Homélie Annonciation — Abbaye de Tamié

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Abbaye de Tamié

Homélie Annonciation

Par Frère Raffaele

 - Frères et sœurs, c’est un peu étonnant, n’est-ce pas, de rencontrer la solennité joyeuse et lumineuse de l’Annonciation au cœur du Carême, temps de pénitence. Bien sûr, on me dira  que cette date du 25 mars a été choisie parce qu’elle se situe exactement neuf mois avant Noël ; mais, à première vue, elle semble nous ramener au doux temps de l’Avent. Cependant, si nous y regardons de plus près, nous découvrons un lien, intime et profond, entre le oui de Marie à la maternité divine et le oui de Jésus au mystère douloureux de la Rédemption.

 Marie répond à l’annonce de l’ange : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » Réponse libre d’une jeune femme qui a mis Dieu au centre de sa vie ; réponse intelligente, car Marie est pleinement consciente de ce qu’on lui demande : accepter une mission extraordinaire, imprévisible, qui bouleverse tous ses projets, comme il arrive toujours lorsque Dieu fait irruption dans une vie humaine. Elle, qui envisageait une existence normale et heureuse avec l’homme qui l’aimait et qui lui aurait sûrement donné beaucoup d’enfants, se voit soudain proposer une maternité mystérieuse, divine, alors qu’elle ne connaît pas d’homme. C’est ici qu’éclate à nos yeux la grandeur sans pareille de Marie. Elle fait à Dieu une confiance totale, qui s’exprime dans ces mots, profondément bibliques : « Me voici. Que tout m’advienne selon ta parole. » Marie consent à la volonté de Dieu, c’est-à-dire « sent avec » cette volonté, se conforme entièrement à elle.

 Le « Me voici » de Marie précède et annonce le « Me voici » de Jésus à son Père céleste. Nous avons entendu dans la deuxième lecture, tirée de la lettre aux Hébreux, ces paroles de Jésus au Père qui sont un écho du Psaume 39 : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. Alors j’ai dit : Me voici, je suis venu, mon Dieu, pour faire ta volonté. » Ce sont les mêmes paroles, et surtout c’est la même attitude du cœur que nous remarquons dans la réponse de Marie. Ainsi nous comprenons que la Rédemption est le fruit d’une rencontre entre deux volontés, toutes deux nécessaires : la volonté divine de la Trinité sainte et la volonté humaine de Marie et de Jésus. Marie a donné à Jésus ce corps humain nécessaire pour que nous soyons sanctifiés, comme nous l’a dit la lettre aux Hébreux, « par l’offrande que Jésus Christ a faite de son corps, une fois pour toutes ».

 Aussi pouvons-nous affirmer que Dieu, dans son éternel dessein de salut, a eu besoin du « Me voici »  de Marie pour commencer l’œuvre de la Rédemption ; et j’ajouterai volontiers qu’il en a eu besoin aussi pour conduire cette Rédemption à son plein accomplissement. Car il est permis de penser que, en quelque sorte, aux pieds de la croix a lieu une deuxième Annonciation, lorsque Jésus déclare à sa mère : « Femme, voici ton fils. » De nouveau, Marie est appelée à être mère. C’est aux pieds de la croix que la disponibilité, la foi, l’obéissance de Marie se manifestent avec une évidence encore plus éclatante, parce que plus héroïque par rapport à la première Annonciation. Et, cette fois encore, Marie adhère totalement à la volonté du Père. Le Concile Vatican II, dans la constitution Lumen gentium (par. 58), emploie une expression saisissante à ce sujet, en disant que Marie aux pieds de la croix était amanter consentiens, « amoureusement consentante » au sacrifice de son Fils. Le Père veut qu’il en soit ainsi, le Fils accepte qu’il en soit ainsi, Marie aussi accepte. L’ange Gabriel lui avait annoncé : « Il sera grand », et Marie comprend que c’est justement ainsi, par l’ignominie de la croix, que cette prophétie se réalise, parce que les voies de Dieu ne sont pas les nôtres. Puisse-t-elle nous obtenir par sa prière cette même adhésion amoureusement consentante à la volonté de Dieu. Amen.