Vie au Val-Saint-Lieu en 1784 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Vie au Val-Saint-Lieu en 1784

Réforme de dom Jalloutz
Blason de Tamié 

Précis de la vie de l’Abbaye
de Sept-Fons en Bourbonnois

A Moulins,  chez la Ve. Faure & Vidalin
Avec permission - M. DCC. LXXXIV

 

Précis De la Discipline qui s’observe dans l’Abbaye royale & régulière de Notre-Dame de Saint-Lieu, dit Sept-Fons, de la première Observance de l’Ordre de Cîteaux, située au Diocèse d’Autun, près la Loire du côté du Bourbonnois, à six lieues de Moulins, qui est la Capitale de cette Province, & à deux petites lieues, la Loire entre deux, de Bourbon-Lancy en Bourgogne.

 

Un grand nombre de personnes désirent de quitter le monde, pour se consacrer à Jésus-Christ dans l’Abbaye de Sept-Fons : il n’y a presque point de semaine qu’on n’écrive de divers côtés pour cela, & des endroits même les plus éloignés. La plupart cependant sont comme retenus par l’incertitude de la vie qu’on y mene, & qu’on leur fait le plus souvent beaucoup plus austère qu’elle n’est réellement. Ils demandent un certain détail des Observances, qu’on ne peut bien leur donner, parce qu’une lettre est trop succincte pour cela. S’il falloit [2] même envoyer des états circonstanciés de ce qui se pratique, deux ou trois secrétaires suffiroient à peine pour en faire des copies pendant l’année.

D’autres, par un zèle plus grand en apparence, viennes d’eux-mêmes sans écrire, & marquent d’abord un extrême empressement ; mais faute de connoissance quelconque de la vie, & de l’examen de ce qu’ils pouvoient, ils ne tardent pas à voir qu’ils entreprennent au dessus de leurs forces ; & on est obligé de les prier de se retirer, ou ils demandent les premiers à s’en aller, faisant deux fois, de cette manière, des voyages lointains & fort coûteux.

On ignore encore communément partout de quel Ordre est Sept-Fons, quelle est la Règle qu’on y professe, & dans quelle province ou dans quel lieu il est situé.

Voilà ce qui engage à donner de Précis pour instruire à fond ceux qui ont des naissances de vocation, & les éclairer sur la voie qu’ils se proposent de tenir.

L’Abbaye de Sept-Fons est de l’Ordre de Cîteaux, qui n’a été fondé, en l’an 1098, que pour garder le plus strictement, littéralement, & jusques dans les moindres points, toute la Règle de Saint Benoît, Patriarche des Religieux d’Occident.

La Règle de Saint Benoît, prise à la lettre, est donc celle que l’on observe dans cette Abbaye, & comme les premiers Religieux de [3] Cîteaux l’ont pratiquée avec une ardeur sans égale, qui fit, dans leur temps, l’étonnement & l’admiration du monde chrétien.

Il n’y a pas un seul point de cette sainte Règle, qui ne soit en toute sa vigueur à Sept-Fons, à l’exception néanmoins de la table de l’Abbé, qui est la même que celle de ses Freres & au même lieu ; car il ne mange jamais à l’Hospice avec qui que ce soit.

Pour parvenir à cet accomplissement ponctuel de la Règle de Saint benoît, & se conformer davantage à tout ce qu’elle prescrit, l’Ordre dressa dans ses commencemens divers Statuts que l’on appelle Primordiaux ; & on les garde par conséquent aussi dans l’Abbaye le plus inviolablement.

Ces Statuts Primordiaux sont le petit Exorde, la Carte de Charité, le Livre des Us & les Instituts des Chapitres généraux compilés par Raynard, quatrième Abbé de Cîteaux. On y joint les Institutions des Chapitres généraux, qui se sont tenus après les Instituts pendant un siècle & au-delà ; quoique dans ces Institutions, on apperçoive déjà plusieurs affaiblissemens, qu’on ne suit pas.

Une expérience très-constante montre qu’il ne faut qu’un peu de courage pour observer la Règle, comme elle se pratique à Sept-Fons. il n’est pas rare d’y voir des jeunes gens de dix-sept & dix-huit ans, qui menent toute la vie sans aucun adoucissement, & qui jouissent avec [4] cela de la pleine santé pendant trois ou quatre ans d’épreuves. Presque tous les Novices s’y engraissent ; les Religieux & les Convers s’y portent bien généralement, & on trouve parmi eux des vieillards d’un âge fort avancé.

Il n’y a que les gens mous & lâches, ou d’un tempérament délabré & presque déjà ruiné, qui ne conviennent point à cette vie, & à qui elle doit faire aussitôt peur.

 

I - Habillement

Les Religieux de l’Abbaye de Sept-Fons sont vêtus, selon la Règle, d’une Tunique & d’une Cuculle, qui ont de grands capuces, & sont d’une grosse étoffe blanche. Elles sont fort serrées. Les manches de la Cuculle passent peu le bout des doigts ; & elles ont à leur extrémité dix pouces seulement de largeur.

La Cuculle descend jusqu’aux talons, ou à deux pouces de terre par derrière, & à quatre en devant.

La Tunique est plus courte, afin qu’elle n’empêche pas de travailler : car on ne la retrousse jamais. Elle va à sept pouces de terre par derrière, & à huit en devant.

