Homélie TO 32 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie TO 32

Par Frère Gaël

33ème dimanche du temps ordinaire

Évangile (Lc 21, 5-19)

En ce temps-là, comme certains disciples de Jésus parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. »

Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? » Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : ‘C’est moi’, ou encore : ‘Le moment est tout proche.’ Ne marchez pas derrière eux ! Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. » Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel.

Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues et aux prisons, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage. Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense. C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.

C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. »

Homélie

Où est donc le Temple de Dieu ?

C’était l’hiver, accompagné de rafales de vent frais sur le massif montagneux où est sise Jérusalem. Jésus a enseigné le peuple tout le jour au Temple, et il quitte ce lieu béni qu’il aime entre tous. Comme chaque soir, il part avec ses douze apôtres au mont des Oliviers pour y passer la nuit. Laissant la foule, il traverse un groupe de pharisiens qui se félicitent de la beauté du Temple, de ses belles façades. Entendant cela, Jésus s’arrête et leur dit cette parole lapidaire : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » Les auditeurs restent interdits, tandis que Jésus poursuit son chemin. Les apôtres le suivent de près, comme des brebis perdues ce soir-là : ce que Jésus vient de dire les a sonnés. Tandis qu’ils descendent les pentes de Jérusalem, Judas, qui est resté en arrière grommelle : encore une gaffe de notre Maître ! Suite à sa parabole sur les vignerons homicides (Lc 20,9-19), les grands-prêtres et les scribes ont été exaspérés, et ils ne cessent d’envoyer des espions pour mettre la main sur lui, et sur nous avec ! Quand comprendra-t-il qu’il doit modérer son langage ?

Nathanaël, au milieu de la petite troupe, est songeur. Il se souvient qu’il y a quelques jours, après l’entrée messianique de Jésus dans la ville (Lc 19, 28-40), il avait déjà prononcé la même imprécation : « Ah, [Jérusalem], si tu avais reconnu ce qui donne la paix ! (…) Viendront pour toi des jours où tes ennemis t’encercleront, t’anéantiront… ils ne laisseront pas chez toi pierre sur pierre ! » (Lc 19, 42-44) Je me demande dans combien d’années cela se réalisera.

En tête du groupe derrière Jésus, il y a Pierre, et puis Jacques qui discute avec son frère. Il médite à haute voix : « Aujourd’hui, Jésus nous a mis en garde contre l’apparence, toutes ces façades attrayantes affichées par les scribes : vêtements d’apparat, places d’honneur (Lc 20,45-47), oui, tout cela passera ! Mais quand Jésus dit la même chose des pierres du Temple, la ‘maison de Dieu pour tous les peuples’, qu’elle sera détruite, il y va un peu fort ! Qu’en penses-tu Jean ? »

Sortant d’un genre de torpeur, son frère lui répond comme s’il contemplait l’invisible : « Je pense que Jésus, comme son Père, regarde le cœur de l’homme. Rappelle-toi, au puits de Jacob, ce que Jésus a dit à la Samaritaine : « L’heure vient où vous n’irez plus ni sur le mont Garizim, ni à Jérusalem pour adorer le Père… les vrais adorateurs adoreront en esprit et vérité » (Jn 4, 21-23) Le Temple de Dieu est dans le cœur de l’homme. Et tout à l’heure, au Trésor, il n’a pas considéré le poids d’argent, mais le poids d’amour dans le don de la veuve misérable (Lc 21,1-4)  Souviens-toi du Psaume que nous chantons : ‘quand Israël sortit d’Egypte, Juda fut pour Dieu un sanctuaire, Israël devint son domaine’ (Ps 113A) Avant l’existence d’un Temple de pierre, c’est le peuple qui forme pour Dieu un sanctuaire ! Et Dieu, qui aimait beaucoup David, n’a pas voulu qu’il lui construise un Temple de pierre, mais il lui a dit par le prophète Nathan que c’est dans sa descendance qu’il ferai sa demeure. Et nous, nous avons reconnu, et nous avons cru : c’est dans le Fils de l’homme qu’habite la plénitude de la divinité. Il est le seul véritable Temple sur la terre et dans le ciel… N’est-ce pas le sens de cette parole que Jésus a dite : « Détruisez ce Temple, et en 3 jours, je le rebâtirai » ? Je pense que Jésus parlait du sanctuaire de son corps (Jn 2,19.21). Comme il nous l’a dit, il doit être tué, mais le 3e jour il ressuscitera… »

Jean n’a pas fini de parler que le groupe arrive au mont des Oliviers. D’un seul mouvement, les apôtres se rassemblent autour de Jésus, et Pierre, percevant l’inquiétude des autres, l’interroge : « Maître, quand est-ce que le Temple sera détruit ? Quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? » Jésus les regarde les uns après les autres avec amour. Il connaît leurs inquiétudes : pour l’un la santé d’un membre de sa famille dont il voudrait être proche, pour l’autre la précarité de ses collaborateurs à laquelle il a contribué en partant à sa suite, pour plusieurs la crainte d’une arrestation collective soit par les romains qui veulent éviter les troubles publics, soit par les autorités religieuses qui ne supportent plus sa présence. Jésus, qui n’a plus beaucoup de temps à passer avec eux, leur ouvre alors les vastes horizons des temps à venir… propres à nourrir de nouvelles inquiétudes pour ceux qui se croient le centre du monde. Ses disciples doivent relever la tête,  voir loin, voir le Jour qui vient « brûlant comme une fournaise » (Ml 3,19), savoir qu’ils seront persécutés, certains tués, qu’ils devront témoigner de Jésus sans crainte aucune, car il sera avec eux. Ils ne se laisseront impressionner ni par la puissance parfois sournoise, souvent impitoyable des hommes religieux ou politiques, ni par le déchaînement des peuples ou des éléments du cosmos, avec toutes leurs conséquences dramatiques… devant lesquelles les hommes « mourront de peur ». Jésus conclut : « Vous, c’est par votre persévérance que vous sauverez votre vie ! De Temple, il n’y en aura plus (Ap). Vous, vous  serez mon peuple, mon Eglise, mon Temple. Vous formerez la nouvelle Jérusalem qui est au ciel, comme une Epouse parée pour son Epoux. Vous ferez la joie de votre Dieu. »

Ainsi exhortés, les disciples allument un feu et préparent le repas sous le halo lumineux de la lune, tandis que s’enfonce dans l’ombre la ville et son Temple.

Prions : Seigneur, apprends-nous à demeurer en Toi comme tu demeures en nous : en chaque eucharistie tu viens demeurer en nous et tu trouves ta joie en ton peuple (Is 61), en chacun de nous. Donne-nous de trouver en Toi notre refuge, toute notre joie, et de la partager !