Homélie - Pentecôte — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - Pentecôte

Par dom Victor

Pentecôte 2006

Introduction

Le chrétien est un homme plus l'Esprit Saint, c'est-à-dire, quelqu'un qui regarde le monde, qui prend ses décisions, qui aime les autres dans l'Esprit de Jésus ressuscité. C'est cela vivre de l'Évangile. Nous reconnaîtrons alors que toute vie humaine est animée par ce souffle divin que Dieu mit en l'homme dès la création. L'Esprit de Pentecôte nous invite aujourd'hui à voir en tout être humain, qu'il soit Juif ou Arabe, Turc, Africain ou Chinois, qu'il soit bon ou méchant, ce souffle de Dieu, ce germe de vie divine que seul l'amour peut faire grandir.

Homélie

Je voudrais m'arrêter aux premiers mots du récit des Actes des Apôtres. «Quand arriva la Pentecôte, ils se trouvaient réunis tous ensemble ». Il ne s'agit pas là d'une simple coïncidence, mais d'un lien essentiel entre le don de l'Esprit et l'Église qui est communion. Le don de l'Esprit ne peut être reçu qu'en Église et nous ne pouvons en vivre que si nous sommes unis dans une communion profonde de fraternité. Pourrait-il en être autrement puisque l'Esprit Saint est lui-même communion du Père et du Fils ? Étant communion de charité, l'Esprit fait de l'Église une communion de charité. Toute assemblée liturgique, la nôtre en ce moment, n'est pas un simple rassemblement. Le chant d'entrée, la prière commune, l'écoute de la Parole de Dieu, la célébration de l'eucharistie font de nous tous un seul Corps dans le Christ, un corps qui vit de la même foi et qui reçoit du Christ sa vie, son Esprit.
Dans l'Évangile Jésus dit à ses disciples juste avant de mourir, ou plutôt avant de donner sa vie pour eux et pour nous tous : «Tout ce qui appartient au Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : l'Esprit de vérité reprend ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. » Autrement dit, l'Esprit Saint nous introduit dans la vraie connaissance du Fils et dans cette communion de charité qui est la vie même de Dieu, la vie trinitaire. Nous devenons fils et filles du même Père dans le Christ, le Fils unique.
Certaines personnes qui croient en l'existence de Dieu ne voient pas la nécessité de vivre en l'Église, de faite partie d'une communauté chrétienne. On peut se demander si le Dieu auquel elles croient est vraiment le Dieu de Jésus Christ, un Dieu de communion et d'amour. Regardez saint Paul après sa conversion. Il a rencontré le Christ et le Christ lui a parlé: «Je suis celui que tu persécutes » De persécuteur Paul est soudain devenu croyant et disciple du Christ. Toutefois il ne devient pleinement chrétien que lorsque Ananie, envoyé par le Seigneur l'instruit et le baptise : « Saoul, mon frère, c'est le Seigneur qui m'envoie - ce Jésus qui t'est apparu sur la route que tu suivais - afin que tu retrouves la vue et que tu sois rempli. d'Esprit Saint.., il reçut alors le baptême et passa quelques jours avec les disciples de Damas, » (Ac 9, 17-19) ceux qu'il était venu enchaîner ! De cette vérité découlent trois conséquences :

- Nous venons de voir la première : vivre de l'Esprit c'est vivre en Église dans la charité. Saint Jean nous disait dimanche dernier: «Dieu, personne ne l'a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous,et son amour atteint en nous sa perfection. Nous reconnaissons que nous demeurons en lui et lui en nous, à ce qu'il nous donne part à son Esprit " (1 Jean 4,12-16). Quelques versets plus haut l'apôtre affirmait haut et clair: « Qui n'aime pas n'a pas découvert Dieu, puisque Dieu est amour. » (v.8)

- La seconde conséquence est que cette unité dans la charité conduit à l'unité de tous les disciples du Christ. Jean Paul II a eu des phrases très fortes pour nous rappeler cette urgence de travailler chacun à ce rapprochement entre Chrétiens et Benoît XVI en fait la priorité de son pontificat. Ce chemin vers l'unité se réalisera par la connaissance réciproque. Alors, au lieu de voir nos différences comme des causes de séparation, nous apprendrons à les considérer plutôt comme des richesses à mettre en commun. Je cite Jean Paul II dans sa très belle encyclique sur l'Unité des Chrétiens datée du 25 mai 1995: «Le Christ appelle tous ses disciples à l'unité. Le désir ardent qui m'anime est de renouveler aujourd'hui cette invitation et de la reprendre résolument... ceux qui croient au Christ, unis sur la voie tracée par les martyrs ne peuvent pas rester divisés. » n° 1. «L'unité que le Seigneur a donnée à son Église et dans laquelle il veut que tous soient inclus n'est pas secondaire, elle est au centre même de son oeuvre... Dieu veut l'Église parce qu'il veut l'unité et que dans l'unité s 'exprime toute la profondeur de son agapè, de son amour... Croire au Christ signifie vouloir l'unité ; vouloir l'unité signifie vouloir l'Église. » n. 9

- Ce chemin vers l'unité nous le trouverons dans la prière commune, le dialogue, mais aussi dans la collaboration pratique mise au service de tout homme. C'est la troisième conséquence du don de l'Esprit : la solidarité dans le service de l'humanité. Je cite encore Jean-Paul II : « II arrive de plus en plus souvent que les responsables des Communautés chrétiennes prennent position ensemble, au nom du Christ, sur des problèmes importants qui touchent la vocation humaine, la liberté, la justice, la paix, l'avenir du monde. Ce faisant, ils agissent en commun pour une des fonctions constitutives de la mission chrétienne : rappeler à la société, d'une manière qui sache être réaliste, la volonté de Dieu, mettant en garde les autorités et les citoyens, afin qu'ils ne s'engagent pas dans la voie qui conduirait à piétiner les droits humains » n.43. C'est le témoignage d'amour que doivent donner les chrétiens. Saint Pachôme, père du monachisme communautaire, a été converti par une petite communauté chrétienne de Haute Égypte qui accueillit le groupe de jeunes conscrits dont lui-même faisait partie. Étonné que ces gens viennent les secourir sans même les connaître, il s'informe : "Mais qui sont ces gens qui s'intéressent à nous ?" Apprenant que ce sont des chrétiens, il se fait instruire et promet de faire de sa vie un service des hommes. Devenu moine il suscita une nouvelle forme de vie monastique centrée sur la communauté comme communion de charité ; c'était au 4e siècle. Se mettre ensemble pour des projets de prestige et de domination conduit à la confusion de Babel, se mettre ensemble au service des plus pauvres prépare les chemins de l'Église, corps du Christ. "J'étais pauvre, malade ou en prison et vous êtes venus à moi".

S'il fallait terminer par une image, je comparerais le chrétien à ces éoliennes dont les pales mues par le vent donnent de l'énergie. Que le souffle de l'Esprit nous donne aussi de produire de l'énergie, une énergie d'amour !

Dom Victor