Homélie - TO 10 — Abbaye de Tamié

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Homélie - TO 10

Par Père Abbé dom Victor
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Homélie pour le 10ème dimanche
du temps ordinaire - Année A


Frères et sœurs, nous sommes, ce matin, comme ces Israélites qui s’encourageaient mutuellement et se disaient entre eux : Efforçons nous de connaître le Seigneur ; sa venue est aussi certaine que celle de l’aurore. Si nous sommes rassemblés pour cette Eucharistie n’est-ce pas parce que, secrètement, nous croyons à cette venue du Seigneur au milieu de nous, à sa présence dans sa Parole, dans le pain et le vin consacrés ? Chaque dimanche, nous célébrons cette rencontre avec le Seigneur et nous proclamons que Jésus est bien vivant, qu’il nous parle et qu’il se donne à nous dans l’Eucharistie.

            Mais le connaissons-nous vraiment ? Quelle idée nous faisons-nous de Dieu ? Si j’interroge mon cœur, qui est Dieu pour moi ? Mes choix de vie, le regard que je porte sur les autres révèlent qui est Dieu pour moi. Malheureusement, ils manifestent trop souvent son inexistence dans ma vie. Un saint moine parlait autrefois des athées du cloître pour dénoncer cette inexistence de Dieu toujours possible même dans la vie d’un moine !

            Efforçons-nous donc de connaître Dieu et, pour cela, écoutons ce matin sa Parole. Si Dieu parle, c’est qu’il existe et s’il existe, il me parle. Cette Parole de Dieu ne donne pas de réponse immédiate aux questions que je me pose mais lentement, patiemment, elle me révèle, me dévoile le vrai visage de Dieu : son visage de tendresse et de miséricorde. Que vais-je te faire, Éphraïm, que vais-je te faire Juda ? Traduisez : Que vais-je te faire Nicole, François ou Jacques ? Ton amour est fugitif comme la brume du matin…

            Connaître Dieu, ce n’est pas connaître son catéchisme ou réciter les commandements. Connaître Dieu, c’est accepter que sa Parole interroge mon cœur et vienne réveiller en moi l’amour. L’amour n’est-ce pas le cœur de ma vie, ce qui me fait vivre ? Vous expérimentez combien l’amour est la source de mes vraies joies comme aussi la cause de mes plus grandes souffrances. Mais, plus que tout, l’amour est ce qui donne son sens à ma vie.

            Or, seule la connaissance du Seigneur qui est Amour peut orienter et fortifier notre amour fugace qui s’enthousiasme aujourd’hui de ce qu’il rejettera demain.  Le prophète Osée compare notre  amour instable et fragile à une rosée rafraîchissante qui trop vite s’évapore. L’amour serait-il donc trompeur ? Non, mais si nous ne connaissons pas Dieu, nous ne connaitrons jamais toute la vérité sur l’amour. En dehors de Dieu, comment croire à un amour qui soit sans limites, qui soit sans fin, qui puisse grandir sans cesse et qui soit source d’une joie inépuisable, celle de la vie éternelle ?

            Aussi, frères et sœurs, ouvrons notre cœur à cette joie que Dieu nous offre. Il nous a créés pour aimer et pour grandir éternellement dans l’amour. Dieu en lui-même est Amour. Benoît XVI nous l’a rappelé avec vigueur dans sa première encyclique. En un langage clair et chaleureux il nous livre quelques affirmations qu’il est bon de relire souvent, telles celles-ci : L'amour de Dieu pour nous est une question fondamentale pour la vie et pose des interrogations décisives sur qui est Dieu et sur qui nous sommes. (n.2) L’amour comprend la totalité de l’existence dans toutes ses dimensions, y compris celle du temps. Il ne pourrait en être autrement, puisque sa promesse vise à faire du définitif : l’amour vise à l’éternité. (n.6) Et celle-ci encore : Celui qui veut donner de l’amour doit lui aussi le recevoir comme un don. (n.7)

            Oui, l’amour est un don que l’on reçoit de l’autre. Si on veut vivre un amour infini, il faut accepter de le recevoir de Dieu qui seul est infini. Abraham, le premier, fit l’expérience de cet amour de Dieu de qui nous venons et vers qui nous allons. A travers de grandes épreuves Abraham demeura fidèle à cet Amour divin et il mit en lui toute sa confiance. Par sa fidélité, il découvrit la fidélité de Dieu. Or, lorsque deux fidélités se rencontrent dans l’amour, cela donne une alliance. Sans fidélité, il ne peut y avoir d’alliance car seule la fidélité inscrit l’amour dans la durée et lui permet de s’ouvrir sur l’infini.

            Dieu a fait alliance avec l’humanité, Dieu fait alliance avec chacun de nous. Cette alliance, cette fidélité, Dieu l’a menée à son terme en Jésus son Fils. En Lui il nous a tout dit, en Lui il nous a tout donné, et chaque Eucharistie nous fait entrer dans cette alliance nouvelle et éternelle qui est sa vie même donnée pour la rémission de nos péchés. Benoît XVI exprime cela en des mots d’une force inouïe quand il écrit : L’eros de Dieu pour l’homme est, en même temps, totalement agapè. Non seulement parce qu’il est donné absolument gratuitement, sans aucun mérite préalable, mais encore parce qu’il est un amour qui pardonne. (n.10)

            Si nous comprenons cela, la page d’Évangile que nous venons d’écouter parle d’elle-même. Comme Jésus était à table, voici que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples. Voyant cela, les pharisiens disaient aux disciples : Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ? Jésus qui avait entendu déclara : Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin mais les malades. Allez apprendre ce que veut dire cette parole : C’est la miséricorde que je désire et non les sacrifices. Car je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs.

            Jésus nous révèle ici le vrai visage de Dieu. Connaître Dieu, c’est découvrir ce visage de miséricorde : Dieu qui partage son repas avec les pécheurs, qui s’intéresse en priorité aux malades, qui jamais ne désespère de son enfant et se prépare à fêter son retour. Dieu est aussi le berger qui part à la recherche de la brebis qui s’est égarée ou le Samaritain qui prend soin de l’étranger blessé et abandonné…      

Ayant aimé les siens, Jésus les aima jusqu’à l’extrême : sachant qu’il allait mourir, il prit du pain et le donna à ses amis en leur disant : Voici mon corps…C’est ce geste d’amour suprême que nous allons revivre maintenant…