Homélie - 15ème TO — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - 15ème TO

Par Frère Didier
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Homélie pour le 15ème dimanche ordinaire

Dt 30, 10-14 - Col 1, 15-20 - Luc 10, 25-37
Le bon Samaritain

Relisons, frères et sœurs, quelques phrases de la Première Lecture : « Écoute la Voix du Seigneur ton Dieu  La Loi qu’il te donne n’est pas au-dessus de tes forces  Cette Parole, elle est tout près de toi, elle est dans ton cœur pour que tu la mettes en pratique. »

D’abord, bénissons le Seigneur qui nous parle, qui nous donne sa Parole, qui la met dans notre cœur ! Notre Dieu qui est Relation, Communion. Notre Dieu qui donne, qui se donne, qui fait sa demeure en nous ! Et puis remarquons bien ces deux choses : cette Parole, elle est « dans notre cœur  » Cette Parole, il faut « la mettre en pratique  »

Nous allons retrouver ça dans l’Evangile : Jésus nous montre un homme qui est « saisi de pitié » - c’est bien une affaire de cœur - et qui « fait preuve de bonté  » - cet homme agit – et Jésus ajoute encore : « Fais de même. » Une Parole à écouter. Une Parole qui est dans notre cœur pour qu’elle puisse s’incarner en nous. Cette Parole, c’est notre identité profonde, c’est notre vocation. C’est en la mettant en pratique, c’est en l’accomplissant, que nous nous accomplissons. Et cette Parole, c’est « TU AIMERAS  » TU AIMERAS DE TOUT TOI-MÊME ! Créés par l’Amour, nous sommes faits pour AIMER  AIMER selon les deux orientations de l’Amour : AIMER DIEU de tout soi-même  AIMER LE PROCHAIN comme soi-même  - ce qui veut dire aussi : de tout soi-même ! Car nous sommes à la fois fils et frères, et je ne peux pas être fils sans être frère. St Jean l’a bien dit : « Celui qui dit aimer Dieu et qui n’aime pas son frère est un menteur ! »

Ah ! Comme il dit vrai ce moine-poète qui a écrit : « L’enfant est frère pour adorer. » Comme il avait bien écouté ! Comme il avait bien compris l’histoire que Jésus nous raconte aujourd’hui, cette histoire d’un homme laissé à demi-mort au bord de la route, pour nous dire bien simplement et bien clairement, ce que c’est que d’être frère, ce que c’est que d’être « prochain », accomplir notre vocation de « prochain », ce beau nom, cet autre nom qui veut dire la même chose que « chrétien ». Mais nous, nous n’avons peut-être pas bien écouté, pas bien compris cette histoire. Alors, nous allons la relire ensemble selon ma petite manière à moi de méditer un passage d’Évangile, que l’on peut appeler « la méditation des cinq doigts. »

1er doigt - c’est l’événement. Voilà, Jésus raconte une histoire. Et qu’est-ce qu’il veut dire - au monsieur qui l’interroge, mais aussi à moi - ? Bon, ça se passe sur la route, C’est important, ça, la route, parce qu’on est tous en route, Parce que la vie, c’est une route et parce qu’il se passe des choses sur la route. Mon poète préféré l’a dit : « Une route, ça vaut la peine, pour être ensemble  » Mais si on passe à côté de l’autre sans s’arrêter, si on passe à côté de la RENCONTRE, c’est loupé ! Le prêtre et le lévite qui passent à côté du blessé sans s’arrêter, et paf ! Ils prennent un bon coup dans l’aile ! Ah ! ça , Jésus n’aime pas ça ! Comme le dit l’Abbé Pierre : « Prenons garde que la bigoterie ne nous fasse devenir propriétaires d’une image de Dieu qui n’est qu’une caricature ! » Car notre Dieu, frères et sœurs, c’est le DIEU-PROCHAIN, C’est le Dieu qui s’approche, qui se fait proche, qui fait de chacun de nous son prochain. Alors, ce Samaritain saisi de pitié, ce Samaritain qui s’approche et soigne et prend dans ses bras le blessé, n’est-ce pas Jésus lui-même ? Jésus qui fait tout pour nous ?

Passons au 2ème doigt. Je l’appelle le doigt de la réalisation parce que tout événement de la vie de Jésus va trouver sa vraie réalisation dans un autre événement : l’Événement pascal, la mort et la résurrection de Jésus et l’effusion de l’Esprit, l’ÉVÉNEMENT DU SALUT. Ainsi, c’est en passant par la mort –comme tout homme passe par la mort- que Jésus se fait pleinement notre prochain, nous prend entièrement dans ses bras pour nous communiquer le Souffle de sa Vie et nous révéler le vrai visage de Dieu, le Visage de la Miséricorde .

