Homélies de Noël — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélies de Noël

Par dom Ginepro

Fête de Noël

Un enfant nous est né !

 

Homélie de Noël 2018 (nuit)

C’était devant la crèche, le jour de Noël. Il y a une maman, un papa et leur enfant de presque trois ans. La crèche vient d’être terminée. La mousse est bien verte, fraiche et odorante et les santons sont à leur place (provisoire, car ça va vite bouger). Les questions de l’enfant fusent ; des pourquoi, des pourquoi, l’un après l’autre… Seulement une maman peut avoir la patience, l’amour, pour répondre à cette rafale de pourquoi. Enfin, il y en  un qui… désarçonne, littéralement ; l’enfant demande : « Pourquoi Dieu est un bébé ? ». Mais oui : pourquoi Dieu est un bébé ?

Alors, là… : la question mettrait en embarras le plus savant des théologiens ; il y a de quoi rester perplexes, de quoi argumenter. Nous laissons cette maman se débrouiller comme elle peut. Quant à nous, permettez-moi, à ce point de l’histoire, de la laisser en suspens  et de vous poser… une autre question:

Comment pourrions-nous exprimer le vrai sens de notre présence, ici, en cette nuit, sans glisser dans le sentimental ? Nous sommes là, c’est vrai, pour nous communiquer notre joie les uns aux autres.  Ce qui me semble déjà assez important. Mais, nous sommes avant tout ici pour célébrer la présence de Jésus, lui qui, tout en étant Dieu, a voulu prendre forme humaine, devenir bébé, pour nous donner le goût de vivre. Cadeau suprême, ce goût de vivre, bien plus important de ce qui, éphémère et vain, s’agite autour de nous et qui voudrait accaparer toute notre attention. Noël, son message, nous invite, d’abord, à retrouver le goût de vivre.

Le Fils unique de Dieu, est venu ; et, déjà de son temps, les hommes et les femmes ont eu du mal à l’accueillir. Plus précisément, il faudrait dire que c’est au milieu  de l’indifférence générale qu’il a fait son entrée dans  l’histoire. Et… nous, comment  l’accueillons-nous aujourd’hui ? Sommes-nous, nous aussi, éblouis par le décor éphémère qui étincelle ça et là ? Tout cela, nous le savons, nous décevra.
L’Evangile nous fait réfléchir quand il nous dit que, au milieu de cette agitation-là, il n’y avait plus de place pour les parents de l’enfant dans la salle commune ». L’hôtel affiche : COMPLET ! Eh oui : c’est ou le recensement d’Auguste, ou les vacances d’hiver… L’humanité, distraite, s’empresse toujours derrière un tourbillon de  choses…

Heureusement, Dieu sait ce qu’il veut, et son cadeau (c’est-à-dire, rien d’autre que lui-même, lui en personne), était bien là, petit bébé emmailloté, couché, accueilli dans une mangeoire d’animaux. Et cela, je me dis, va à l’honneur des animaux, qui s’honorent d’offrir chez eux une demeure au Dieu de l’histoire et de la création. Ils donnent au Créateur leur mangeoire, à lui, qui donne la nourriture à toutes les créatures et qui s’offre à nous en aliment spirituel.

En observant le tableau dont nous parle l’Evangile, posons-nous encore une autre question, comme le ferait l’enfant de trois ans devant la crèche: qui sont, pour nous, aujourd’hui, les bergers qui, dans cette nuit, couchent sous les étoiles ? Nous restons libres de les reconnaître, de les identifier (ou de les ignorer…!) ces bergers d’autrefois. Peut-être, aujourd’hui, ils ne sont-ils pas loin de nos maisons bien garnies et chauffées, de nos hôtels avec tous les conforts. Peut-être, ces gens ne sont-ils pas nécessairement à la rue : c’est le voisin de la porte à côté, le malade ou l’ancien de notre famille que nous ne considérons pas assez, ou l’étranger qui nous gêne et que nous préférons ignorer… Ce sont toutes les personnes que, habituellement, nous choisissons d’éviter, d’oublier. Dieu les appelle ; les veut prés de son Fils.

Dieu prend chair, il s’incarne, pour utiliser un terme qui ne court pas les rues. Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? Comment pourrions-nous donner chair à notre foi ? Je veux dire : la rendre vive, active, cette foi, accueillante, féconde ?

