Homélies de Noël — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélies de Noël

Par père abbé dom Ginepro
nativité de gélineau

Noël  - Un enfant nous est né

Jour de Noël
Commencement de l'Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu.
Il était au commencement auprès de Dieu.
Par lui, tout s'est fait, et rien de ce qui s'est fait ne s'est fait sans lui.
En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ;
la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas arrêtée.
Il y eut un homme envoyé par Dieu. Son nom était Jean.
Il était venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui.
Cet homme n'était pas la Lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage.

Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde.
Il était dans le monde, lui par qui le monde s'était fait, mais le monde ne l'a pas reconnu.
Il est venu chez les siens, et les siens ne l'ont pas reçu.
Mais tous ceux qui l'ont reçu, ceux qui croient en son nom, il leur a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu.
Ils ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d'une volonté charnelle, ni d'une volonté d'homme : ils sont nés de Dieu.
Et le Verbe s'est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.
Jean Baptiste lui rend témoignage en proclamant : « Voici celui dont j'ai dit : Lui qui vient derrière moi, il a pris place devant moi, car avant moi il était. »
Tous nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce :
après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.
Dieu, personne ne l'a jamais vu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c'est lui qui a conduit à le connaître.



Homélie
 
« Il était venu comme témoin ». L’évangile nous parle ici de Jean. Jean le Baptiste, homme envoyé par Dieu, était donc venu comme « TÉMOIN ».
C’est sur ce nom de Témoin que je voudrais m’arrêter quelques instants avec vous qui avez choisi de venir à Tamié en ce jour béni de Noël.
Le terme « Témoin » traduit, peut-être vous le savez, le mot grec de « Martyr », c’est à dire: celui ou celle qui accepte librement de faire l’extrême DON de sa propre vie; preuve d’amitié, de fidélité. Autrement dit, être témoin c’est offrir sa propre vie pour quelqu’un. An acte extrême d’amour au fond.
Les premiers chrétiens appelèrent « martyrs » ceux et celles (et ils étaient nombreux) qui allaient jusqu’à donner leur vie pour Jésus, le Christ. Face à ceux qui voulaient les obliger à renier le Christ, à le laisser tomber, ils arrivaient jusqu’à offrir leur vie. C’est étonnant, n’est-ce pas ?
Et voilà que nous sommes ici, ce matin, pour célébrer ensemble la naissance de Jésus. Permettez-moi de formuler cette demande toute simple: sommes-nous des TÉMOINS du Verbe qui est la vraie lumière ? Sommes-nous des MARTYRS ?
Drôle de question ! Faut-il la poser ainsi, à froid, un matin de Noël où chacun de nous est prêt à penser à tout... sauf au martyre ? N’empêche que l’évangile de ce matin en parle clairement, expressément, je crois. Si je vous en parle, c’est que ce mot me semble, dans cette page, central.
Cette page d’Évangile, très connue (c’est le Prologue de l’Évangile de saint Jean), nous parle du Verbe (la Parole de Dieu) qui s’incarne, c’est-à-dire qui devient l’un de nous. Et voilà que, aussitôt, l’exigence du TÉMOIGNAGE se dégage. La naissance de Jésus nous questionne, nous interpelle sur ce point précis. Et nous, loin de flotter quelque part dans la sphère émotionnelle, nous voilà obligés à nous situer, à prendre position : il faut « déjà » choisir son camp. Un jour ou l’autre, tôt ou tard, (maintenant, peut-être !) nous serons appelés à le faire. Ou bien, ou bien, serions-nous de ce gens « mous » et sans couleur, sans caractère qui ne sont d’aucune part... Tantôt chrétiens, tantôt pas tellement, cela dépend du vent. Qui se disent tels au cours de certains sondages (pas trop engageants, il est vrai) ; pour les statistiques... quitte à déserter quand les affaires deviennent trop « compliquées » ?
« Tu sais, Je suis chrétien - me disait quelqu’un - mais... pas très pratiquant ». Et, du fait que je ne comprenais pas grande chose à cette affirmation, à cette profession de foi un peu « sibylline », un peu bancale pour ne pas dire contradictoire, alors, lui, de poursuivre que... Euh... oui, heu... il avait bien été baptisé, catéchisé, confirmé, il s’était bien marié à l’église ; plus, il allait... de temps à autre à la messe (deux fois par an, précisait-il, et ça lui paraissait déjà pas mal)... Et, bien entendu, il n’avait jamais tué personne et il était honnête comme... comme la moyenne, n’est-ce pas...
Je me défends de vouloir entrer dans le secret de sa conscience, mais son témoignage de chrétien, si on en reste à cette description, semblerait un peu... maigrichon. Et pourtant... comment... pouvoir se dire chrétien sans être témoin, sans recevoir et exprimer ce Verbe, cette Parole qui nous interpelle, sans se laisser questionner par elle ? Et... face à ma perplexité (non pas sur sa liberté de choisir, mais sur son ambition de se dire, tout de même, chrétien) il ajoutait : «tu sais, moi je suis quelqu’un qui ne veut pas trop d’histoires... ».
« Pas d’histoires ! »...
Et bien, le Témoin du Christ est quelqu’un qui, au nom de sa foi, accepte d’avoir des histoires ; qui se mouille, qui risque (je précise, non pas pour le goût de risquer ou pour donner des leçons autour de lui, mais qui risque ... au nom de sa foi). Vous savez, en disant cela, je sais que je ne suis pas meilleur que vous, tout moine que je suis. Non, pas mieux... Mais je sais, aussi, que le témoignage a un prix et que le Seigneur me demandera, nous demandera, un jour, raison de ce que je vous dis, là.
Frères et soeurs dans la foi, le Christ, qui a voulu assumer notre nature humaine, qui s’est fait homme, qui partage notre histoire, nous invite aussi à partager la joie d’être sauvés. Il est le ressuscité, celui qui va jusqu’à se donner à nous en nourriture. Il est le Dieu-avec-nous jusqu’au bout, jusqu’aux extrêmes conséquences. Comment ne pas être des vrais témoins ?



