Assomption de Marie
Assomption de la Très Sainte Vierge Marie
« Heureuse celle qui a cru ! » (Lc 1, 39-56) © AELF - Paris 1980 Homélie
Si on prête l'oreille à certains commentaires désabusés, la dévotion à la Très Sainte Vierge (et donc l'attention aux fêtes qui la concernent) relèverait de manifestations populaires comme il y en a beaucoup d'autres, ce ne seraient que des phénomènes dont la sociologie (ou la psychanalyse) pourrait venir facilement à bout en expliquant « tout » en peu de mots. Pour faire bref, on pourrait presque classer tout ça dans le vaste domaine de la superstition. Si nous parcourons avec attention l'Histoire et plus précisément l'Histoire de l’Église, nous pouvons constater que cette femme, Marie, pourtant tellement discrète et humaine dans les textes scripturaires qui la concernent, a eu, à des moments cruciaux, un rôle de première importance ; nous pouvons nous demander pourquoi la sienne a toujours été une place de premier plan dans ce que les théologiens appellent l'économie du Salut : tout ce qui tourne autour de la consistance et l'aboutissement de notre foi. Oui, pourquoi ? Au seizième siècle, au moment (malheureux) où les européens se confrontaient durement pour réformer (disaient-ils) l'Église, à l'époque de la Réforme et de la Contre Réforme, il fut un temps où Marie était devenue un sujet capital du débat. C'était pendant la dure controverse entre chrétiens dressés les uns contre les autres. Dans un langage populaire, les catholiques, qui se voulaient fidèles à Rome et au pape, étaient, pour les autres, ceux qui « croyaient à la Sainte Vierge » et les protestants, eux, par opposition, indiqués comme « ceux qui la niaient ». Voilà un schéma, un slogan, expéditif et combien réducteur qui, parfois, alla s'amplifier et se durcir au point de ne plus savoir cerner l'enjeu véritable du débat, au point de ne plus se rappeler d'où on était parti ni pourquoi on en était arrivés là... Comme dans tous les excès des oppositions religieuses, quand la polémique enfle, on arrive vite à disqualifier les adversaires et estimer qu'ils sont hérétiques, incroyants, superstitieux... Et puis, bien sûr, en fonction de cela, à légitimer ensuite les pires crimes. D'ailleurs n'est-ce pas la même chose aujourd'hui, sous d'autres étiquettes, en certaines régions du monde? En réalité, tout en parlant de Marie, le vrai sujet du débat était de définir le rôle central, unique du Christ. On avait assisté à quelque chose de semblable au cinquième siècle de notre ère dans l'Orient chrétien : fallait-il honorer Marie par le titre de « Mère de Dieu » ? Oui ! Disaient certains, si le Christ était réellement le Fils de Dieu, c'est-à-dire s'il y avait bien une "nature" divine et une "nature" humaine. Non ! Disaient d'autres : le Christ n'était rien de plus qu'un homme extraordinaire. Parler de Dieu qui se fait homme, c'est un contresens évident, n'est-ce pas ? Du point de vue de la théologie, des fondamentaux de notre foi, ce point est donc très important, fondamental. Et que nous dit, la Parole de Dieu, de Marie ? L'Évangile nous la présente bien comme la Mère de Jésus Christ, appelé, lui, Fils de Dieu, Dieu, né de Dieu. Toutefois (et c'est cela qui nous surprend), la figure de Marie reste absolument discrète. Tout ce qui est écrit d'elle est d'une étonnante simplicité, sobriété, humanité. Rien à voir avec le rôle étincelant, fantasque, de la Reine-Mère des mythologies païennes. Au contraire, voilà la femme qui s'empresse de courir auprès d'une parente qui attend un enfant et qui a besoin d'elle ; la femme qui est profondément surprise et reconnaissante, étonnée d'avoir été choisie par Dieu qui « fait pour elle des merveilles » comme elle dit ; qui parle d'elle-même comme d'une servante ; qui ouvre sa bouche pour prier et magnifier Dieu. Son importance, tellement humaine, ordinaire, est pourtant décisive. C'est pour cela que l'Église demande son intercession et lui reconnaît une place toute spéciale dans l'humanité, une place charnière, au point de parler d'elle (après sa mort) comme élevée à la gloire du ciel dans son intégrité : d'où l'Assomption de la Vierge Marie que nous célébrons aujourd'hui, la femme dont parle l'Apocalypse, la figure de notre destinée finale à nous tous. Toutefois, cette femme nous reste proche et c'est pour cela que nous l'invoquons volontiers. C'est par elle que nous comprenons ce que saint Paul nous demande de devenir, nous aussi : des temples de l'Esprit Saint.
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