Homélie Pâques 6C — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Pâques 6C

Par Frère Raffaele

Introduction

- La fête de l'Ascension est désormais toute proche. Ainsi, dans l'évangile de ce dimanche, nous entendrons Jésus préparer les disciples à son départ. Mais Jésus ne les laisse pas seuls : il leur promet la venue de l'Esprit saint, cette force d'en haut qui les rendra capables de rester fidèles à sa Parole. Que ce même Esprit vienne sur nous aujourd'hui, qu'il ouvre nos coeurs à la Parole vivante du Seigneur, qu'il nous donne de nous aimer les uns les autres comme Jésus lui-même nous a aimés. Comme d'habitude les dimanches du temps pascal, je vais bénir cette eau dont nous allons être aspergés en souvenir de notre baptême. Puisse ce rite libérer en nous la source vive de notre baptême et lui redonner tout son élan et sa pureté.

Évangile (Jn 14, 23-29)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez.»

Homélie

- Frères et sœurs, dans cet évangile Jésus nous révèle une nouveauté saisissante : « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole ; mon Père l'aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. »

Nos Pères dans la vie monastique cistercienne ont aimé profondément ce verset de saint Jean, et l'ont cité à plusieurs reprises dans leurs Commentaires du Cantique des Cantiques. Ainsi, saint Bernard demande : « A ton avis, quelle grande grâce d'intimité entre l'âme et le Verbe [le Christ] va-t-elle résulter de cette demeure ? Et quelle grande confiance va-t-elle naître de cette intimité ? ... Puisque l'âme sent qu'elle aime, et qu'elle aime avec violence, elle ne doute pas d'être aimée avec la même violence. » (SCt 69, 7). Oui, ce verset de saint Jean nous annonce que Dieu met ses délices dans le coeur de l'homme : sa joie est de faire sa demeure en nous.

Si nous pensions un peu plus à ce merveilleux don de Dieu, combien nos journées pourraient-elles changer, être plus recueillies et plus attentives à sa présence, être davantage jalonnées d'invocation, de louange et d'action de grâces au Seigneur, être plus attentives aussi aux frères et aux sœurs qui sont proches de nous, peut-être même à ceux qui nous sont antipathiques ou que nous ne pouvons pas supporter. Combien pourrions-nous nous ouvrir davantage aux autres et comprendre que Dieu demeure aussi en eux, que pour eux aussi le Seigneur Jésus est mort sur la Croix.

Malheureusement, trop souvent nous oublions cette merveilleuse réalité. L'agitation de notre vie quotidienne, sa superficialité, sa dispersion, les mille soucis qui nous assaillent, l'éloignement de Dieu, tout cela nous fait perdre de vue que tout homme est la demeure de Dieu.

Je crois que nous tous, au moins une fois dans notre vie, nous avons rencontré un homme, une femme, en qui nous avons perçu la présence de Dieu. Dieu se révélait en lui, ou en elle, à travers l'espérance, la paix, la sérénité qui rayonnaient de sa personne. Un peu plus loin dans cet évangile, Jésus dit : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix. » « Paix » est aussi la première parole que Jésus ressuscité prononce en apparaissant aux disciples.

Nous savons que, dans la Bible, la paix n'est pas seulement absence de guerre. Elle est quelque chose de bien plus profond : elle est enracinée à l'intérieur du coeur de l'homme. La paix, shalom en hébreu, est l'harmonie que l'homme porte en lui-même : harmonie avec Dieu, Créateur et Père ; harmonie avec les frères, dans la volonté de réconciliation, de reprendre le dialogue après une rupture ; harmonie avec la création : l'écologie vient de Dieu, n'est pas une invention de nos jours ; et finalement, harmonie avec soi-même. Trop souvent nous rencontrons des personnes qui ne s'aiment pas elles-mêmes, qui se méprisent et se laissent emporter dans une spirale de pessimisme et de mésestime vis-à-vis d'elles-mêmes. Tout cela ne vient pas de Dieu. La paix que Jésus nous donne nous procure aussi une harmonie intérieure, dans la conscience que Dieu nous a créés par amour et qu'il nous aime, dans la certitude que notre vie a un sens, dans la découverte de la soif d'infini et d'éternité que le Seigneur a inscrite au fond de notre coeur.

Cela, aujourd'hui, doit être vécu dans la foi, avec courage. Ne nous laissons pas tenailler par des tentations de découragement et de pessimisme, car celles-ci viennent de Satan qui veut à tout prix nous ravir la paix et l'espérance. « Ne vous laissez pas voler l'espérance ! », a dit notre pape François.

Alors, accueillons la paix que Jésus nous offre. Laissons-la entrer dans nos profondeurs, guérir nos blessures cachées, nous réconcilier avec nous-mêmes et nous rendre artisans de paix et de de réconciliation. Mais pour cela, il nous faut d'abord nous agenouiller et demander à Jésus ce don. Il nous sera accordé, parce que le Seigneur nous l'a promis et l'a gagné pour nous par sa mort et sa résurrection.

Amen.