Homélie - Pâques 4 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - Pâques 4

Par Frère Raffaele
croix - arcabas
4ème dimanche de Pâques
(Jn 10, 11-18)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Jésus disait aux Juifs : « Je suis le bon pasteur, le vrai berger. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire, lui, n'est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas : s'il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s'enfuit ; le loup s'en empare et les disperse.
Ce berger n'est qu'un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. J'ai encore d'autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Le Père m'aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne n'a pu me l'enlever : je la donne de moi-même. J'ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j'ai reçu de mon Père. »

Homélie

- Frères et soeurs, quel est le mot-clé de cet évangile que nous venons d'entendre ? Pour ma part, je j'hésite à choisir entre deux, qui d'ailleurs ont partie liée entre eux et qui s'éclairent l'un l'autre. Le premier, ce n'est pas, à proprement parler, un mot, mais plutôt une

expression, une tournure : donner sa vie. Elle revient cinq fois dans cet évangile. Le deuxième mot, en revanche, revient quatre fois : c'est le mot « connaître ». Essayons de creuser un peu le sens de ces mots si riches, qui nous ouvrent des pistes de méditation savoureuse, je crois.

Donner sa vie... Plus loin dans l'évangile de st Jean, lors du dernier entretien avec ses apôtres, après la Cène et juste avant son arrestation, Jésus dira que c'est là la forme suprême de l'amour : « Il n'est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime » (Jn 15, 13). Ceux d'entre vous qui sont père ou mère comprennent ce langage : je crois que vous seriez prêts à donner votre vie pour sauver vos enfants en danger. Peut-être aussi l'époux pour sauver son épouse, et réciproquement ; ou même, dans le cas d'une affection particulièrement intense, un frère pour sauver son frère, ou un ami pour sauver son ami. Parfois, la charité du Christ peut même pousser un homme à donner sa vie pour sauver un autre homme : pensons au P. Maximilien Kolbe, dans le camp d'Auschwitz. Or, afin de nous faire comprendre son amour pour nous, ses créatures, ses enfants, Dieu prend à son compte ce langage. Et il ne s'agit pas seulement de mots. L'amour a poussé le Fils unique de Dieu parmi les hommes. Il a pris chair en cet homme, Jésus de Nazareth ; il a partagé notre faiblesse, nos infirmités ; il a offert sa vie, il a accepté librement la mort, pour que nous ayons la vie en abondance. Ainsi, cet évangile du Bon Pasteur nous mène au coeur du mystère pascal : le mystère de la souffrance acceptée et offerte par amour, pour que d'autres aient la vie.

Plus d'une fois, frères et soeurs, j'ai entendu telle personne me dire : si vraiment Dieu m'aimait, il ne me laisserait pas souffrir ainsi, en butte à cette maladie, à cette injustice, à cette trahison, à ce deuil... Mais notre Dieu n'est pas indifférent à nos détresses. Il n'est pas resté là-haut, tranquille dans son bonheur céleste, tandis que nous nous débattons ici-bas dans nos misères. Désormais, Dieu porte la croix avec nous, et nous ne sommes plus écrasés sous son poids.

Mais cet évangile du bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis ne nous conduit pas seulement au coeur du mystère pascal ; il nous introduit aussi dans un autre mystère, encore plus profond et plus lumineux, au point que nos yeux en sont éblouis : le mystère de Dieu Trinité. C'est là qu'entre en jeu le deuxième mot que je mettais en exergue au début de cette homélie : le mot « connaître ». Cependant, il faut tout de suite balayer une équivoque. Notre verbe « connaître » a perdu toute la richesse de sens qu'il avait dans la langue biblique. Pour nous, ce verbe désigne la connaissance intellectuelle, un savoir. Dans la Bible, par contre, il signifie une intimité entre deux personne qui n'ont plus de secrets l'une pour l'autre, jusqu'à la communion la plus profonde : ainsi, le livre de la Genèse nous dit qu'Adam connut Ève, sa femme. C'est à cette intimité profonde avec lui que le Christ nous appelle : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. » Et de continuer ainsi : « Comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. » La vie qu'il donne, l'amour qu'il répand, Jésus les reçoit d'un autre : du Père. Jésus répond à l'amour du Père en donnant sa vie. Il la donne pour nous, mais il la remet entre les mains du Père, dans un acte suprême d'abandon et de confiance. Et le Père la lui rend au centuple dans la Résurrection. Ainsi, une immense circulation d'amour s'établit : du Père par Jésus jusqu'à nous et de nous par Jésus jusqu'au Père. Jésus est l'unique médiateur entre Dieu et les hommes : « En dehors de lui, il n'y a pas de salut. Et son nom, donné aux hommes, est le seul qui puisse nous sauver », nous disait Pierre dans la première lecture, tirée des Actes des Apôtres.
Comme Jésus, et à sa suite, nous sommes appelés, quand le moment viendra, à remettre notre vie entre les mains du Père, et à recevoir de lui notre résurrection. Alors le Fils de Dieu paraîtra, il prendra ses brebis sur ses épaules pour les mener dans les pâturages de son Royaume, et la connaissance obscure de la foi fera place à la fulgurance de la vision.