On ne quitte jamais ces deux habillemens, ni le jour ni la nuit, si ce n’est la Cuculle pendant [5] le travail ; & alors on prend en place un large Scapulaire d’une semblable étoffe, mais de couleur noire naturelle, lequel descend jusqu’aux genoux & est arrêté dans les côtés par des brides. On quitte le Scapulaire, en reprenant la Cuculle.

Dans les froids, on peut avoir sur soi jusqu’à deux autres Tuniques intérieures, de même étoffe que l’extérieure, excepté qu’elles n’ont point de capuces. On en donne trois à chacun, avec deux Tuniques extérieures & deux Cuculle, pour pouvoir changer.

On porte, en tout temps, sur les reins une ceinture de cuir noir naturel, arrêtée par trois nœuds. On attache au bout un petit couteau à manche de bois noirci, qui y pend par le moyen d’un clou blanchi, & qu’on ôte pendant la nuit.

La Chaussure consiste dans les Caliges ou espèces de bas d’étoffes blanche & grossière, comme celle des autres habillemens, & qu’on attache sur les genoux avec des tresses. La partie inférieure est séparée, & forme ce qu’on appelle des chaussons, qu’on peut toujours ôter la nuit, & qu’on doit même quitter hors des grands froids ; mais on n’ôte jamais les Caliges.

On porte dans le jour, des espèces de souliers ou de pantoufles à quartiers fermés, de cuir naturel & d’une forme grossière : on les nomme des Pédules.

On donne à chacun deux paires de Caliges, trois paires de Chaussons & deux paires de Pédules. On donne encore trois Mouchoirs.

[6] L’on n’a pas d’autres habillemens, selon S. Benoît.

Citations latine de la RB, chapitres 22 ; 55 - Us. 82 - Institut. dist. 13 cap. 10.
Pierre-le-Vénérable, Abbé de Cluni, reprochoit à St Bernard que les Tuniques des Cisterciens étoient courtes. [...] Mais on ne lit pas de St. Martin, ce grand homme, si admirable, & qui étoit véritablement Moine, qu’il ait porté un habillement blanc & court, mais noir & long. Biblioth. Cluniac. pag. 661.

 

[7] II - Le lever et le coucher

On a ordinairement sept heures à dormir. Depuis les Ides, ou le 13 de Septembre, jusqu’au premier Lundi de Carême, les sept heures sont de suite ; mais en Carême, on perd une demi-heure de sommeil. Dans le reste de l’année, une partie du repos se prend au milieu du jour : c’est la méridienne usitée dans toute l’Italie, où Saint Benoît a fait sa Règle ; & ce second repos est plus ou moins long, à proportion de ce qui manque des sept heures dans celui de la nuit.

Les Dimanches, & les Fêtes de tout le jour, on se leve à minuit, & même dans les plus grandes Fêtes, qu’on appelle de Sermon, au demi-quart avant minuit, lorsqu’on s’y couche avant sept heures. Dans les autres Fêtes, on ne perd pas tant de sommeil.

On ne se recouche jamais, suivant la Règle, après l’Office des Vigiles.

L’heure du lever en hiver est la huitième heure de la nuit, pleine ou commencée seulement, selon que le soleil se couche plutôt : cela va depuis une heure & quart jusqu’à deux heures.

En été cette heure se regle de façon, qu’en laissant l’intervalle d’un quart d’heure après l’Office de Vigiles, pour aller, s’il le faut, à ses besoins, on puisse toujours commencer celui [8] des Matines au point du jour, & le finir avant le lever du soleil : cela va aussi depuis une heure & demi à deux heures.

Le coucher se fait dans les plus grands jours un peu après celui du soleil. Dans les autres temps, il est déterminé par la lecture de la Collation, qui précède Complies, & qu’on doit toujours faire de jour. On donne après Complies un quart d’heure pour se retirer & examiner sa conscience, & on sonne la retraite. De cette manière le coucher varie, selon la progression des saisons : cela va depuis six heures & quart à huit heures & quart.

On couche sur une natte couverte d’un drap de serge, laquelle est posée sur des planches soutenues par deux treteaux de bois ; le traversin est de paille longue dans une enveloppe de serge. On a une couverture en été, & deux en hiver.

Citations latines : RB 8 ; 11 ; 41 ; 48 ; 49 ; 55 ; Us. 114.

 

[9] III - Le choeur

On chante en notes tout l’Office Canonial, tant le jour que la nuit.

Indépendamment de cet Office, on récite au Chœur celui des Défunts, tous les jours qui ne sont point occupés par quelque solennité de douze leçons, ou par quelques octaves plus privilégiées ; & toujours celui de la Sainte Vierge.

On chante la Messe conventuelle tous les jours. On en chante deux les Dimanches, & les fêtes qui sont de garde tout le jour, ou seulement le matin ; on en chante encore deux dans quelques autres jours.

Le Chœur de Sept-Fons, les exercices du Chapitre & des Oraisons communes compris, occupe plus de neuf heures par jour. Il est beaucoup plus considérable encore les Dimanches & Fêtes.

On est toujours entièrement découvert dans l’Église, quand même on n’y seroit que pour travailler, & quelque froid qu’il fasse. On ne s’assied à l’Office Canonial que, selon la Règle, pendant les leçons & les répons. On s’assied aux autres Offices.

[10] On se tient debout au chœur, les mains croisées à l’estomac, & couvertes des manches de la Cuculle, la droite étant sur la gauche, & sans s’accouder ni s’appuyer d’aucun côté. On est pareillement tout découvert, quelque part que l’on prie hors de l’Église, comme au chapitre & à la Collation.

