Homélie Assomption de Sainte Marie — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Assomption de Sainte Marie

Profession solennelle de Frère Charles de Foucauld

Dans un texte qui pour nous est fondateur (je dis : pour nous qui cherchons, modestement, Dieu dans la vie monastique) nous trouvons une belle image qui interpelle. Au prologue de sa Règle,  Saint Benoît imagine le Seigneur Jésus qui se promène parmi la multitude, au milieu d’une grande foule. Il élève la voix  et il pose autour de lui la question : (c’est aussi une citation du  Ps. 33) : « Qui est celui qui aime la vie et désire voir des jours heureux ? ».

***

Imaginons la scène: dans le brouhaha d’une grande ville, sur une place pleine de monde, des centaines (des milliers) de personnes se frôlent et se croisent, se rencontrent et s’ignorent ; beaucoup déambulent les yeux rivés chacun sur leur propre smartphone, les écouteurs dans les oreilles… Et cette voix du Christ retentit au milieu d’autres  voix, au milieu de tant de cris et d’invitations de tout genre…

Pour ceux qui savent l’entendre, le ton de la voix du Seigneur se détache avec force de tous les autres  et, au milieu de la foule, quelqu’un peut la saisir, l’entendre. Mystérieusement, il y en a qui arrivent vite à l’écouter et la considérer. D’autres hésiteront avant d’y prêter l’oreille, avant de saisir que c’est eux qui sont interpelés. Enfin, quelqu’un  finit par y prêter l’attention que cette voix mérite…

« Tiens ! Cette invitation est pour moi, cela m’intéresse… ». L’aventure peut alors commencer. Je souligne que c’est bien la soif de bonheur (ne l’oublions pas !) qui est en chacun de nous qui devient, à ce moment-là, tellement forte, tellement pressante, qu’enfin, quelqu’un finit par frapper à la porte de Tamié (… oh, ça pourrait être ailleurs !). Quelqu’un qui arrive ici avec son âge et son histoire ; son passé familial (car nous ne venons pas de nulle part !), son fort désir intérieur, habité par l’appel à vivre et à donner un sens à sa propre existence. Il ne faut pas se méprendre : on vient ici à la recherche du bonheur et non pas, comme on entend dire parfois, pour expier je ne sais pas quoi.

Continuons. « Si à cette demande (je la rappelle : « Qui est celui qui aime la vie et désire voir des jours heureux ? », tu lui réponds : « c’est moi ! », alors le Seigneur te dira : « Me voici ! ».

Il me semble comprendre que, une fois qu’il y a cette adhésion  à l’appel du Seigneur, alors le dialogue est engagé et il peut se poursuivre, se renforcer ; il faut toujours se donner le temps d’écouter d’abord pour pouvoir discerner et prendre ensuite une bonne résolution. Soyons clairs, le chemin est encore long car nous ne sommes qu’aux débuts. Même le défi (parfois redoutable) de la vie commune (qui intrigue et interroge tellement - et justement – un bon nombre de nos amis et visiteurs), ce défi se révèle possible (bien sûr, je ne dis pas que ça aille de soi !). D’autres découvertes s’ouvrent alors quotidiennement devant nous, jour après jour. Et, au fil du temps,  on peut alors apprendre ce que veut dire la Parole: « celui qui aime sa vie, la perd ». Perdre sa vie : rude exercice, c’est vrai ! Privilégier le service au lieu de faire ce que l’on veut. Cela est moins évident à faire qu’à dire ! C’est à ce moment-là que nous découvrirons que c’est le Seigneur avec son Evangile qui nous montre le chemin de la vie et non pas nous, notre jugement et notre volonté.

Il est nécessaire d’ajouter que ce ne sera certainement pas le beau paysage de Tamié, ni les prétendus beaux chants, ni la sympathie (on entend dire) des frères moines, ni la musique saisissante qui nous gardent ici… Non ! Tout cela (et tant d’autres attraits) tôt ou tard, disparaitront comme du brouillard au soleil… Tous ces éléments finiront par montrer leur inconsistance, ou, au moins, leurs limites. A l’expérience, les motivations qui nous ont amenées ici sont très rarement les mêmes qui nous feront ensuite persévérer…  Car la vraie raison de notre persévérance se révèlera être un attachement fort et personnel au le Seigneur Jésus lui-même, lui qui nous appelle à habiter dans sa demeure. C’est là, c’est lui le soubassement, la pierre d’angle de l’entière construction.

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Fr. Charles a choisi, pour sa profession solennelle, de se mettre sous la protection de Marie, la Mère de Dieu. Lui aussi, comme elle, répond : « Me voici ». Elle qui remercie le Seigneur qui fait des merveilles, dans sa vie et dans chacune de nos vies, elle qui loue le Seigneur qui élève les humbles, le Seigneur qui comble de biens les affamés, qui maintient pour toujours ses promesses…

Confions donc à Marie cet engagement, confions lui tous ceux qui sont, pour des causes diverses, dans la souffrance ; confions-lui notre communauté et chacune de vos vies, frères et sœurs ; vous qui nous faites le cadeau de votre présence, aujourd’hui, ici, pour vous associer à notre prière et notre joie.