Homélie - Sainte Famille — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie - Sainte Famille

Par Frère Antoine
enfant jésus
Homélie pour la fête de la Sainte Famille
Joseph - Marie - Jésus



1ère lecture : Les vertus familiales (Si 3, 2-6.12-14)

Lecture du livre de Ben Sirac le Sage

Le Seigneur glorifie le père dans ses enfants, il renforce l'autorité de la mère sur ses fils. Celui qui honore son père obtient le pardon de ses fautes, celui qui glorifie sa mère est comme celui qui amasse un trésor. Celui qui honore son père aura de la joie dans ses enfants, au jour de sa prière il sera exaucé. Celui qui glorifie son père verra de longs jours, celui qui obéit au Seigneur donne du réconfort à sa mère. Mon fils, soutiens ton père dans sa vieillesse, ne le chagrine pas pendant sa vie. Même si son esprit l'abandonne, sois indulgent, ne le méprise pas, toi qui es en pleine force. Car ta miséricorde envers ton père ne sera pas oubliée, et elle relèvera ta maison si elle est ruinée par le péché.

Psaume : Ps 127, 1-2, 3, 4.5bc

R/ Heureux les habitants de ta maison, Seigneur

Heureux qui craint le Seigneur
et marche selon ses voies !
Tu te nourriras du travail de tes mains :
Heureux es-tu ! A toi, le bonheur !

Ta femme sera dans ta maison
comme une vigne généreuse,
et tes fils, autour de la table,
comme des plants d'olivier. 

Voilà comment sera béni
l'homme qui craint le Seigneur. 
Tu verras le bonheur de Jérusalem
tous les jours de ta vie.

2ème lecture : Vivre ensemble dans le Christ (Col 3, 12-21)

Lecture de la lettre de saint Paul Apôtre aux Colossiens

Frère,
puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes ses fidèles et ses bien-aimés, revêtez votre coeur de tendresse et de bonté, d'humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous mutuellement, et pardonnez si vous avez des reproches à vous faire. Agissez comme le Seigneur : il vous a pardonné, faites de même. Par-dessus tout cela, qu'il y ait l'amour : c'est lui qui fait l'unité dans la perfection. Et que, dans vos coeurs, règne la paix du Christ à laquelle vous avez été appelés pour former en lui un seul corps.
Vivez dans l'action de grâce.
Que la parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse ; instruisez-vous et reprenez-vous les uns les autres avec une vraie sagesse ; par des psaumes, des hymnes et de libres louanges, chantez à Dieu, dans vos coeurs, votre reconnaissance. Et tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus Christ, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père.  Vous les femmes, soyez soumises à votre mari ; dans le Seigneur, c'est ce qui convient.
Et vous les hommes, aimez votre femme, ne soyez pas désagréables avec elle. Vous les enfants, en toutes choses écoutez vos parents ; dans le Seigneur, c'est cela qui est beau. Et vous les parents, n'exaspérez pas vos enfants ; vous risqueriez de les décourager.

Évangile : La Sainte Famille en Égypte et à Nazareth (Mt 2, 13-15.19-23)

Acclamation : Alléluia. Alléluia. Vraiment, tu es un Dieu caché, Dieu parmi les hommes, Jésus Sauveur ! Alléluia. (cf. Is 45, 15)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

Après le départ des mages, l'ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi ; prends l'enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu'à ce que je t'avertisse, car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr. » Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l'enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu'à la mort d'Hérode. Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète : D'Égypte, j'ai appelé mon fils.

Après la mort d'Hérode, l'ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte et lui dit : « Lève-toi ; prends l'enfant et sa mère, et reviens au pays d'Israël, car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant. » Joseph se leva, prit l'enfant et sa mère, et rentra au pays d'Israël.

Mais, apprenant qu'Arkélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s'y rendre. Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth. Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par les prophètes : Il sera appelé Nazaréen.

©  AELF

Homélie

6 Fois le mot « enfant » en 8 versets. Jésus est toujours le personnage principal des évangiles. La fête de la Sainte Famille célèbre un aspect de Noel. Sans être la fête des familles, la liturgie nous invite, à cette occasion, à prier pour nos familles (voir : oraisons d’entrée, de l’offertoire et après la communion).

1) Pourquoi cette fête ? L’origine de la fête de la Sainte Famille n’est pas vraiment liturgique. Elle a été instituée par le pape Léon XIII (1892) comme fête facultative. Ce n’est qu’en 1921 que Benoît XV fixe cette célébration au calendrier universel de l’Église romaine. A la suite du Concile Vatican II, la fête a été fixée au 1er dimanche après Noël comme faisant partie du mystère de l’Incarnation. Pourquoi cette fête ?  Avant Vatican II, pour  réaffirmer les valeurs morales familiales contestées dans la pratique par une crise qui n’a cessé de grandir. Il y a un climat d’affrontement entre les tenants de la laïcité de la vie sociale et l’Église. La législation change, le divorce est autorisé…Malgré les encycliques et autres enseignements de l’Eglise, la situation n’a fait que se dégrader. En France, les sociologues situent dans les années 70-75 une révolution familiale avec familles éclatées, recomposées, monoparentales, homosexuelles…. En 2008, le jour de la fête des pères, dans une église de Chicago, Barak Obama signalait une crise générale de l’autorité dans la société et dans la famille en particulier celle du père. Il y a beaucoup d’autres raisons mais ce n’est pas le lieu de les énumérer. Et pourtant, la famille n’a jamais autant été aidée par les moyens humains, beaucoup d’efforts sont déployés pour favoriser les aides psychologiques, économiques ou sociales. Malgré cela, les familles éclatent. A l’évidence, la famille n’est ni une « réalité sacrée » ni une structure dépassée , elle reste en tête des aspirations avec la santé et le travail. Il y a en elle une vérité cachée qui la dépasse et que la foi nous révèle. C’est ce que Vatican II veut souligner.