On va au Chœur pour tous les Offices ; & on les dit aux heures prescrites par l’Église & par la Règle. Il faut qu’il soit jour pour Prime.

La messe conventuelle se chante pendant les jeûnes après Prime, & en été après Tierce.

Citations latines : RB 9 &c. 19 ; 42 - Us. 14 & 60 ; 71 ; 74 ; 83.

 

[11] IV - Le travail des mains

On emploie au travail tout le temps que la Règle veut qu’on y donne autant néanmoins que cela peut s’accorder avec les Offices & autres exercices ajoutés depuis Saint Benoît.

Depuis Pâques jusqu’aux jeûnes, on travaille après Prime & le Chapitre qui suit, jusqu’au premier coup de Tierce, que l’on sonne le plus près qu’il est possible de la quatrième heure du jour, c’est-à-dire, pendant environ deux heures au plus ; & depuis None, qui se dit au milieu de l’espace entre la septième & la huitième heure, jusqu’au premier coup de Vêpres, pendant à peu près autant de temps.

Au temps des jeûnes, on travaille après Tierce & le Chapitre, jusqu’au 1er coup de None ; & en Carême, jusqu’au 1er coup de Vêpres. On revient cependant toujours dire les Offices à l’Église, retournant ensuite au travail. La durée du travail est plus ou moins considérable, selon que le soleil se couche plutôt ou plus tard. Dans les plus petits jours, on n’en a pas trois heures ; au temps ordinaires, il approche de celui de l’été.

On s’occupe pendant le travail à tout ce qu’il y a à faire dans le Monastère, à bêcher le jardin, scier ou fendre le bous, curer les étables, faire les lessives, &c.

Pendant les foins, la moisson & la vendange, [12] ou lorsque les choses pressent, on travaille au dedans ou au dehors, tout le jour, & selon qu’il est besoin. On chante les Offices qu’il faut sur le lieu même du travail, comme on feroit à l’Église, sans que pour cela le Service Divin cesse jamais à l’Église, où il est toujours également célébré pour lors par les foibles & les infirmes.

On ne travaille point, outre les Fêtes commandées, toutes les Fêtes d’Ordre, qu’on appelle de Sermon & le Vendredi-Saint ; & dans celles de deux Messes majeures, on ne travaille qu’après Sexte.

Citations latines : RB 48 - Us. 84 ; 34 ; 35 ; &c.

 

[13] V - La nourriture

On sert deux Pulmens[1] cuits, & un troisième de fruit par jour. Dans les temps de deux réfections, on réserve le Pulment cru pour le souper ; & alors il est composé de deux sortes de fruits. Les jours de jeûne, on sert les trois Pulmens à la fois ; mais on ne donne point le troisième Pulment, trois jours par semaine, en Avent & en Carême ; ni aussi les jeûnes d’Église dans l’année, à l’exception des Quatre-Temps de Pentecôte : l’on ne peut pas en être privé plus de trois jours par semaine.

On donne à chacun une bonne livre de pains, c’est-à-dire, pesant vingt onces : lorsqu’on doit souper, on retrouve le soir à sa place ce qu’on a laissé de la livre de pain au dîner ; mais en cas de besoin, on peut toujours manger à chaque réfection du pain plus grossier. Le pain régulier est au trois quart de froment & au quart de seigle : on n’en ôte que le gros son ; mais si le seigle dominoit, on en ôterait encore le petit son, qu’on appelle regruau. Le pain plus grossier est celui des domestiques & des pauvres ; & il n’y a que du seigle, dont on n’ôte rien. Les infirmes, comme certains hôtes, mangent du pain blanc.

On garde toute l’année le régime purement [12] quadragésimal, d’après la pratique primitive de l’Ordre, & de l’ancien état monastique : c’est-à-dire, qu’on s’abstient également, dans tous les temps, de tout laitage, beurre & fromage & même d’huile. Le premier Pulment sont des légumes à l’eau & au sel ; & le second, des herbes ou des racines cuites, & pareillement assaisonnées à l’eau & au sel, avec un peu de purée. Plusieurs fois la semaine, le premier Pulment est une soupe ; le second, des légumes. Plusieurs fois aussi, le second Pulment cuit se donne en salade au sel & au vinaigre.

Les seuls jours de Pitance[2] sont exceptés de cette rigueur ; ce sont ceux où l’on supporte quelque fatigue extraordinaire, comme les jours de Fêtes, à cause de la privation du sommeil, de la plus grande fatigue du chant, &c. & ceux où l’on travaille du matin au soir.

On distingue trois sortes de Pitances ; la Pitance ordinaire, l’extraordinaire, & la demi-Pitance. Dans la Pitance ordinaire, le premier Pulment est un laitage, & le second est accommodé au beurre : on met avec cela un peu de fruit sur la table. Dans la Pitance extraordinaire, les deux Pulmens restent quadragésimaux ; & on y ajoute un petit morceau de beurre ou de fromage. La demi-Pitance sont des jours particuliers, où le second Pulmens est préparé au lait ou au beurre. Si on la donne un Vendredi, [15] depuis la fin du temps pascal, on accommode le second Pulment à l’huile à la poële, ou seulement on donne de l’huile pour la salade cuite : ces jours de demi-Pitance sont certains travaux extraordinaires de l’année, les jours d’enterremens, & quelques autres marqués dans le coutumier de l’Abbaye.

