Homélie - Toussaint — Abbaye de Tamié

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Homélie - Toussaint

Par dom Ginepro
arcabas - tamié
Homélie pour la fête de la Toussaint
Mt 5, 1-12a
Les Béatitudes

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
Quand Jésus vit la foule, il gravit la montagne. Il s'assit et ses disciples s'approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait :

« Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux !
Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise !
Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés !
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés !
Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde !
Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu !
Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu !
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux !
Heureux serez-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! »

 

Homélie

Qui sont-ils, tous ces saints, cette foule immense que personne ne peut dénombrer, ces hommes et femmes que l'Église nous propose d'honorer aujourd'hui et dont Saint Jean nous parle ? Qui sont-ils, d'où viennent-ils ? Pouvons-nous repérer quelqu'un de connu parmi eux ? Parmi cette foule immense, ces habitants du Royaume des cieux, apercevons-nous des visages connus ?

Bien sûr, notre pensée va, d'emblée, aux Saints avec un grand S que nous connaissons et que nous aimons depuis toujours : l'Église nous les propose, nous les indique avec soin : les canonisés, bien sûr, les béatifiés, ceux qui ont donné leur vie pour le Christ, qui ont cru au Royaume. Nous connaissons (un petit peu) leur histoire. Appelons-les : les saints extraordinaires.

Chacun de nous a, en tête, sa propre liste et il a, je suppose, ses préférences : saint Paul pour telle raison, saint Augustin pour tel autre motif. La sainte Mère de Dieu, naturellement, sainte Thérèse (la Grande ou la Petite ou toutes les deux) saint Ignace d'Antioche et celui de Loyola ; et le pape Jean XXIII, Charles de Foucault. Chacun a aussi ses bonnes raisons pour les invoquer. En faisant référence au Christ (qu'ils voulaient imiter, honorer), tous et chacun ont actualisé quelque chose de lui.

Mais il n'y a pas que ceux-là. Nous le savons, il y a aussi d'autres saints, moins connus ou pas connus du tout, plus ordinaires mais tout aussi réels, historiques, et, d'une certaine manière, j'ose dire, presque plus importants, pour chacun de nous, que d'autres, qui font pourtant partie de la grande couronne des saints connus. Je pense ici à tous ceux qui ont eu une place déterminante, fondamentale, dans chacune de nos vies, de nos histoires et envers qui, honnêtement, nous sommes énormément, infiniment débiteurs. En plus, ce qui est plutôt grave, il se peut que nous les avions, tout simplement et inexplicablement, oubliés. Oui, oubliés. Car, avouons-le : nous sommes des champions d'ingratitude, parfois. Et pourtant, ils nous ont parlé, ils nous ont aidés à maintes reprises. Et, de ce fait, ils sont entrés en symbiose avec nous ; à ce titre, je dirais même qu'ils ont structuré notre existence personnelle. Comment cela? Parce que... ils ont laissé leurs traces, déterminantes, dans nos vies. Je pense ici à ceux qui ont fait beaucoup pour notre formation humaine, religieuse ; à ceux qui, depuis notre enfance, ont été à nos côtés dans nos jeux, nos classes, nos milieux de travail, de loisirs, nos amitiés. Aux personnes qui ont pris soins de nous pour nous transmettre la foi, qui nous ont donné de la tendresse, qui se sont occupés de notre éducation, de notre santé, peut-être, en des moments extrêmement difficiles pour nous. Cherchons-les, demandons de l'aide à notre mémoire. Vous en trouvez ? Ce sont bien eux qui, en des moments précis de nos vies, ont contribué à structurer nos caractères, à forger nos goûts, à stimuler en nous la quête de Dieu. Eux, qui nous ont appris (et non pas seulement verbalement, mais par leur exemple) la valeur de l'amitié, de la confiance. Ce ne sont pas des bricoles ! Qu'en pensez-vous ?

Voilà ceux que nous pouvons appeler : les « Saints ordinaires »! Des gens, des saints qui ont vécu à nos côtés. Est-ce possible ?

Il y en a, peut-être, parmi vous, qui pourraient me faire remarquer que la sainteté est tout de même autre chose, qu'il ne faut pas tout mélanger que la sainteté se situe à un autre niveau, plus spirituel, peut-être ?

Oui et non. Les notions fondamentales de beauté, d'honnêteté, de courage, de loyauté. Nous les avons reçues. Et la foi ? La foi est un don de Dieu, mais quelqu'un nous l'a transmise. Tout cela nous l'avons bien appris de quelqu'un, n'est-ce pas ? Tout ce qui est bien et qui mène à Dieu, vient de Dieu et c'est Dieu, en premier lieu, que nous devons remercier et bénir ; mais, aussi, nous disons merci à ceux qui ont pris soin de nous transmettre ces valeurs. Voilà : les Saints ordinaires. Et de vrais Saints, quand-même !

C'est pour cela que je vous prie, si vous voulez bien, de prendre du temps pour réfléchir, chacun, calmement. Ça vaut la peine. Car je me dis : quelle énorme dette nous avons vis-à-vis d'eux ! Quelle intense Communion des Saints avons-nous donc établie avec ces personnes, mine de rien ! Comment pourrions-nous donc les oublier, comment ignorer tous ces « Saints familiers » ? Oui, les Saints familiers. Une autre image de la sainteté.

Et bien, j'aime penser qu'aujourd'hui c'est aussi et surtout leur jour ; nous voulons en faire mémoire, les rappeler pour les remercier, pour être en communion avec eux. Cela nous permettra de voir un monde différent, nous apercevrons un autre horizon de la Communion des Saints, cet immense cadeau qui nous est fait et qui est une sorte d'avant-goût du paradis de Dieu.