Homélie Sainte Marie Mère de Dieu — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Sainte Marie Mère de Dieu

Par dom Ginepro

Aujourd'hui, premier jour de 2019, l'Église nous invite à fêter, à considérer le beau mystère de Marie, mère de Dieu et associe cette fête à la journée mondiale de la paix. Heureux rapprochement.

De paix, tout le monde en parle, même les seigneurs de la guerre. D'ailleurs, ceux-ci, ils ne font qu'en parler. Mais, justement... il s'agit de se mettre d'accord sur quel genre de paix voulons-nous construire, sur ce que la paix est, vraiment.

Il y a des termes qui expriment des réalités très complexes ; des mots qui se prêtent à des ambigüités et qui sont donc, souvent, utilisés mal à propos. Je prends un autre exemple : dans notre société, si nous aimons être informés de ce qui arrive autour de nous, nous entendons souvent parler de « croissance ». En fait, cette croissance n'est pas bien partagée ; c'est ainsi que ce phénomène contribue à accentuer l'inégalité et à nuire aux relations humaines ; c'est donc une croissance qui aboutit à la misère pour beaucoup ; une mauvaise croissance. Les plus riches empochent. Il faudrait donc demander à celui qui nous en parle : « de quelle croissance parlez-vous ? ».

C'est la même chose pour la paix. La paix est-elle égale à tranquillité, à « pas de problèmes, pas de soucis », comme on dit par un raccourci courant ? Mais non I Au contraire : nous savons que les artisans de paix dont nous parle l'Evangile se font beaucoup, beaucoup de soucis pour les autres. Ils s'engagent dans des situations très difficiles, pour les dénouer, pour les rendre plus humaines... Et cela peut aller pour eux très loin, jusqu'à donner leur propre vie. La paix véritable demande toujours beaucoup d'engagement, de don de soi, à tous les niveaux.

Il y a, au contraire, des fausses-paix. Une force d'occupation qui surveille, par une poignée de fer, un autre peuple humilié et opprimé, ne favorise certainement pas la paix, même si elle dit de maintenir la paix. N'oublions jamais : il n'y a pas de paix sans justice. Nous savons que cette manière de faire engendre, en réalité, l'esclavage, et cela finira, un jour, par éclater à la figure de ceux qui en sont responsables. Tôt ou tard, cela va arriver.

Les 19 Martyrs d'Algérie, récemment béatifiés à Oran, voilà un bel exemple d'artisans de paix. Leur témoignage ne cesse pas de montrer sa fécondité, qui se révèle aux yeux de tous, même ceux qui ne partagent pas leur foi. Apparemment, leur vie et leur mort n'ont pas servi à grand-chose, goutte d'eau au milieu de l'indifférence, mais nous constatons que leur vie montre à tous sa réelle richesse et conduit tous ceux que Dieu aime à se poser des questions, la question : pourquoi ces hommes et ces femmes ont voulu rester fidèles à leurs engagements ? De quelle foi étaient-ils soutenus ? Pourquoi n'ont-ils pas sauvé leur vie quand ils avaient la possibilité de le faire ? Qu'est-pétait, pour eux, la paix, la Vie ? « Celui qui aime sa Vie, la donne », nous dit Jésus. Leur choix nous invite à considérer la réalité autrement, cela nous aide à comprendre, au delà du visible, de l'ordinaire de leur vie, qu'est ce qu'ils ont fait ; ce qu'ils ont fait pour nous, aussi.

A propos d'ordinaire, nous avons parlé de Marie mère de Dieu. La mère de Jésus qu'a-t-elle fait d'extraordinaire, d'éclatant ? Son existence, si nous y regardons de près, est quelque chose de très « ordinaire ». Dans le chant du Magnificat c'est bien ce qu'elle prie en parlant d'elle-même : elle dit que le Seigneur a considéré (a pris en compte) l'humilité (la normalité, nous pourrions paraphraser) de sa servante ; et c'est pour cela que toutes les générations la diront bienheureuse. Oui, nous devons en convenir, il s'agit d'une sainteté très ordinaire, au-delà de tout le merveilleux dont la dévotion l'a ensuite chargée.

Et, revenons à notre temps, à nous : nous sommes reconnaissants au pape François pour sa détermination à dénoncer toute sorte abus dans notre Église et dans notre société; il ne craint pas de le faire, à temps et à contretemps. Mais il souligne, aussi, la sainteté des hommes et des femmes de bonne volonté qui vivent quotidiennement leur vocation dans la fidélité, l'anonymat et la discrétion. D'eux, les mass-médias ne disent rien. Leur sainteté, la vraie, est tellement « normale » qu'elle ne demande ni d'être évoquée ni signalée. Elle est d'autant plus précieuse qu'elle est silencieuse. C'est comme l'eau d'une source : elle coule, discrète.

Et je cite encore, pour finir, François. Il dit : « Noël prouve que les grands maux commis par certains ne pourront jamais ternir tout le bien que les chrétiens ordinaires accomplissent gratuitement dans le monde ».

Bonne Année à vous, Sainte Année 2019 !