Lorsqu’on soupe, les jours de Pitance entière, l’on a, dans la Pitance ordinaire, un morceau de fromage avec du fruit ; & dans la Pitance extraordinaire, une salade verte à l’huile au lieu de fruit, pourvu que la salade ne manque pas.

Dans les plus grandes Fêtes de l’année, on donne toujours la Pitance extraordinaire ; parce que les deux Pulmens y doivent demeurer quadragésimaux.

Par indulgence, les jours ordinaires de deux réfection, on donne au souper des Mardis & Jeudis, au lieu de fruit, une salade verte à l’huile, & un très-petit morceau de fromage dessus. La salade manquant, le fromage tient lieu d’une sorte de fruit. De même les jours  de demi-Pitance, on a ce fromage pour une espèce de fruit ; & généralement le fruit manquant pour les deux espèces, ou pour une seulement, on donne au souper une portion entière de fromage, ou une demi-portion.

Il est des temps où l’on ne peut user de Pitances : ces temps sont l’Avent, à commencer au Lundi de la première semaine ; le Carême, depuis le Lundi de la Quinquagésime ; les Quatre-Temps [16] de Septembre, & les Vigiles où l’Église jeûne. On ne peut même servir aux hôtes des œufs, du laitage, du beurre ou du fromage.

Citations latines : RB 39 ; 49 - Us. 83 ; 117 - Instit. cap. 14 ; 25 - Institut. dist. 13, 5 ; Epist. S. Bern. ad Nepotem. - Epist Fatredi, abb.  Claravallensis - Jacob de Vitry, hist. Occid. 14.

 

[17] VI - La boisson

Saint Benoît accorde par jour une hémine de vin, qu’on croit être les trois quarts de chopine, mesure de Parie, ou l’ancienne livre des liquides, qui pesoit douze onces. Les anciens ont ajouté le Biberès[3], qui est un demi-setier, même mesure, en considération de l’augmentation des Offices au-delà de ce que le Saint avoit prescrit. Quand on prend deux réfections, on réserve le tiers de l’hémine pour celle du [18] soir, & on y ajoute le Biberès des jeûnes. Les jours de Pitance, si le vin abonde, on ajoute encore quatre onces à la mesure ; ce qui fait vingt-quatre onces pour ces jours-là, en suivant la dispositions du même Saint Législateur. Mais on ne peut jamais aller au-delà, le mixte[4] des travaux excepté. Le vin doit être du cru ; il n’est pas permis d’en acheter : lorsqu’il manque, on boit du cidre, du petit vin, de la genevrette ou de l’eau pure ; mais il n’est guère possible que les deux derniers cas puissent arriver. Indépendamment des vignes de dehors, qui sont en grand nombre, on fait ordinairement dans l’enclos beaucoup plus de vin qu’on n’en peut boire.

On boit toujours du cidre en Avent & en Carême ; on donne cependant du vin à ceux qui seroient incommodés du cidre. Quand on donne du cidre dans les autres temps, on est libre d’en boire ou du vin ; & même est libre de boire toujours du cidre toute l’année. On donne plus de cidre que de vin ; mais il est défendu de boire le vin ou le cire sans eau.

Citations latines : RB 40 - Us. 70.

 

[19] VII - Les jeûnes et les heures des réfections

On jeûne tous les jours depuis le treize de Septembre jusqu’à Pâques, à l’exception des seuls Dimanches ; & depuis la Pentecôte, tous les Mercredis & Vendredis, outre les jeûnes d’Église. On mange deux fois dans les jours où l’on ne jeûne point.

On prend la première réfection après Sexte, c’est-à-dire, à midi, ou aux environs, selon les temps. On prend la seconde toujours après Vêpres.

Dans les jeûnes, on mange à l’heure de None, qui est le point milieu entre midi & le coucher du soleil ; en observant néanmoins qu’il y ait un temps suffisant après la réfection pour les exercices qui doivent suivre : cela va depuis le demi-quart après une heure & demie jusqu’à trois heures. Le Biberès se prend d’une manière égale au demi-quart avant la Collation, qui est la Lecture qui précède Complies.

En Carême, on mange le plus tard qu’il est possible, selon le cours du soleil : cela va depuis trois heures trois quarts jusqu’à quatre heures & quart. On n’y prend point de Biberès que le Jeudi-Saint.

On jeûne toutes les Fêtes, & même le jour de Noël, comme les autres jours ; & en Carême, on jeûne au pain & à l’eau les Vendredis des [20] six semaines, à moins qu’il n’y tombe, ou le lendemain Samedi, une Fête de deux Messes majeures ou au-dessus.

La Règle excepte cependant des jeûnes d’été les travaux extraordinaires, & les jours d’une trop grande chaleur.

Citations latines : RB 41 ; 49 - Us. 31 - Capita. gen. ann. 1157. art. 51.

 

[21] VIII - Le chapitre

On tient le Chapitre des coulpes chaque jour après Prime, ou les jours de travail, depuis le 13 Septembre jusqu’à Pâques, après Tierce. On s’y accuse de toutes les fautes extérieures, commises depuis la veille, contre la régularité, quelque part que ce soit ; & on reçoit les pénitences que le Supérieur juge à propos d’imposer : une des principales est la discipline à la porte du Chapitre ou en particulier.

Deux fois ordinairement, par semaine, les Frères se clament les uns les autres, dans un esprit de zèle & de charité, des fautes dont on ne se seroit point accusé soi-même.

