Homélie TO 15 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie TO 15

Par Frère Patrice

Le bon Samaritain

Que feriez-vous si vous passiez en voiture ou même à pied au bord d’une route et que découvriez dans le fossé une personne accidentée, malmenée ou brutalisée ? Notre réflexe actuel et moderne entre aussitôt en action : je prends mon portable, j’appelle le Samu et le tour est joué. Je peux alors reprendre ma route, la conscience toute tranquille d’avoir fait ce qu’il fallait. 

Peut-être, dans un élan de compassion, resterais-je à côté de l’accidenté, lui tenant la main en signe d’humanité pour lui signifier qu’il n‘est pas seul, et au mieux tacherais-je de prendre de ses nouvelles pour savoir comment il s’en est sorti !

Mais je crois qu’il faut aller beaucoup plus loin !

D’abord parce que on trouve, peut-être et surtout, dans notre monde moderne une quantité d’hommes et de femmes laissés au bord de la route et mal en point car drogués, infirmes, alcooliques et la liste serait trop longue. Et là pas de Samu, pas d’aubergiste pour les recevoir…et on ne peut pas les laisser ainsi !

Alors pourquoi le prêtre et le lévite ne s’occupent-ils pas de l’homme malmené ? Ils ne veulent pas se risquer au contact d’un mort ou d’un blessé. Ils représentent la Loi Ancienne qui n’a pas su placer l’amour du prochain au cœur de la religion mais qui en fait un commandement parmi les autres. Ils étaient donc, hélas !,  parfaitement en règle avec leur religion.

Et notre Samaritain ? Il faut noter que ce passage d’évangile suit immédiatement un passage où Jésus nous dit « tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toutes tes forces…et ton prochain comme toi-même ».Puis se rappeler la fin du passage d’évangile de ce matin « va, et toi aussi, fais de même ».

Alors qui est mon prochain ? Et Jésus donne ici une solution du cœur ; ce qui a fait dire à St Augustin « le cœur du Samaritain, c’est déjà le cœur du Seigneur ». Notre Samaritain n’a écouté que son cœur, tout comme Jésus n’écoutera que  son cœur pour nous donner la vie nouvelle. Et pour représenter et pour incarner  l’esprit nouveau qu’apporte cette solution du cœur,  Jésus choisit des personnages   méprisés par le Judaïsme, ici le Samaritain. On pourrait se rappeler ce petit dicton « c’est dans des outres neuves qu’on met le vin nouveau ».

Alors à la question du scribe  qui demandait « qui est mon prochain » Jésus donner une réponse sans ambigüité et qui se résume dans ces  deux mots : viens, suis-moi? L’homme découvrira qui est son prochain s’il renouvèle son cœur pour suivre l’homme Jésus. Un Jésus qui est directement atteint et touché par son semblable. Et Jésus est proche de son semblable car, quand il le voir dans la misère, il est saisi jusqu’aux entrailles. Souvent on trouve cette expression pour signifier combien Jésus est touché au plus profond de lui-même quand il rencontre un être humain en grande détresse, si bien que toute cette détresse est devenue la sienne, et qu’il l’a discernée et ressentie  beaucoup plus fortement  qu’elle ne pouvait l’être par ceux qui l’éprouvaient.

J’aime beaucoup cette expression d’un auteur qui dit « voir Jésus Seul, ce n’est pas le voir ».  Oui, ce qui fait la gloire, le prestige de Jésus, c’est qu’il est totalement pris à parti et appréhendé par le prochain, par sa condition, par sa faiblesse et sa misère. Souvent je regarde des gens qui semblent n’avoir aucune faiblesse, aucune misère, et je me dis : « Ont-ils besoin du prochain » et « Savent-ils se tourner vers le prochain qui attend leur secours ? »

Alors qui est mon prochain ? J’ai toujours été profondément marqué par ce passage d’évangile dit du jugement dernier. « J’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire »…. car ce que vous n’avez pa fait pour l’un de ces petits, à moi non plus vous  ne l’avez pas fait ».