Et mon 3ème doigt, qu’est ce qu’il dit ?  Il dit l’actualisation. Ces deux événements du passé, d’il y a 2000 ans, -Jésus qui raconte son histoire, et Jésus qui fait tout pour nous en donnant sa vie pour nous- hé bien ! les voici actualisés pour nous, les voici présents pour nous par le Mystère merveilleux de la Liturgie qui nous rend contemporains de l’Événement du Salut. Jésus nous rassemble en cette Eucharistie, il nous parle du Dieu-Prochain et se fait tellement le prochain de chacun de nous MAINTENANT qu’il va se faire pain et vin pour nous, parce qu’il veut devenir nous et que nous devenions LUI ! Et puis, il nous a convoqués pour être ensemble, car une Eucharistie, c’est comme la route, ça vaut la peine pour être ensemble ! L’Eucharistie, c’est pour que nous devenions des prochains - c’est-à-dire des chrétiens - les uns pour les autres. Car c’est impossible de devenir Lui sans les autres. C’est ensemble, et en aimant nos prochains comme Jésus lui-même nous aime, que nous devenons LUI, peu à peu

Et voici mon 4ème doigtConcrétisation. Il faut passer à l’action. La Liturgie, c’est une route. Certes, on s’arrête un moment pour écouter la Parole, pour faire attention à Jésus qui donne sa vie pour moi, à Jésus qui est peut-être un blessé à demi-mort en moi –et que je dois reconnaître, soigner, relever, ressusciter en moi- , à Jésus qui est là à côté de moi, présent en chacun de nous. Mais, on ne reste pas ici. On part en mission de proximité, je veux dire, on s’en va devenir le prochain de tous dans le QUOTIDIEN de nos vies. Je pense encore à l’Abbé Pierre qui écrit ceci : « Plus que jamais est vivante en moi une immense pitié. Que vienne le temps où la communauté de l’Église sera la communauté tout entière tendue vers le service des plus faibles, avec de vrais prêtres communiant au Christ, sortant de communier au Christ dans l’Eucharistie et allant achever leur communion au Christ dans les plus faibles. » Comme il a bien écouté, comme il a bien compris l’Évangile, cet Abbé Pierre ! Heureusement comme bien d’autres ! Il y a tant de dons de soi qu’on ne voit pas mais qui font tant de bien, dans nos familles, nos communautés ! Des chrétiens, ou des non-chrétiens, qui ont compris que « c’est en donnant que l’on reçoit », comme dit Mère Térésa. Ce sont de vrais prochains, qui expérimentent que l’autre, c’est une part de moi : ce que je fais à l’autre, c’est à moi que je le fais ! Et qui expérimentent aussi, comme le dit l’Abbé Pierre, que « j’ai la main de Dieu dans ma main dans la mesure où j’ai mis mon autre main dans la main des pauvres. » Ces prochains-là, ils sont l’Évangile vivant, ils sont l’histoire vivante du blessé et du samaritain, un visage de Jésus pour nous, un visage de l’Amour pour nous. Et cela fait partie de notre mission quotidienne. Nous qui avons cette joie immense d’avoir reconnu l’Amour et de communier à l’Amour, nous perdrions l’Amour si nous ne faisions pas le choix d’aimer. Oui, CHOISIR D’AIMER et de faire reconnaître l’Amour -ce qui n’est possible que par l’Amour. Oui, c’est seulement par l’Amour que nous pouvons faire reconnaître l’Amour !

Frères et sœurs, sommes-nous bien le visage de l’Amour pour tous ? On a si vite fait -et sans en avoir conscience- d’exclure tel ou tel de notre réseau de relation, tel ou tel que nous évitons et que nous laissons sur le bord de la route alors que nous avons vocation de Communion et de Révélation.

Nous sommes en chemin et sans doute faudra-t-il attendre ce vers quoi m’oriente mon 5ème doigt : l’accomplissement à la fin des temps, dans l’Au-delà pour connaître la pleine Communion filiale et fraternelle et ce bonheur d’être vraiment transparence de la bonté et de la beauté de Dieu les uns pour les autres. Mais déjà nous vivons des choses extraordinaires : déjà nous sommes sacrements les uns pour les autres. C’est le « sacrement du frère. » Et dans quelques instants nous allons invoquer l’Esprit Saint sur nous pour que nous devenions ensemble le Corps du Christ inaugurant la Communion d’Amour pour laquelle nous sommes faits et que nous avons mission d’annoncer et de réaliser. Et déjà nous tressaillons d’une joie qui vient de l’Au-delà, la joie du don de soi .

« Je rêvais que la vie était joie, dit le poète indien Tagore, Je rêvais que la vie était joie, je découvris que la vie était service. Je me suis mis à servir et j’ai compris que le service est JOIE ! »