Cet exercice du Chapitre est très-important pour le maintien du bon ordre.

Citations latines : RB 46 - Us. 72.

IX - La lecture et l’oraison

Dans les intervalles des Offices, qui ne sont point occupés par le travail, on vaque à la Lecture dans le Cloître, tous ensemble, & dans une posture modeste & recueillie. On ne permet d’autres Lectures que celles des livres spirituels, [22] qui, en éclairant l’esprit, peuvent toucher & échauffer le coeur.

On vaque à l’Oraison Mentale, en commun, deux ou trois fois le jour, & en Carême surtout trois fois. Saint Benoît ordonne qu’elles ne soient pas fort longues. Pour les Oraisons particulières, on en peut faire autant que l’on veut, selon l’attrait de la Grace, dans tous les temps de Lecture, celle que l’on sonne pour tout le monde exceptée.

Citations latines : RB 8 ; 20 ; 49 ; 52  - Us. 15 ; 71.

 

[23] X - La confession et la communion

On se confesse toutes les semaines, & on communie tous les Dimanches, & toutes les Fêtes, qui sont au moins de deux Messes majeures. On ne peut se confesser que le matin, ou avant la réfection, pendant les intervalles.

Les Prêtres disent la Messe tous les jours ; & les Ministres des Messes conventuelles y communient aussi tous les jours, si ce n’est que la Messe ne fût de Requiem ; car on ne communie jamais aux Messes des défunts.

Le R. P. Abbé est le Confesseur naturel de toute sa Maison ; mais il nomme d’autres Confesseurs, en nombre suffisant, afin qu’il y ait toujours une grande liberté.

Citations latines : RB 7 ; 46 - Us. 70 ; 57 ; 54.

 

 [24] XI - La retraite et le silence

On est toujours ensemble. Il faut une permission pour sortir des Cloîtres, ou de quelque Exercice que ce soit, où l’on se trouve réuni. La clôture est aussi exacte pour tout le monde. On ne peut même aller dans les Cours, à moins que l’on ait quelque emploi qui engage à cela, ni aussi se promener dans les Jardins. On sort cependant du Monastère quelquefois, lorsque cela est nécessaire pour les travaux communs ; & alors le Supérieur est toujours à la tête.

Le silence est perpétuel. Il n’y a aucun temps, où l’on puisse se parler mutuellement. On se sert de signes pour se faire entendre, dans la nécessité, les uns aux autres. On peut toujours parler au R. P. Abbé & à un autre Supérieur ; à l’exception du temps de la nuit, qui commence depuis la fin du premier pseaume de Complies jusqu’après Prime du lendemain : c’est ce qu’on appelle le grand silence.

Il faut aussi excepter le temps des Offices du jours, pendant lesquels on ne peut point parler, non pas même au R.P. Abbé, hors le cas d’une extrême nécessité.

[25] On ne parle pas plus de deux à la fois aux Supérieurs, & dans les lieux seulement destinés à cela, qu’on nomme Auditoires ou Parloirs. Il est beaucoup d’endroits où l’on ne peut jamais parler.

On n’entretient aucun commerce de lettres au dehors ou avec ses parents.

Citations latines : RB 4 ; 6 ; 7 ; 42 ; 54 ; 66 - Us. passim - Institut. Dist. 3, 11

 

[26] XII - L’appellation et le rang

Les anciens appellent leur plus jeunes, mon Frere, & les plus jeunes leurs anciens, Nonne : on ajoute toujours le nom de Religion avec.

Saint Benoît dit que l’ancien est celui, qui est venu, par exemple, à la première heure dans le Monastère ; & que le plus jeune est celui, qui n’y est venu qu’à la seconde heure, de quelque âge ou dignité qu’il soit.

Tous les anciens cependant, non Prêtres, appellent aussi leurs plus jeunes, qui sont Prêtres, Nonnes, en considération du Sacerdoce, mais seulement hors de l’appellation régulière, c’est-à-dire, de celle qui se fait en public, comme au Chapitre &c.

On n’appel Père, personne que le Révérend Père Abbé, à qui l’on dit mon Révérend Père. Tous nomment le Prieur, Nonne Prieur ; il en seroit de même du Sous-Prieur, s’il avoit rang : on lui diroit Nonne Sous-Prieur. Mais quand il ne l’a pas, comme c’est l’ordinaire, on l’appelle comme les autres. Les Séculiers cependant appellent l’Abbé, M. l’Abbé ; & tous les Religieux, mon Père, ou M. R. P.

Les Prêtres ont le premier rang au Chœur, & dans toutes les Cérémonies Ecclésiastiques ; mais partout ailleurs ils ne prennent que le rang de leur entrée, & ils sont confondus parmi les autres, suivant l’ordre de leur conversion.

[27 On se salue mutuellement, en s’inclinant, découvert quelque part qu’on se rencontre, excepté à l’Église & au Dortoir, la nuit, & quand on travaille. On s’incline partout vers le Révérend Père Abbé,  hors du Dortoir ; & l’inclination qu’on lui fait, est toujours profonde.

Citations latines : RB 60 ; 63  - Us. 53 ; 13 ; 17 ; 21 ; &c. Passim

 

[28] XIII - L’esprit de pauvreté et de simplicité dont on fait profession

Les seuls Vases Sacrés sont d’argent à l’Église ; & encore ils ne peuvent pas être dorés au dehors. Il n’y a point de dorure aux Autels. Les Ornemens ne sont point se soie ; & dans aucune Cérémonie ou Fonction Ecclésiastique, l’on ne se sert de Chapes & de Dalmatiques. Toutes les Cérémonies aussi sont les plus simples, & telles que l’Ordre les garda d’abord.

