Homélie - TO 24 — Abbaye de Tamié

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Homélie - TO 24

Par Frère Raffaele

24ème dimanche du temps ordinairearcabas-carton-midi-200.jpg

1ère lecture : Prophétie du Serviteur souffrant (Is 50, 5-9a)
Lecture du livre d'Isaïe
Parole du Serviteur de Dieu : Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J'ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe. Je n'ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats. Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c'est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c'est pourquoi j'ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, celui qui me justifie. Quelqu'un veut-il plaider contre moi ? Comparaissons ensemble. Quelqu'un a-t-il une accusation à porter contre moi ? Qu'il s'avance ! Voici le Seigneur Dieu qui vient prendre ma défense : qui donc me condamnera ?

Psaume : 114, 1-2, 3ac-4, 5-6, 8ac-9
R/ Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants.
J'aime le Seigneur :
il entend le cri de ma prière ;
il incline vers moi son oreille :
toute ma vie, je l'invoquerai.

J'étais pris dans les filets de la mort,
j'éprouvais la tristesse et l'angoisse ;
j'ai invoqué le nom du Seigneur :
« Seigneur, je t'en prie, délivre-moi ! »

Le Seigneur est justice et pitié,
notre Dieu est tendresse.
Le Seigneur défend les petits :
j'étais faible, il m'a sauvé.

Il a sauvé mon âme de la mort,
gardé mes pieds du faux pas.
Je marcherai en présence du Seigneur
sur la terre des vivants.


2ème lecture : Pas de vraie foi sans les actes (Jc 2, 14-18) Lecture de la lettre de saint Jacques
Mes frères, si quelqu'un prétend avoir la foi, alors qu'il n'agit pas, à quoi cela sert-il ? Cet homme-là peut-il être sauvé par sa foi ? Supposons que l'un de nos frères ou l'une de nos sœurs n'aient pas de quoi s'habiller, ni de quoi manger tous les jours ; si l'un de vous leur dit : « Rentrez tranquillement chez vous ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim ! » et si vous ne leur donnez pas ce que réclame leur corps, à quoi cela sert-il ? Ainsi donc, celui qui n'agit pas, sa foi est bel et bien morte, et on peut lui dire : « Tu prétends avoir la foi, moi je la mets en pratique. Montre-moi donc ta foi qui n'agit pas ; moi, c'est par mes actes que je te montrerai ma foi. »

Évangile : Confession de foi de saint Pierre et première annonce de la Passion (Mc 8, 27-35)
Acclamation : Alléluia. Alléluia. Notre seule fierté, c'est la croix du Seigneur ! En lui, le monde est crucifié à nos yeux, et nous, aux yeux du monde. Alléluia. (cf. Ga 6, 14)
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc
Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait : « Pour les gens, qui suis-je ? » Ils répondirent : « Jean Baptiste ; pour d'autres, Élie ; pour d'autres, un des prophètes. »
Il les interrogeait de nouveau : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre prend la parole et répond : « Tu es le Messie. » Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne. Et, pour la première fois, il leur enseigna qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu'il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite.
Jésus disait cela ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches.
Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »
Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : « Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix, et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l'Évangile la sauvera. »


