Homélie TO 14 — Abbaye de Tamié

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Homélie TO 14

Par Frère Patrice

14ème dimanche du temps ordinaire

1ère lecture : « Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve » (Is 66, 10-14c)
Lecture du livre du prophète Isaïe
Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse, vous tous qui la pleuriez !
Alors, vous serez nourris de son lait, rassasiés de ses consolations ; alors, vous gouterez avec délices à l’abondance de sa gloire. Car le Seigneur le déclare : « Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve et, comme un torrent qui déborde, la gloire des nations. » Vous serez nourris, portés sur la hanche ; vous serez choyés sur ses genoux. Comme un enfant que sa mère console, ainsi, je vous consolerai. Oui, dans Jérusalem, vous serez consolés. Vous verrez, votre cœur sera dans l’allégresse ; et vos os revivront comme l’herbe reverdit. Le Seigneur fera connaitre sa puissance à ses serviteurs.

Psaume : Ps 65 (66)

R/ Terre entière, acclame Dieu, chante le Seigneur !

Acclamez Dieu, toute la terre ;
fêtez la gloire de son nom,
glorifiez-le en célébrant sa louange.
Dites à Dieu : « Que tes actions sont redoutables ! »

Toute la terre se prosterne devant toi,
elle chante pour toi, elle chante pour ton nom.
Venez et voyez les hauts faits de Dieu,
ses exploits redoutables pour les fils des hommes.

Il changea la mer en terre ferme :
ils passèrent le fleuve à pied sec.
De là, cette joie qu’il nous donne.
Il règne à jamais par sa puissance.

Venez, écoutez, vous tous qui craignez Dieu :
je vous dirai ce qu’il a fait pour mon âme ;
Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière,
ni détourné de moi son amour !

2ème lecture : « Je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus » (Ga 6, 14-18)
Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Galates
Frères, Soeurs pour moi, que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. Ce qui compte, ce n’est pas d’être circoncis ou incirconcis, c’est d’être une création nouvelle. Pour tous ceux qui marchent selon cette règle de vie et pour l’Israël de Dieu, paix et miséricorde. Dès lors, que personne ne vienne me tourmenter, car je porte dans mon corps les marques des souffrances de Jésus. Frères, que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit. Amen.

Evangile : « Votre paix ira reposer sur lui » (Lc 10, 1-12.17-20)
Alléluia. Alléluia. Que dans vos cœurs, règne la paix du Christ ; que la parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse. Alléluia.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc  
En ce temps-là, parmi les disciples, le Seigneur en désigna encore 72, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre. Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maitre de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘Paix à cette maison.’ S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous. Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté. Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : ‘Le règne de Dieu s’est approché de vous.’ » Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, allez sur les places et dites : ‘Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous l’enlevons pour vous la laisser. Toutefois, sachez-le : le règne de Dieu s’est approché.’ Je vous le déclare : au dernier jour, Sodome sera mieux traitée que cette ville. »
Les 72 disciples revinrent tout joyeux, en disant : « Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom. » Jésus leur dit : « Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair. Voici que je vous ai donné le pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et sur toute la puissance de l’Ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire. Toutefois, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. »

©AELF - Paris 2013

 

Homélie

 

Mais qu’est-ce qui est le plus important ? Ne pas emporter de bâtons, de sac, de souliers ? Tout cela n’est que symbole et, quant à moi, je ne veux pas m’appesantir dessus comme certains sont tentés de le faire ! Il y a beaucoup plus important dans ce passage.

Tout au long de la Bible, Dieu ne cesse d’appeler (preuve que ce n’est pas de ce jour !) et de dire «  qui enverrai-je ? ». D’Abraham aux prophètes, Dieu appelle. Si aucun Moïse ne s’était porté volontaire, il n’y aurait pas eu de sortie d’Égypte ; si Marie n’avait pas dit « oui » à la demande de l’ange…qui Dieu aurait-il choisi à sa place ?

Dimanche dernier Dieu nous appelait, et aujourd’hui il nous envoie.