On n’a point de grande ou petite Vaisselle d’argent ni d’étain dans tout le Monastère. La Vaisselle des Réfectoires est de bois ou de la terre la plus commune & simplement vernissée. On mange avec des Cuillers de buis ; & on boit dans des Tasses de bois, qu’on appelle Hanaps. A l’Hospice, on se sert de terre blanche ou faïence, de Tasses blanches & de Verres. On y donne aussi des Fourchettes avec les Cuillers de buis.

Citations latines : RB 55 - Exord. 17  - Us. passim - Instit. cap. 62.

 

[29] XIV - Divers autres points

1°. Il y a une grande égalité pour tout le monde. On reprend également ceux qui font des fautes ; & chacun concourt aux charges communes, suivant sa possibilité, & pourvu que la chose ne devienne point incompatible avec ce que l’on aurait déjà à faire. RB. & Us. passim.

2°. On va toujours achever les Graces à l’Église après les réfections. On ne va jamais aussi au Réfectoire qu’au sortir de quelque Office. RB 41 & 48. Us. 76.

3°. On se chauffe débout, & sans retrousser qu’assez peu la Cuculle. On ne lit point auprès du feu. On ne peut se chauffer qu’une fois dans un intervalle ; & on ne doit le faire que pendant peu de temps & pour le seul besoin. Il n’y a que le Révérend Père Abbé & les Infirmes, qui puissent avoir des cheminées ouvertes : on se chauffe partout à des poêles. Us. 72. § 3.

4°. On va tous les jours prier au Cimetière pour les Défunts, & réfléchir un peu sur les fosses ouvertes. Us. Monasterii.

5°. On reçoit les Cendres nu-pieds ; & on est de même nu-pieds, dès avant Prime jusqu’après tout le Service, le Vendredi-Saint. Us. 13 & 22.

6°. Les Barbes & les Tonsures ne se font que sept fois l’année. Us. 85.

[30] 7°. On ne peut rien acheter d’étranger pour la nourriture, la boisson, & pour tout le reste ; & tous les assaisonnemens des mets, outre le sel, se prennent dans la Maison & les Jardins. RB 55 ; 61.

8°. Tous les emplois ne sont que pour un an : on fait ensuite sa retraite. RB 32 & 53.

9°. On prend la Discipline tous les Vendredis de l’année. En Avent, on la prend aussi le Mercredi ; & pendant le Carême, encore le Lundi.

Les Convers n’omettent jamais celle du Mercredi, ce qui leur fait deux disciplines par semaine, sans la troisième du Carême.

 

XV - L’infirmerie

On ne fait rien pour un premier accès de fièvre. On saigne au second, ce qu’on appelle minuer ; ou l’on fait ce qui convient. Au quatrième des accès de fièvre tierce, on met à l’Infirmerie : on attend davantage dans la fièvre quarte & les petites fièvres périodiques ; mais dans les grandes maladies, qui s’annoncent pour dangereuses, on met d’abord à l’Infirmerie.

Les Infirmes de l’Infirmerie disent leurs Offices ensemble, quand on les sonne. Ils ne vont à [31] l’Église ordinairement que pour la Messe, une partie de Vêpres, & le Salve qui se chante après Complies. Ils se levent la nuit à l’ordinaire, comme le Convent, & ils se recouchent ensuite jusqu’à ce qu’on sonne leur réveil le matin. Ils disent les Offices, tant qu’il est possible, jusqu’à la mort. Priscus usus ordinis.

Ils reposent sur une paillasse molle, c’est-à-dire, qui n’est pas piquée, & couverte d’un drap de serge ; & on leur donne un second traversin rempli de balle de blé ou d’avoine. La plume, les matelas, le linge & les fauteuils bourrés sont inconnus.

Ils travaillent, selon leur pouvoir, aux heures du Convent, & ils lisent & font oraison de même. Ils ne peuvent se coucher, sans permission, hors des temps ordinaires ; & ils n’ont aucune communication entr’eux. Ils parlent à l’Infirmier dans l’Auditoire ou Parloir de l’Infirmerie ; ou à leurs lits, s’ils sont continuellement allités.

Ils n’observent que les jeûnes d’Église, qu’ils font toujours lorsqu’ils sont en état de cela. Dans les autres jours, ils mangent trois fois. On leur donne une livre régulière de pain blanc par jour ; & du pain ordinaire du Réfectoire, tant qu’ils en ont besoin. Ils déjeûnent le matin avec du pain & un demi-setier de vin, mesure de Paris, ou avec une soupe maigre. Ils ont à dîner, les jours gras, avec la soupe grasse, du bœuf & du mouton bouilli, avec un petit [32] morceau de salé, si on en a ; ce qui ne doit pas excéder une bonne livre de viande. Le soir, ils ont de même une soupe grasse, avec une portion d’oeufs, d’herbes ou de racines.

Les jours maigres, ils ont le matin la soupe, une portion de légumes ou de jardinage, avec un petit morceau de beurre ou de fromage ; & le soir une soupe ou un laitage avec des œufs ou des beignets. De quinze en quinze jours, on leur donne une fois le patin du poisson, quand on en a, & trois fois en Carême.

