Homélie Avent 3 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Avent 3

Par Frère Patrice
bougie
3ème dimanche de l'Avent

1ère lecture : « Fille de Sion, réjouis-toi, car le Seigneur est en toi » (So 3, 14-18)
Lecture du livre de Sophonie
Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, tressaille d'allégresse, fille de Jérusalem ! Le Seigneur a écarté tes accusateurs, il a fait rebrousser chemin à ton ennemi. Le roi d'Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n'as plus à craindre le malheur.
Ce jour-là, on dira à Jérusalem : « Ne crains pas, Sion ! Ne laisse pas tes mains défaillir! Le Seigneur ton Dieu est en toi, c'est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour ; il dansera pour toi avec des cris de joie, comme aux jours de fête. »

Psaume : Is 12, 2, 4bcde, 5-6

R/ Laissons éclater notre joie : Dieu est au milieu de nous.

Voici le Dieu qui me sauve :
j'ai confiance, je n'ai plus de crainte.
Ma force et mon chant, c'est le Seigneur ;
il est pour moi le salut.

Rendez grâce au Seigneur,
proclamez son nom,
annoncez parmi les peuples ses hauts faits !
Redites-le : « Sublime est son nom ! »

Jouez pour le Seigneur,
car il a fait des prodiges que toute la terre connaît.
Jubilez, criez de joie, habitants de Sion,
car il est grand au milieu de toi, le Saint d'Israël !

 

2ème lecture : Soyez dans la joie : le Seigneur est proche (Ph 4, 4-7)

Lecture de la lettre de saint Paul aux Philippiens

Frères, soyez toujours dans la joie du Seigneur ; laissez-moi vous le redire : soyez dans la joie. Que votre sérénité soit connue de tous les hommes. Le Seigneur est proche. Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, dans l'action de grâce priez et suppliez pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu'on peut imaginer, gardera votre cœur et votre intelligence dans le Christ Jésus.

 

Évangile : Jean Baptiste prépare les foules à la venue du Messie (Lc 3, 10-18)   Acclamation : Alléluia, alléluia. Prophète du Très-Haut, Jean est venu préparez la route devant le Seigneur et porter témoignage à la Lumière. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc   Les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? » Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu'il partage avec celui qui n'en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu'il fasse de même ! »

Des publicains (collecteurs d'impôts) vinrent aussi se faire baptiser et lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « N'exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
À leur tour, des soldats lui demandaient : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites ni violence ni tort à personne ; et contentez-vous de votre solde. » Or, le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Messie.
Jean s'adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l'eau ; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s'éteint pas. »
Par ces exhortations et bien d'autres encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.

