Homélie - Pentecôte — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - Pentecôte

Par Père Abbé
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Homélie pour Pentecôte

"Je vous enverrai l'Esprit Saint"

L’Ascension était la fête de l’espérance, car en Jésus ressuscité l’homme a retrouvé sa dignité première et il est déjà parvenu à son terme auprès de Dieu. Une création nouvelle est née. Pentecôte célèbre cette vie nouvelle dans l’Esprit. Il vous faut renaître de l’Esprit ; ce qui est né de la chair est  chair, ce qui est né de l’Esprit est esprit (Jn 3,6), disait Jésus à Nicodème.

Mais comment parler de vie nouvelle quand nous voyons partout le mal triompher? Apparemment la Résurrection du Christ n’a rien changé. L’homme continue de souffrir et de mourir. La violence ne cesse de multiplier les victimes : meurtres, assassinats, guerres, populations opprimées…

Et cependant, peut-on dire que rien ne soit changé ? Jésus nous assure : en ce monde vous faites l’expérience de l’adversité, mais soyez pleins d’assurance, j’ai vaincu le monde ! (Jn 16,33) Non seulement, le Christ a vaincu le monde, mais s. Jean nous  dit que tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde et la victoire qui a vaincu le monde, c’est notre foi. (1 Jn 5,4) Si nous croyons en cette victoire de la foi, cela signifie alors que le triomphe du Mal n’est qu’apparent. Chaque fois, par conséquent, qu’un innocent est tué, le mal, en fait, est vaincu. Je pense ici à nos 7 frères de Tibhirine, ignorés de tous et qui, par leur mort tragique, ne cessent de témoigner. Ne craignez pas ceux qui peuvent tuer le corps mais ne peuvent tuer l’âme. (Mt 10,28) Je me souviens aussi de ces jeunes femmes de Kigali qui, le 6 avril 1994, méditaient précisément ce passage d’évangile et qui le lendemain étaient massacrées. Ne craignez pas ceux qui peuvent tuer le corps et ne peuvent rien de plus. Je pense aussi à Etty Hillesum, cette juive qui a mystérieusement rencontré le Christ : dans l’enfer du camp qui la conduisait vers la mort, elle proclamait la victoire du Christ. Déjà, elle voyait naître un monde plus beau, un monde de paix et d’amour et elle consacrait ses dernières forces à aider Dieu – c’est son expression - pour que ce monde nouveau naisse déjà. Soixante ans plus tard, beaucoup découvrent son témoignage bouleversant d’une vie bouleversée, bouleversée par l’Esprit.

Aujourd’hui Jésus se manifeste à ses disciples et leur montre les marques de sa passion. Comme en Jésus, une force mystérieuse, la force de l’Esprit animait Etty, ces rwandaises, nos frères d’Algérie et les saints de tous les temps. Leur mort a paru un échec alors qu’elle a changé la marche du monde. Les saints, et non seulement les plus grands comme Bernard, François ou Thérèse, tous éclairent le sens de notre existence par leur foi, leur amour des pauvres, leur recherche de justice et de paix, leur défense de la vérité et des droits de l’homme…

Or, nous aussi, nous avons reçu l’Esprit du Christ. Vivons-nous de l’Esprit ? Vivre de l’Esprit, cela veut dire trois choses : témoigner de sa foi, vivre dans l’amour et servir ses frères.  

Un jour de fête solennelle, Jésus se tint dans le temple et il se mit à proclamer à haute voix : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive celui qui croit en moi… Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui (Jn 7,37-39). Sans l’Esprit Saint, nul ne peut dire Jésus est Seigneur, mais l’Esprit nous conduit à la vérité tout entière. Avec l’apôtre Jean nous pouvons dire avec assurance : Et nous, nous témoignons pour l’avoir contemplé que le Père a envoyé son Fils comme sauveur du monde (1 Jn 4,14).

Le plus beau témoignage est celui de l’amour : aimer en se sachant aimé de Dieu. Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu (1 Jn 4,16). Quiconque n’aime pas n’a pas découvert Dieu puisque Dieu est amour (1 Jn 4,8). Chaque Eucharistie nous redit que Jésus, ayant aimé les siens, les aima jusqu’au bout. Il y a tant de manières d’aimer pour que l’Église devienne une communion d’amour où chacun se sente reconnu, accueilli, aimé !

Enfin, le service qui n’est autre que l’amour en actes. Qui est mon prochain ? demandait le scribe. Fais-toi le prochain de tout homme, lui répond Jésus. Benoît XVI, s’adressant aux jeunes à New-York, leur disait : « Nous devons répondre avec une action sociale renouvelée qui jaillit de l’amour universel qui ne connaît pas de frontières. De cette façon, nous sommes sûrs que nos œuvres de miséricorde et de justice deviendront une espérance en action pour les autres.»  C’est cela aider Dieu à faire naître un monde nouveau.

Je termine par un regard sur Marie qui en ce jour de Pentecôte se trouve avec les disciples en prière. Marie a témoigné des merveilles de Dieu par son Magnificat : elle a cru en l’amour de Dieu pour elle ; elle s’est mise au service de sa cousine Élisabeth et fut attentive aux besoins des époux à Cana ; Marie demeure dans l’Église une mère qui aime tous les hommes devenus ses enfants à la Croix et elle prie avec nous pour nous obtenir le don de l’Esprit Saint. Unissons-nous à sa prière.