On ne peut manger de la viande qu’une fois par jour, & jamais les jours maigres ou hors de l’Infirmerie. On n’en mange point non plus depuis la Septuagésime, si ce n’est dans une très-griève maladie.

La portion de vin aux repas est celle qui se donne dans le Convent.

On n’use point de ragoûts, rôtis & volailles ou gibier, ni d’aucune espèce d’épisseries, confitures, sucreries, pâtisseries & liqueurs. On ne peut user de même de vins étrangers au climat, ni prendre ou boire les eaux minérales. On ne se sert que de remedes communs, & que très-peu de médecines ; & si, dans une extrémité, l’on ne peut s’empêcher d’user de lavemens, on les prend soi-même.

Les infirmes ne quittent jamais les habits réguliers du Convent ni le jour ni la nuit. Ils reçoivent les derniers Sacremens à l’Église, & ils expirent à terre sur la cendre et la paille, [33] couverte de serge en forme de Croix, lorsque cela se peut faire, & en présence de tous les Freres.

Citations latines : RB 39 - Us. 94 - Epist. S. Bern. 321 - Apist. Fastredi.

 

[34] XVI - L’hospitalité et les aumônes

L’Hospitalité est générale dans l’Abbaye pour tous ceux indistinctement qui y viennent par un pieux motif de curiositè & pour s’y édifier ; ou encore pour ceux qui n’auroient pas assez de quoi se défrayer dans leur route. On ne reçoit point des cohues, c’est-à-dire, ceux qui viennent plus de trois à la fois ; les barquettes qui descendent par la Loire ; ceux encore qui, en étant en état, ne cherchent qu’à épargner un peu d’argent, & dont même souvent les voyages sont payés par d’autres ; & ceux qui paroissent couverts de vermine, ou les gens en sabots, lesquels cependant on soulage toujours d’une autre manière.

L’Hospitalité n’est point non plus pour les gens voisins, qui venant souvent à l’Abbaye, ou pour affaire, peuvent facilement s’en retourner manger chez eux. On ne reçoit point encore les femmes à l’Hospitalité, si ce n’est par hasard quelque mère ou soeur d’un Religieux ou Convers, qui viendroit le voir. Enfin, il n’y a que les personnes qu’on reçoive, & non les montures.

On fait l’aumône à la porte en pain, &c. à tous les Pauvres passans & autres, & on distribue tous les jours la desserte des tables, même aux gens du voisinage ayant besoin.

On sert par jour trois prébendes entières au [35] Réfectoire pour les Défunts en général. un portier vient les prendre après les réfections ; & elles se donnent à des familles indigentes.

On tient gratuitement, & sans aucune obligation, un Hospital de dix lits pour les Pauvres malades des paroisses circonvoisines, & au loin ; & pour les Voyageurs, qui ont besoin de soulagemens particuliers. Mais comme diverses maladies ou infirmités ne pourroient pas être suffisamment ou décemment traitées dans l’Hôpital de l’Abbaye, on a fondé trois lits, l’un perpétuel, & l’autre pour les saisons des bains, à Bourbon-Lanci ; & le troisième, à Vichy également pour les saisons des bains ; afin d’y renvoyer les malades, qu’on ne pourroit bien guérir ou traiter à Sept-Fons, ou qui auroient besoin des eaux. Les lits des bains sont également pour l’un ou l’autre des deux sexes.

On saigne les Pauvres gens de dehors ; on leur donne des médecines, & tous les remèdes ordinaires suivant leur état. Il y a tous les jours une visite de Médecin, &c. dans une chambre de l’Hôpital pour les gens de dehors. On panse les blessés, qui n’ont pas besoin d’ailleurs d’un régime particulier, & on les nourrit à la porte.

On donne de l’argent, des hardes, des souliers, &c. aux nécessiteux ; & on tâche de soulager l’indigent en toute manière possible.

Enfin, depuis Décembre jusqu’en Juillet, on fait, chaque mois, des distributions réglées, en grains ou farine, aux pauvres veuves, ou journaliers [36]  chargés d’enfants ; & dans le reste de l’année, selon qu’il est besoin.

Le dixième du revenu doit être employé chaque année à ces œuvres de charité. Mais il ne suffit jamais ; & il faut y mettre bien d’autres sommes, principalement dans les années de cherté & de disette.

Citations latines : RB 4 ; 53 & 66 - Us. 21 ; 76 ; 101 ; 108 & 120.

 

XVII - Le noviciat

Il faut avoir fait des études pour être admis au Noviciat. Cela n’étoit pas nécessaire dans la Règle ; mais il l’est devenu depuis l’obligation si étroite qu’à fait l’Église de l’Office divin aux Religieux du Choeur.

Le besoin de tabac est un des sujets d’exclusion.

On n’exige rien pour l’entrée, le Noviciat & la Profession. On donne des habits vieux  aux Novices : s’ils veulent des habits neufs, ils les payent, sans aucune répétition, au cas qu’ils sortent.

Le Noviciat est d’une année pleine, depuis la prise d’Habit. Mais on donne à l’ordinaire encore un peu de temps après aux Novices, pour se mieux disposer à la profession.

Ils sont entièrement séparés du Convent ; ils ne se trouvent avec lui qu’à l’Église, au travail, [37] au Réfectoire, & à la lecture de la Collation, & de la Conférence.