Et Dieu envoie ! Mais pour quoi faire ? Un auteur que j’aime beaucoup, Antoine de Saint-Exupéry, surtout connu pour son « Petit Prince » disait, à la veille de sa dernière mission « J’ai le sentiment  que nous marchons vers les temps les plus noirs du monde…il n’y a qu’un seul problème, un seul : rendre aux hommes une dimension spirituelle…il faut réveiller l’archange qui dort sur son fumier ». Et pourtant St Exupéry est demeuré dans un certain agnosticisme (même s’il a écrit plusieurs belles prières), probablement pcq justement il  n’a trouvé personne à son époque qui puisse lui parler de Dieu autrement qu’en terme de  dolorisme, de soumission, de rejet de l’exégèse. Et ce n’est plus à tenir ce langage que les envoyés sont appelés ! Nous sommes tous appelés à témoigner de notre foi, peut être tout simplement par notre vie de Chrétien, pour rendre aux hommes cette dimension spirituelle qui leur manque

Alors tout d’abord Jésus nous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Drôle d’expression si on ne la relie pas au message que ces agneaux doivent apporter dans les lieux qu’ils visitent. Ce message est celui de la Paix. Et l’agneau est le symbole de la Paix. L’agneau est celui qui n’attaque jamais, qui est toujours là, confiant, prêt à s’approcher de qui l’appelle. Nous le savons, rien n’est plus fragile que la paix. Et la paix que Dieu veut nous apportions au monde n’est pas avant tout une absence de conflit. Non la paix que Dieu nous demande d’offrir c’est notre capacité à mieux comprendre l’autre, à ne  pas en avoir peur, à savoir lui parler. Et tout ce que nous vivons depuis plusieurs mois nous incite à aller en ce sens. Quel chemin avons-nous à faire ! St Exupéry le dit à sa façon « La paix est un arbre long à grandir. Il nous faut, de même que le cèdre, aspirer encore beaucoup de rocaille pour lui fonder son unité » (Citadelle Pléiade p. 568,). Un peu comme ces arbres qui poussent sur des falaises, accrochés au rocher !

Et si l’autre accepte notre message de paix, alors un nouveau lien peut s’établir. Ce lien est celui-là même que Dieu souhaite établir avec chacun de nous : demeurer chez nous. On a  beaucoup écrit sur cette expression ! En fait c’est presque tout simple…Si le message de ceux qui nous parlent de Dieu nous a touchés ; alors Dieu prend place dans notre cœur, dans notre vie, dans notre façon d’agir. Dieu est là, au fond de notre âme, qui sous-tend tout ce que nous vivons, parfois même à notre insu mais qui transparaît chez ceux qui nous côtoient. Vous connaissez l’expression « il est habité », quelqu’un demeure en lui qui imprègne toute sa vie. Je reprendrai encore Saint-Exupéry « Si tu ouvres ta porte au cheminot et qu’il s’assoie, ne va lui reprocher de ne pas être autre. Ce dont il avait d’abord faim c’est d’être là dans la chaleur et la paix de ton visage, juste avec tout son passé qui n’est point en cause et toutes ses tares comme dévêtues » (Citadelle Pléiade, p 646). Rappelez-vous la transfiguration « Seigneur, il nous est bon d’être ici ».

Mais vous le savez aussi bien que moi ! Faire la paix et accepter que l’autre demeure chez nous…ça va bien un instant, quelque temps et puis…l’usure ou l’ennui ou le dégoût  risquent de tout mettre à bas. Alors, ce n’est pas pour rien qu’au début de notre passage d’évangile Dieu nous dit qu’il faut prier le maître de  la moisson. Oui, prier pour avoir le courage d’oser parler de Dieu autour de nous ; prier pour s’établir dans la paix et non pas se contenter de la vivre un court moment puis de reprendre ses animosités. Prier pour accepter de porter, parfois supporter, mais surtout aimer, celui chez qui nous établissons notre demeure. J’ai toujours gardée très vive cette définition de la prière que, tout jeune moine,  m’avait faite un prêtre venu en retraite car il devait être ordonné évêque et qui est mort très rapidement : la prière c’est ce moment et ce lieu que nous donnons à Dieu et où tout ce que nous vivons ou supportons trouve peu à sa vraie place. C’est tout simple…il suffit de !