Nous avons vu que Dieu se donne gratuitement à nous. Et à notre tour, que faisons-nous pour les autres, pour ceux qui demandent notre attention ? Car, si nous y réfléchissons,  c’est bien la vraie finalité de cette incarnation de Dieu. Je me dis que, au fond, c’est cela que le Seigneur nous demande, aujourd’hui. Tel est le vrai sens de Noël. « Puisque je suis devenu humain comme toi, nous dit-il, que fais-tu pour ceux qui demandent ton engagement? ». Et, enfin, l’éternelle question qu’il faut que je m’adresse : en quoi et comment je veux, moi, me faire prochain de celui ou de celle qui regardent vers moi ? »

C’est ainsi que la naissance de Jésus nous questionne. Ne soyons pas distraits : prêtons l’oreille à ce Dieu qui se fait enfant pour nous rendre plus humains, pour que puissions mettre plus d’humain dans nos vies.

Voulons-nous comprendre (un peu plus) : « Pourquoi Dieu est un bébé ? »

 

Homélie de Noël 2018 (Jour)

Depuis un mois, la presse nous présente, à profusion, une série illimitée de protestations. Sans doute l’expression d’un malaise réel, au cœur de nos sociétés. Et ce n’est pas fini. Des signes confus d’une insatisfaction (larvée) que nous avons du mal à exprimer clairement ; mais… qui est bien là ! Rassurez-vous : je ne veux pas vous obséder à nouveau, ici, à la messe de Noël, par ce que nous entendons, expérimentons chaque jour, depuis un mois. Mais je le rappelle parce que cet univers reste bien le nôtre, la toile de fond présente là où nous sommes, et qui trouble notre avenir ;  nous ne pouvons  pas l’oublier. Le message de Noël vient donc pour nous, hommes et femmes plongés dans cet univers-ci.

Noël vient pour nous, dans notre aujourd’hui. Discrètement, non pas comme une menace ou que sais-je… une fuite, un rêve ou un mirage fugitif ; Noël vient comme une Bonne Nouvelle.

Que nous dit-il cet Evangile que nous venons d’entendre? Que nous dit l’Esprit Saint qui souffle, ce matin, dans nos vies ? Plusieurs choses :

Premièrement, que nous ne sommes pas plongés dans le néant ou le hasard (comme beaucoup de nos contemporains, désespérés, semblent croire), mais qu’il y a un Dieu Créateur et Sauveur qui se soucie de nous et qui nous attend. Non, nous ne sommes pas abandonnés, nous ne sommes pas seuls face à la déchéance.


Deuxièmement, que nous ne pouvons pas nous sauver tous seuls, mais que nous confions en quelqu’un (dans la page d’Evangile que nous avons lue, ce « quelqu’un » est appelé : LE VERBE de Dieu), ce « quelqu’un » qui est entré dans notre histoire,  l’a ainsi sauvée et il continue de le faire pour nous et par nous. Il nous pousse à être solidaires. C’est ce que nous rappelons chaque fois que nous proclamons le Credo, le fondement de notre foi. 


Troisièmement, que ce Sauveur, Jésus, n’est pas venu parmi nous comme un magicien, ni comme un leader politique ou syndical ou, encore, un guerrier qui s’impose; mais il a assumé nos histoires humaines, il s’est fait tout comme nous, de la naissance (et nous fêtons la sienne aujourd’hui) à la mort (qui continue d’exister dans nos vies) ; car notre histoire aboutira en lui. Lui, La Parole, le Verbe, vient à nous sans s’imposer, comme un enfant « infans », ce qui veut dire : celui qui ne parle pas.
 

Quatrièmement, l’Esprit nous dit encore que nous sommes invités à suivre ses traces et que, en Eglise, nous accueillons, ensemble, son Règne, non pas par l’imposition et la violence, mais par « la Grace et la Vérité », comme nous venons d’entendre. Il revient à chacun de nous de « mettre de l’humain » dans nos relations, si souvent polluées par la soif de l’argent, par les chiffres et les statistiques désespérantes.

Nous voulons aller au delà de tout ce malaise, et nous gardons l’espérance que l’entente entre nous est possible, une espérance qui nous est donnée par ce Verbe de Dieu, qui nous l’a révélée ; voilà la raison pour laquelle nous nous réjouissons tellement de la naissance de Jésus.

Noël n’est pas l’anniversaire d’un évènement du passé, l’évocation nostalgique d’un conte bon pour les enfants. C’est la preuve que Dieu s’est engagé dans notre histoire et, en même temps, c’est l’invitation de sa part à nous engager à notre tour. Car c’est à chacun de nous de chercher l’enfant de la crèche, qui est caché dans le quotidien. Mettons-nous en chemin sans peur et ouvrons les yeux : Jésus est bien dans la paille !

Quoi qu’il nous arrive, ne perdons jamais de vue cette étoile-guide, étoile-lumière qui nous ramène aux sources de notre foi. « Moi, Jésus, je suis le sauveur du monde, l’étoile radieuse du matin ».