Au lieu de la Cuculle, ils portent une Chape, qui a son Capuce ; & en place du Scapulaire noir, ils ont, avec un petit Scapulaire, un Chaperon blanc, comme le reste de leurs habits, & fermé, qui leur couvre, comme en rond, la poitrine & les épaules.

Les Novices étant censés Séculiers, on ne leur fait point la tonsure, & on leur coupe seulement les cheveux avec des ciseaux. Ceux qui par été doivent porter la couronne, l’ont selon leur degré, ou la manière de leur Ordre. Les Prêtres ne disent point la Messe ; & tous se confessent & communient comme les Profès.

Citation latines : RB 58 - Us. 102

 

XVIII - Des convers

Les Convers ne sont point de la Règle, qui ne connoissoient qu’une sorte de personnes dans les Monastères. Les Fondateurs de l’Ordre de Cîteaux en reçurent d’abord, parce qu’ils ne croyoient pas qu’ils pussent, sans leur secours, remplir tous les devoirs qu’elle leur imposoit. C’étoient des Séculiers pour les ouvrages de dehors, & qui ne faisoient point de vœux.

[38] Ils en firent ensuite ; & leurs vœux à présent sont aussi solennels que ceux des Religieux du Chœur.

On n’en reçoit aucun, qui se sache lire & écrire, & qui n’ait un métier utile ; mais on les reçoit pour toutes sortes de travaux en général ; & non pour aucun art en particulier. Leur Postulance est d’un an, lequel cependant on peut abréger ; & le Noviciat ensuite d’un autre année rigoureusement. On ne reçoit personne, pour cet état, à quarante ans ou qui en approche.

Les Postulans, après quelques jours, prennent des habits simples de l’étoffe des Convers. S’ils les veulent neufs, ils les payent. Les Novices, au lieu de Chape, portent le Chaperon. Les Profès sont habillés comme les Novices du Chœur ; mais en tout, de la couleur du noir naturel.

Dans cet état, on ne rase jamais le visage : ainsi l’on y porte la barbe longue, pour conserver le souvenir de ce qu’il étoit autrefois, & le rappeler à son origine. On y rase la tête, quand les Religieux du Chœur se font la tonsure, chacun se lavant soi-même.

Les Convers forment une seconde communauté dans la Maison. Ils logent, travaillent, mangent, dorment & lisent séparément des Religieux de Choeur ; & ils ont aussi un Choeur  particulier.

On les reçoit pour travaille tout le jour, & remplir les divers emplois, qui exigent l’absence du Chœur pour les faire. Mais ils ont trois [39] temps de Lecture par jour. Leur Office consiste dans les Pater, Ave & Gloria, dont ils disent les Vigiles, Matines & Complies à l’Église. Ils ne manquent, jamais aussi d’entendre la sainte Messe. Ils approchent des Sacremens, & ont leur Chapitre quotidien comme les Religieux de Chœur. Du reste ils font profession de la Règle de Saint Benoît & des Constitutions primitives de l’Ordre ; & ils sont astreints aux mêmes Exercices & Réglemens que les Religieux, le jour & la nuit, en tout ce qui peut être compatible avec leur état de Convers.

Citations latines : Exord. 15 - Institut. dist. 14 De Conversis, 1 & 23.

 

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Telle est la Discipline régulière qui se garde dans l’Abbaye de Saint-Lieu ou Sept-Fons, depuis la réforme qui y fut mise en l’an 1663, par Dom Eustache de Beaufort : en observant néanmoins que tous les Abbés, qui lui ont succédé, bien loin de la laisser affaiblir en rien, ont tâché au contraire chacun, l’un après l’autre, de la perfectionner, & de la porter en tout au point de la Règle & du premier état de l’Ordre de Cîteaux, selon ce que l’on vient d’exposer, & d’après le plan qu’en avoit tracé le Vénérable Réformateur.

[40] Il est encore à remarque qu’on pratique le même genre de vie, & une égale Discipline en tout au Grand Prieuré du Val de Saint-Lieu, qui étoit ci-devant le chef-Lieu de l’Ordre du Val-des-Choux ; & qui a été uni, sans extinction ou confusion du Titre, à l’Abbaye de Saint-Lieu de Sept-Fons en 1762.

Ce Grand Prieuré est situé au Diocèse de Langres, dans la haute forêt de Villiers-le-Duc, à l’autre extrémité de la province de Bourgogne ; & à trois ou quatre lieues de Châtillon-sur-Seine, qu’on appelle le Baillage de la Montagne.

Cette nouvelle Maison, n’est qu’un membre de l’Abbaye, qui tient aussi, avec des Novices, une communauté nombreuse de Religieux & de Convers, qui y font vœu de stabilité : aussi les deux endroits ne font qu’un tout ; & selon les expressions de la Bulle d’union, que comme un seul & même Monastère, sous la conduite d’un seul & même Supérieur immédiat.

On y a les mêmes principes pour l’emploi des revenus, pour l’Hospitalité & les Aumônes, &c. L’Hospital y est composé de cinq lits.

 

Vu, permis d’imprimer & distribuer, à Moulins, ce 22 novembre 1784, Vernin, Maire

 

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Transcription : Tamié 13 décembre 2004


 

[1] Pulment, est une portion cuite ou crue.

[2] Pitance, est un mets mieux apprêté que les ordinaires, ou quelque chose qu’on leur ajour, du beurre frais ou du fromage.

[3] Biberès, est un coup à boire.

[4] Mixte est un morceau de pain & un peu de vin.