2) La foi chrétienne éclaire notre vie humaine et donc nos familles. Cette foi repose sur trois mystères liés entre eux. Quand on parle de « mystère » penser au soleil, source de lumière, mais que nos yeux ne peuvent fixer.

 Le mystère de la Sainte Trinité. L’Écriture nous révèle que Dieu est communion d’amour. Déjà dans l’A.T. en disant « Faisons l’homme à notre image, homme et femme  il les créa » nous pouvons penser Dieu non comme un personnage, un individu isolé, mais davantage comme une famille unie. Jésus viendra révéler la figure du Père et l’existence de l’Esprit tout en se présentant comme le Fils. Au XII° s., sainte Hildegarde, bénédictine présentait le Père comme époux, le Fils comme épouse et l’Esprit comme le baiser qui les unit. Penser la  famille unie par l’amour et la foi comme icône de la Trinité est encore l’image la plus valable de notre Dieu.

Le mystère de l’Incarnation nous révèle Jésus, Fils de Dieu, comme l’aîné d’une multitude de frères. La Sainte  Famille devient l’icône de l’humanité qui accueille Dieu. Joseph et Marie représentent l’humanité, homme et femme qui accueillent  en Jésus la présence de Dieu dans notre humanité. Cette grande famille humaine n’est pas sainte d’emblée, elle a à le devenir. Rappelons-nous : « Qui est ma mère (pas  « mon Père », il n’en n’a qu’un au ciel), qui sont mes frères, mes sœurs ? Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère » (Marc 3, 33-35). En célébrant la Sainte Famille, nous avons à découvrir et à dire que la mission d’un couple humain est de mettre au monde, aujourd’hui encore, le Corps du Christ, l’Emmanuel. Tout enfant nouveau est né de Dieu (Jean 1). « Vos enfants ne sont pas vos enfants » K. Gibran. Ajoutons que ceux qui sont appelés à la virginité, comme nous les moines, ou les religieux et religieuses, ce choix doit manifester le caractère absolu et définitif de Dieu avec nous. Enfin, par son Incarnation, Jésus apporte une nouveauté : la famille, pas plus que la tribu, la communauté ou la nation ne sont l’essentiel de la vie et ne saurait enfermer personne. L’humanité toute entière est invitée à entrer dans cette filiation pour habiter la maison de Dieu qui dépasse nos maisons terrestres.

Le mystère de Rédemption : La famille humaine a besoin d’être sauvée et Jésus est le sauveur du monde. Troisième mystère de notre foi. Dans l’évangile de ce jour, le sauveur du monde  a lui-même besoin d’être sauvé. Ce qui nous montre sa manière de nous sauver : pas sans nous. Dieu veut avoir besoin des hommes : alliance et réciprocité parfaite ! De même il nous sauve de la mort, mais en la subissant. Encore quelques petites remarques concernant les familles :

- Il y a des familles très éprouvées, menacées, disloquées. Elles ne sont pas hors du champ de la Rédemption. Jésus n’est pas venu condamner mais sauver ; cf. les divorcés qui ont la foi et qui viennent à Tamié pour des journées de rencontre

- Il y a toutes les familles « ordinaires » qui ont à vivre tellement de blessures et de frustrations affectives au point qu’elles ne voient même plus ce qu’il y a de gratuit, de généreux dans leurs relations.Elles aussi elles ont besoin d'être sauvées.

- Mais il y a aussi, heureusement, beaucoup de familles chrétiennes qui mettent au centre de leur vie la présence du Seigneur (témoignages ) et qui vivent non comme des forteresses menacées mais comme des cellules-souches capables de régénérer le tissu ecclésial donc social aussi et de traverser les plus rudes épreuves. D’autres familles non chrétiennes, comme les familles juives, ont traversé les persécutions, la diaspora pendant des siècles grâce à leurs liturgies familiales. Elles peuvent donner des idées aux chrétiens surtout en situation ecclésiales précaires

À chaque eucharistie, nous osons dire à Dieu : « Notre Père », nous venons manger ensemble le Corps du Christ et boire son sang donné et versé pour nous donner la vie et faire partie de «  la maison de Dieu » Ep 2, 19. Que nous soyons mariés, célibataires, religieux ou religieuses, nous ne pouvons vivre qu’en famille. Que ce soit donc, là où nous sommes, une sainte famille.