur (Lc 21, 5-19)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Redressez-vous, levez la tête, car votre rédemption approche. Alléluia. (Lc 21, 28)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Certains disciples de Jésus parlaient du Temple, admirant la beauté des pierres et les dons des fidèles. Jésus leur dit : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n'en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. »
Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe que cela va se réaliser ? » Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom en disant : 'C'est moi', ou encore : 'Le moment est tout proche.' Ne marchez pas derrière eux !
Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne vous effrayez pas : il faut que cela arrive d'abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin. »
Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume.
Il y aura de grands tremblements de terre, et çà et là des épidémies de peste et des famines ; des faits terrifiants surviendront, et de grands signes dans le ciel.
Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l"on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon Nom. Ce sera pour vous l'occasion de rendre témoignage. Mettez-vous dans la tête que vous n'avez pas à vous soucier de votre défense. Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d'entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.
C'est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. »

© AELF

Homélie

Le Temple de Jérusalem est le point le plus mystérieux de l'univers. Cet édifice, qui a vu naître et se développer autour de lui les légendes les plus étranges et les plus fascinantes, est, du moins pour les trois grandes religions monothéistes, le lieu de la présence et de la manifestation de Dieu. Là où le Seigneur avait ordonné à Abraham de conduire et de sacrifier Isaac, sur le mont Moriyya, c'est là que Salomon décida d'ériger le Temple (2 Ch 3,1), le seul lieu de culte légitime en Israël, où l'on pouvait célébrer l'alliance et offrir le sacrifice. Pour les Juifs du temps de Jésus, le Temple, rebâti depuis peu et magnifiquement décoré, était le symbole même de la nation. La prophétie de Jésus, destinée à s'accomplir moins de quarante ans plus tard, apparaît dès lors d'autant plus choquante qu'elle frappe au coeur le sentiment d'identité du peuple d'Israël.

Autour du Temple sont nés quelques-uns des mythes et des pouvoirs plus ou moins occultes qui, tout au long des vingt siècles du christianisme, ont façonné l'histoire du monde : depuis les Templiers, les chevaliers du Temple, défenseurs de la foi à Jérusalem et dans l'Europe entière, jusqu'aux diverses loges maçonniques qui, dans leurs symboles, se réclament explicitement du grand-oeuvre de Salomon et, à la place de Dieu, mettent le grand architecte de l'univers, en s'inspirant de la symbolique des bâtisseurs pour leurs rites et leurs costumes.

L'histoire du Temple est toujours nouée, à toutes les époques, avec celle des pouvoirs de ce monde, qu'il s'agisse des rois d'Israël, des empereurs romains, des croisés ou des francs-maçons. Serait-ce pour cela que le Seigneur en prophétise avec force la destruction ? Curieusement, nous avons la description du Temple de Jérusalem dans la Bible, mais nous n'en avons gardé aucune image. De même que nous n'avons aucune image de Jésus-Christ, sinon celle, mystérieuse et fascinante, du Saint Suaire. Dans l'évangile de Jean, juste avant sa Passion, Jésus se compare au Temple : « Détruisez ce Temple et moi, en trois jours, je le relèverai » (2,19). Et l'évangéliste commente : « Le Temple dont il parlait, c'était son corps. » Comme s'il y avait un rapport entre la présence de Dieu, la Shékinah de l'Ancien Testament, dont le Temple était la demeure, et la présence de Dieu dans le Nouveau, où Dieu s'est fait lui-même visible dans l'homme Jésus-Christ, Verbe incarné. C'est lui le troisième Temple, le salut enfin accompli. C'est pourquoi les images, les représentations du Temple de Jérusalem sont désormais révolues ; et les images matérielles du Seigneur ne sont pas indispensables pour la foi, bien qu'elles puissent nous aider. Les pierres du Temple de Jérusalem, même dans leur état actuel de ruines, demeurent aujourd'hui encore le signe de contradiction le plus inquiétant du monde entier. Pour la conquête de cette esplanade, les peuples se sont massacrés pendant vingt siècles, et ce n'est pas encore fini. La cause en est peut-être le caractère profondément sacré de ce lieu : tant que dans le coeur des hommes ne surgira pas une ferme volonté de se reconnaître et de se respecter mutuellement comme les enfants du même Dieu, la montagne du Temple continuera d'être signe de contradiction, source de guerres et de souffrances pour toute l'humanité.

Mais, dans cet évangile, Jésus ne nous parle pas seulement de l'avenir du Temple. Son discours vise aussi la fin du monde et la condition des croyants pendant le temps de l'Église : les persécutions et la diffusion universelle du témoignage de la foi. Jésus ici nous adresse l'exhortation que les papes Jean-Paul II et Benoît XVI ne se lassent pas de nous répéter : « N'ayez pas peur ! ». Notre société est hantée par la peur. Le mot « sécurité » est devenu le slogan de tous les hommes politiques. Le problème est que la peur, si nous n'essayons pas de la raisonner, travaille au-dedans de nous, s'empare de tous nos sentiments, engloutit l'espérance et la transforme en angoisse. « Ne vous effrayez pas », nous dit Jésus. « Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. » Ne vous effrayez pas tout a un sens, même l'épreuve. Ne vous effrayez pas, dit Jésus, car je serai alors à vos côtés. Dites-vous que je suis là et faites-moi confiance. Je serai près de vous aussi dans vos derniers moments, mieux que des soins palliatifs, et vous revivrez. Ne vous effrayez pas surtout de la fin du monde : ce sera l'entrée dans les noces éternelles, le Soleil de justice se lèvera, il apportera la guérison dans son rayonnement.