© AELF

Homélie

Nous sommes dans ce qu'on appelle le temps de l'Avent, c'est-à-dire le temps de l'attente de Noël qui est tout proche. Et ce temps qui nous sépare de Noël doit être pour chacun de nous un temps de préparation ; et par là-même un temps de conversion ; c'est-à-dire un temps où nous changeons notre manière de voir les choses et donc notre manière de vivre pour mieux fêter la nativité du Christ.
En Carême, il y a ce long temps de préparation, tout empreint d'austérité et de pénitence (un mot qui fait peur !).
Ici, au contraire, un temps qui nous prépare à la joie, à la venue de celui dont la liturgie ne cesse de nous dire « Il vient ». Et pour nous guider dans notre attente, l'Église nous propose cet évangile où l'on voit Jean baptiser au Jourdain.
Quels sont ceux qui viennent se faire baptiser, et pourquoi le baptême ?
Le baptême donné par Jean, comme par d'autres à cette époque, c'est pour permettre à l'homme de se purifier pour mieux rentrer en contact avec le domaine sacré c'est-à-dire celui de Dieu.
Quels sont ceux qui viennent demander le baptême ? Les foules (c'est-à-dire le petit peuple), les collecteurs d'impôts et les mercenaires (ceux qui prêtaient main forte aux collecteurs d'impôts). C'est-à-dire tous ceux qui au fond d'eux-mêmes se reconnaissent comme tout petits et comme ayant besoin de remettre de l'ordre dans leur vie. Au contraire des scribes et des pharisiens imbus de leur personne, de leur science et de leur pouvoir qui ne se présentent pas pour recevoir le baptême. S'ils n'ont besoin de personne, à plus forte raison ils n'ont pas besoin d'un sauveur !St Luc dira d'ailleurs à leur sujet « en ne se faisant pas baptiser, ils ont rejeté le dessein de Dieu ».
Je crois que nous pouvons nous ranger dans ces catégories, car nous sommes un peu des caméléons : le matin grands religieux, le soir mercenaires, tyrans des autres, ignorants nos prochains.
Et c'est pour cela qu'ils peuvent et que nous pouvons nous présenter devant Jean pour recevoir le baptême d'eau qui est le premier pas concret d'une décision humaine pour donner suite et pour concrétiser un véritable désir de conversion vers Dieu.
Alors surgit cette phrase issue du fonds des coeurs, et qui revient comme un leitmotiv « que devons-nous faire » ? C'est-à-dire : comment dois-je concrétiser ma conversion pour qu'elle ne soit pas une pieuse décision ou un pieuse pensée qui en reste là.
C'est la réaction par excellence de tous ceux qui franchissent le pas pour aller en vérité à la rencontre de Dieu. Et si nous ne nous posons de temps en temps cette question c'est que nous ne sommes pas sur le chemin de l'attente et de la conversion. Un peu comme St Bernard qui de temps à autre se posait cette question dans son monastère« Bernard qu'es-tu venu faire ici » ?
Que dois-je faire ? On retrouve cette question dans la bouche du jeune homme riche ; on la retrouve aussi dans la bouche de St Paul juste après sa conversion. Le pas est franchi d'aller délibérément à la rencontre de Dieu ; mais dans quelle direction diriger ce pas ?
La réponse de Jean-Baptiste n'a rien d'extravagant, rien de compliqué en soi. Il ne va pas dire « faites comme moi ; nourrissez-vous de sauterelles et de miel sauvage, et habillez-vous d'une peau de mouton ». Et sa réponse, tellement elle est simple, semble ne choquer personne !
La réponse de Jean-Baptiste est beaucoup plus simple : vivez en vérité avec vous-même et avec les autres. Tout d'abord « vivez » ; c'est-à-dire ne cherchez pas à faire quelque chose (en réponse à que devons-nous faire) ; ce n'est pas à un « savoir faire » que vous êtes appelés, mais à « un savoir être », et un « savoir être » là où vous êtes. Mais aussi vivez en vérité avec vous-même : la vérité c'est un peu comme cette pelle à vanner qui fait partir au vent tout ce qui est superflu, tout ce qui est faux, tout ce qui n'a pas de poids. Je pense encore à st Paul qui après sa conversion voit des écailles lui tomber des yeux : tous les faux pas de sa vie lui apparaissent. Mais on n'abandonne pas facilement le masque qu'on s'est forgé au fil du temps.
Enfin vivez aussi en vérité avec les autres : cette dimension d'attention portée à l'autre est le meilleur baromètre du degré de conversion auquel nous pensons être arrivés. Et d'ailleurs ce sont parfois les autres qui peuvent nous aider à faire tomber ce masque derrière lequel nous nous réfugions. Mais à condition que nous leur prêtions attention.
Ce dimanche est aussi appelé « dimanche de la joie » : je pense que la vraie joie est celle que nous éprouvons lorsque nous avons laissé le St Esprit faire son travail en nous, que nous l'avons laissé guider nos pas au chemin de la conversion. Un théologien a pu dire, en reprenant les Actes des Apôtres que la conversion était un « cadeau de Dieu ». Et quand on reçoit un cadeau, surtout comme celui-là,
on ne peut qu'être dans la joie.