Homélie Toussaint — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Toussaint

Par dom Ginepro

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là, voyant les foules, Jésus gravit la montagne.
Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :

    « Heureux les pauvres de cœur,
car le royaume des Cieux est à eux.
    Heureux ceux qui pleurent,
car ils seront consolés.
    Heureux les doux,
car ils recevront la terre en héritage.
    Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice,
car ils seront rassasiés.
    Heureux les miséricordieux,
car ils obtiendront miséricorde.
    Heureux les cœurs purs,
car ils verront Dieu.
    Heureux les artisans de paix,
car ils seront appelés fils de Dieu.
    Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice,
car le royaume des Cieux est à eux.
    Heureux êtes-vous si l’on vous insulte,
si l’on vous persécute
et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous,
à cause de moi.
    Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse,
car votre récompense est grande dans les cieux ! »

 

Homélie

Honnêtement, après avoir lu, entendu cette page, cette liste qui se réfère à ceux que nous appelons : les Saints, et surtout après avoir réfléchi sur les contenus qui sont évoqués dans ces pages d'Écriture, nous risquons de nous retrouver tous, qui plus qui moins... désemparés. Nous pouvons nous demander : oui, c'est bien beau, mais suis-je, moi, « pauvre de cœur...? doux... ? miséricordieux... ? suis-je un coeur pur... ? suis-je artisan de paix » ? Tout cela est-il vraiment à ma portée ? Nous pourrions vite conclure que la sainteté n'est pas, justement, accessible, qu'elle n'est pas dans notre horizon.

Avouons-le : en quoi ces affirmations de Jésus nous concernent-elles vraiment, tous, c'est-à-dire aussi vous et moi ? La question n'est pas banale : il s'agit... de notre bonheur, rien que cela. Revenons sur la nature de ce terme : heureux. Nous pouvons admirer, certes, cette foule que Jésus qualifie lui-même du titre d'Heureux, oui, mais ne sentons-nous pas trop de distance entre eux et nous ? Il nous arrive, fréquemment, à nous, de le chercher ailleurs ce bonheur. Concrètement, nous risquons ainsi de nous sentir loin, très loin d'eux.

D'où, nous comprenons mieux la question de l'auteur de l'Apocalypse qui met dans la bouche de l'ange: « ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d'où viennent-ils ? Un peu comme dire : réfléchissez bien ! Faites vraiment attention : qui sont-ils ces bienheureux ? Et je me dis : suis-je impliqué moi aussi avec eux? En sommes-nous tous concernés ? Ou bien, faut-il en conclure que c'est l'affaire seulement des Saints du calendrier, de ceux dont nous portons les prénoms, eux qui ont fait des grandes choses ? Parce que alors les Saints cités dans l'Apocalypse, justement, cette foule innombrable dont nous faisons mémoire aujourd'hui, n'étaient-ils... ne sont-ils pas radicalement différents de nous ?

Oui et non. Non, si nous tenons compte que, vraisemblablement, ils avaient, les mêmes défauts que nous. Et peut-être pire. Ils et elles étaient des gens... comme nous ; je suppose que, comme nous, ils se sont sentis libres de choisir entre le bien et le mal. A bien voir entre les lignes, parmi eux, il y en a qui, avant ce processus particulier que nous appelons : conversion, ils étaient plus mal placés que nous, si on peut s'exprimer comme ça. C'est à cause de leur choix libre et parce qu'ils ont été touchés par la grâce que — pour utiliser les termes mêmes de l'Évangile — ils ont obtenu miséricorde. En engageant leur liberté, ils ont obtenu de voir Dieu, d'être appelés fils de Dieu, d'avoir part au Royaume de Dieu. Ce sont les mots mêmes que nous venons d'entendre.

Qu'ont-ils fait alors de différent ou « en plus » ? Où se situe cette différence de qualité? La réponse est : qu'ils sont allés au fond de leur foi. Non pas seulement comme on peut adhérer à une croyance, comme on peut changer d'idée, de manière de faire. Ils sont allés jusqu'à changer le cours, le sens de leur vie. Ils ont engagé toute leur existence dans cette conversion. Et, de ce point de vue, sur le fond, nous sommes comme eux. Je veux dire que nous ne sommes pas plus démunis qu'eux. Nous sommes, nous aussi, libres. La grâce de Dieu est là, aussi, disponible devant nous. Oui, nous aussi, comme eux, nous sommes appelés à la sainteté. Ces frères et ces sœurs en humanité nous invitent et nous encouragent simplement à considérer autrement notre vie, à la placer sous une autre lumière, à faire confiance à l'appel personnel de Dieu, entièrement. Car notre vie aussi a de la valeur, comme la leur. Nous sommes tous enfants de Dieu ; nous sommes tous appelés à cette Vision finale qui nous est promise par l'Apocalypse. Vous et moi. Quant à eux, ils ont cherché le bonheur du bon côté.

Ce message évangélique est donc pour nous tous : le Seigneur nous dit que nous leur serons semblables et, en compagnie des Saints, nous pourrons, nous aussi, voir Dieu tel qu'il est.

Au fond, il s'agit de comprendre : c'est quoi, c'est où le bonheur ? En réponse, je vous cite une phrase du pape François : « Le bonheur ne consiste pas à avoir quelque chose, ou à devenir quelqu'un. Le vrai bonheur c'est d'être avec le Seigneur et de vivre par amour ».

Et toujours avec François, j'ajoute : « Croyez-vous cela ?»