Homélie


- « Pour les gens, qui suis-je ? » Depuis deux mille ans la question est posée. Des réponses on été données, nombreuses, variées... mais ces réponses, même les meilleures, restent toujours incomplètes. Le mystère de Jésus nous dépasse tellement !
« Et vous, que dites-vous ? Pour vous, pour toi, qui suis-je ? » Voilà la question fondamentale. Jésus continue de nous l'adresser, à chacun. Et il convient de la laisser résonner longuement dans notre coeur et dans notre intelligence.
Quelle est la place de Jésus dans ma vie ? Est-ce que je le laisse dans un coin, à l'écart, pour me souvenir de lui seulement quand j'ai besoin de son secours, quand une tuile me tombe sur la tête ? Ou bien, au contraire, est-il l'ami à qui j'aime parler, me confier, mon Maître qui éclaire mon chemin par sa Parole, mon Seigneur et mon Dieu que je prie et qui me révèle le visage du Père ?
Nous avons entendu la réponse de Pierre : « Tu es le Messie. » Bonne réponse. Pierre a pressenti dans cet homme, qu'il côtoie depuis un certain temps déjà, quelqu'un d'assez extraordinaire, qui parle de Dieu d'une façon nouvelle, autrement que les scribes et les docteurs de la Loi ; quelqu'un qui par ses gestes transmet la guérison, la vie, l'espérance.
Pourtant, Jésus lui impose le secret. Pourquoi ? Parce qu'il ne connaît que trop toutes les ambiguïtés dont ce titre de Messie est grevé dans l'esprit de ses contemporains. Ceux-ci se font du Messie une idée nationaliste et guerrière : ils attendent de lui le rétablissement de la royauté en Israël et la libération de l'occupation romaine. Jésus au contraire est venu instaurer un règne de fraternité et de paix. Il annonce que Dieu est le Père miséricordieux de tous et que les hommes sont frères, il fait bon accueil aux pécheurs et aux prostituées et ne craint pas de bousculer le légalisme dans lequel la religion de son temps risquait de s'enfermer. Jésus sait que sa prédication et son comportement déçoivent les uns, choquent les autres, bref, l'amènent tout droit à la persécution et à la mort. Il l'explique ouvertement à ses disciples.
Voilà un langage dur à entendre. Aujourd'hui comme hier, la croix continue d'être folie pour les incroyants, scandale pour les juifs et, pouvons-nous ajouter, pour les musulmans. Nous-mêmes, parfois, nous sommes tentés de dire à Jésus : « Mais, Seigneur, tu vas beaucoup trop loin ! » Pierre, avec ses protestations, est un peu notre porte-parole à tous. Pourtant, à peine se met-il à protester, qu'il s'attire sur-le-champ l'une des plus acerbes réprimandes que

Jésus ait jamais prononcées. Et Jésus nous avertit : pour le suivre, il faut se renoncer, prendre sa croix, perdre sa vie. Paroles rudes. Au moins, elles ont le mérite d'être claires. Rendre témoignage au Christ et à son évangile peut conduire à risquer sa vie. Dans nos pays d'Occident, nous ne sommes pas affrontés à une persécution ouverte. Mais nous sommes plongés dans une culture qui prône des valeurs bien différentes de celles propres à notre foi. Il n'y a qu'à voir comment la plupart des médias caricaturent et dénigrent les positions de l'Église, surtout dans le domaine de l'éthique. Et dans bien des pays la persécution est tout à fait ouverte et tâche d'éliminer ou, du moins, de bâillonner l'évangile du Christ et ses témoins.

Il se peut alors que nous aussi, nous nous prenions à désirer un Messie triomphant, comme Pierre et les contemporains de Jésus. Mais le Christ ne sera triomphant qu'au dernier jour, lors de son avènement glorieux. Entre-temps, nous dit le livre de l'Apocalypse, « c'est l'heure de la persévérance et de la foi » (13,10), l'heure du combat et du témoignage. Mais nous ne sommes pas seuls. Comme nous le disait le prophète Isaïe dans la première lecture : « Le Seigneur Dieu vient à mon secours, c'est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages : je sais que je ne serai pas confondu. Il est proche, celui qui me justifie. »
L'exigence de vérité qui s'impose à nous ne doit pas nous conduire au dolorisme qui a trop longtemps assombri l'espérance chrétienne. La Croix du Christ, et la croix que nous prenons à sa suite, n'est qu'un chemin, un passage qui débouche sur la Résurrection et la vie. Notre foi chrétienne est une proposition de bonheur, d'espérance et de joie. Dans notre célébration du dimanche, c'est le Christ ressuscité qui nous rassemble. Celui qui était mort, « Dieu l'a relevé d'entre les morts, nous en sommes témoins », déclare S. Pierre dans les Actes des Apôtres (3,15). Suivre le Christ ne signifie pas le suivre jusqu'à la croix seulement, mais jusqu'en son Royaume de lumière et de joie, auprès du Père. Et aussi, avec son aide et au mieux de nos pauvres forces humaines, essayer de réaliser au moins un avant-goût de ce Royaume sur notre terre.