Nuit de Noël

Voilà l’histoire d’une naissance. Naissance d’un enfant. Dans un village égaré dans un coin du globe. Et quand cela? Un jour perdu de l’histoire, il y a des siècles et des siècles. Vingt ! Vingt siècles ! N’est-ce pas beaucoup trop loin ?
Pourquoi cette naissance serait-elle importante pour nous ? Vous êtes venus, librement je suppose, et vous avez, sans doute, votre opinion personnelle sur le sujet.
Voilà la réponse que je me donne et que je vous partage : oui, pour moi, Noël, cette naissance du Dieu-avec-nous, est capitale, parce que, d’abord, elle me ramène, elle nous ramène, non pas tellement à des idées, à des concepts universels, pas non plus à de prétendues « valeurs », et même pas à une doctrine, supposée bonne pour nous ; non ! Cette naissance de Jésus, nous le savons - nous le croyons - a marqué non pas seulement l’Histoire, elle marque notre vie ; oui, c’est ça : notre vie. Dieu qui fait irruption dans notre histoire d’hommes et de femmes et devient L’Un-De-Nous, l’EMMANUEL. C’est cela, me semble-t-il, qui change tout.
Cela nous regarde. Notre imagination, notre FOI (qui nous permet de vivre, car elle change complètement notre manière de concevoir l’existence), notre foi, s’enracine ainsi dans le concret, je dirais dans le particulier et non pas dans l’abstrait. Oui, cet événement est réellement signifiant pour nous, aujourd’hui. Au point de devenir pour chacun une de nous « bonne nouvelle » (la signification du mot : ÉVANGILE) qui est une grande joie pour tous : « Aujourd’hui nous est né un Sauveur ». (La traduction du mot JÉSUS est, justement : SAUVEUR).
Frères et soeur, à vous qui êtes là en cette nuit, permettez-moi de poser une question personnelle, très personnelle. Je laisse répondre à chacun : « Avez-vous, avons-nous besoin d’un Sauveur ? Oui ou non ? Ce n’est pas une petite question, vous savez ? D’autant plus que beaucoup de gens, aujourd’hui même, répondraient : « Non, merci ! Pas besoin ! »
La foi chrétienne, quoi qu’on en dise, nous situe dans l’existence des hommes et des femmes vivants, concrets : ici, par exemple, dans le récit que nous venons d’entendre, ce sont deux pauvres poussés par les événements, comme partout aujourd’hui encore (une migration, une catastrophe naturelle, un deuil, une maladie, une guerre, un accident... un FAIT, quoi ; un fait) ; deux pauvres qui sont d’abord impliqués dans cette histoire qui deviendra, pour nous tous, l’HISTOIRE DU SALUT. DE NOTRE salut.
Justement : pourquoi, cette naissance serait-elle tellement importante pour nous, au point de nous rassembler ici, cette nuit, ensemble ? Je vous le demande : pourquoi auriez-vous pris de la peine pour vous déplacer et pour venir à Tamié si vous ne sentiez pas que cette histoire lointaine a un lien unique avec chacune de vos existences ? Et bien, oui, nous apercevons que l’enjeu est pour nous capital : cet enfant, cet enfant dont nous célébrons la naissance cette nuit est le Christ ressuscité des morts et il vit en nous, dans notre assemblée, il vit en nous, dans l’eucharistie que nous célébrons ensemble. Et il a dit qu’il viendra. Il reviendra. Voilà la nouveauté, la différence.
Nous voilà donc, ensemble, pour célébrer cet événement qui change du tout au tout notre regard sur le réel et sur l’histoire tout entière. Nous ne voyons pas tout parfaitement clair, c’est vrai. Mais nous sommes là pour nous donner des réponses vraies, concrètes et non pas vagues, sentimentales, indéterminées. Nous sommes là pour bien autre chose qu’un vague sentiment. Nous sommes ici parce que notre vie est tout de même une réalité importante : nous nous posons des questions personnelles, vraies, et nous trouvons les réponses dans le Christ. Quelles sont ces questions ? J’en essaye quelques unes :
- Comment agir ? - Qui suis-je ? - Comment choisir ? - Que faut-il faire ?
Comment résoudre les questions lancinantes de notre existence ?
Quel sens donner à ma vie, à mes affections, à mes amitiés ?
Et voilà notre imagination, notre foi, à l’oeuvre.
Et bien, essayons de ramener cette naissance de Jésus au concret de nos vies respectives. Je vous invite à poser votre regard sur cet enfant qui vient habiter parmi nous et aussi à découvrir, en lui notre Sauveur qui vit et qui viendra.