Homélie - 2ème de Pâques — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - 2ème de Pâques

Par Frère Raffaële
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Homélie pour le 2ème dimanche de Pâques

Jean 20, 19-31

Frères et soeurs, le deuxième dimanche de Pâques de l'an 2000, le pape Jean-Paul II proclama sainte soeur Marie-Faustine Kowalska, religieuse polonaise qui vécut entre 1905 et 1938. Dans l'homélie prononcée lors de cette circonstance solennelle, le Pape exprima sa volonté de voir le deuxième dimanche de Pâques prendre désormais le nom de « dimanche de la divine miséricorde ». Mais le Pape décida aussi de conserver sans changement les lectures liturgiques traditionnelles de ce dimanche. Ce n'est pas sans raison. Car l'Évangile de ce jour nous rapporte comment Jésus ressuscité, apparaissant à ses apôtres, leur annonça la paix en leur montrant son côté ouvert. Or, soeur Faustine vit sortir du coeur de Jésus deux faisceaux de lumière. Sous l'inspiration de Jésus lui-même, elle écrivit que ces faisceaux lumineux représentaient l'eau et le sang jaillis du côté transpercé du Crucifié. Ainsi, Jésus se manifestait à nouveau comme la miséricorde en personne.

Nous sommes donc invités à recevoir et à lire de manière nouvelle les textes de ce dimanche, en prenant comme clé de lecture la divine miséricorde. C'est sous cet éclairage si suggestif que j'ai lu cette page d'évangile et que je vais essayer de vous la commenter.

Tout d'abord, je dirai que cette page est un sommet. Elle représente l'aboutissement de tout l'évangile de S. Jean, qui d'ailleurs se terminait là dans sa rédaction originelle, par ces versets que nous avons lus et qui sont comme la signature de l'évangéliste : « Il y a encore beaucoup d'autres signes que Jésus a faits et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Fils de Dieu et que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom. »

Oui, tout l'évangile de S. Jean tend vers l'événement raconté ici et exprimé en quelques mots – un simple verset qui fulgure comme un diamant au centre de cette page : « Jésus répandit sur eux son souffle et il leur dit : Recevez l'Esprit-Saint. » (v. 22)

Je ne suis ni théologien ni exégète, mais il me semble pouvoir affirmer ceci : pour Saint Jean, si le Verbe s'est fait homme, s'il a souffert et s'il est mort sur la croix, c'est afin de nous donner l'Esprit-Saint. Dès le début de l'évangile johannique, Jean-Baptiste présente le Christ comme « celui qui baptise dans l'Esprit-Saint » (1,33). Et ce thème jalonne tout l'évangile comme un leitmotiv. Pensez à l'épisode de la Samaritaine, où Jésus compare l'Esprit, « le don de Dieu », à l'eau vive : «L'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source vive jaillissant en vie éternelle. » (4,10.14) Pensez à la promesse de l'Esprit lors de la fête des Tentes, à Jérusalem : « `De mon sein couleront des fleuves d'eau vive'. Il désignait ainsi l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. » (7,38-39) Enfin, songez aux confidences faites aux apôtres dans l'entretien après la dernière Cène : « C'est votre intérêt que je parte ; car si je ne pars pas, le Consolateur (c'est-à-dire l'Esprit) ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l'enverrai. » (16,7)

Tous ces textes – et l'on en pourrait citer bien d'autres – convergent vers ce point culminant de la Passion où Jésus crucifié, écrit l'évangéliste, « inclinant la tête, remit l'esprit » (19,30). Le dernier soupir de Jésus sur la croix prélude à l'effusion de l'Esprit par le Christ Ressuscité. Car, après sa résurrection, Jésus sera pleinement investi dans son corps glorifié du pouvoir divin de donner la vie. Alors, de ce corps comme d'une source, l'Esprit se répandra sur le monde.

Et la miséricorde en tout cela ? Mais, frères et soeurs, le don de l'Esprit est la manifestation suprême de cette miséricorde de Dieu dont Sainte Faustine Kowalska eut la révélation, comme je vous disais au début. L'évangéliste fait bien ressortir que le premier fruit de ce don est le pouvoir de pardonner les péchés, confié par Jésus Ressuscité à son Église. Depuis ce jour-là, de pauvres hommes, pécheurs eux aussi, dans tous les confessionnaux du monde ou n'importe où, peuvent prononcer les mots divins : «Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, je te pardonne tous tes péchés. »

Mais vous allez sûrement me reprocher d'avoir passé sous silence l'incrédulité de Thomas. Vous avez raison. Hélas, on ne peut pas tout dire, car, vous le savez aussi bien que moi, une bonne homélie ne doit pas dépasser 7-8 minutes. Cependant, pour ne pas vous laisser entièrement sur votre faim, je vous citerai quelques lignes d'une femme poète et écrivain que j'aime beaucoup : Marie-Noël. Elle écrit dans ses Notes intimes : « Saint Thomas. Les commentateurs l'accablent de leur mépris, Saint Thomas, le grand Apôtre de la Résurrection, parce qu'il n'a pas cru sans avoir vu. Parce qu'il apporte au monde incrédule le témoignage nécessaire, le témoignage de fait dont ses frères, les bienheureux, n'eurent pas besoin. Moins heureux qu'eux. Plus sûr. Grâce à lui qui voulut toucher, la gloire de Dieu éclate. Ainsi Dieu se sert de tous. Et par celui qui douta Il évangélise ceux qui doutent. »

Oui, Thomas, l'apôtre incrédule, dont le nom signifie « jumeau », a beaucoup de frères jumeaux et de soeurs jumelles, peut-être même parmi nous. Qu'il nous apprenne à redire avec lui à Jésus sa magnifique profession de foi : « Mon Seigneur et mon Dieu. » Amen