Baptême du Seigneur — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Baptême du Seigneur

Par Frère Raffaele

- Frères et sœurs, commençons par regarder avec attention les éléments de cette scène du baptême de Jésus, comme s'il s'agissait d'un tableau ou d'une icône. Le Christ plonge dans le fleuve, les cieux s'ouvrent, l'Esprit descend et plane sur cet homme qui émerge des eaux, la voix du Père retentit. Tout cela n'évoque-t-il pas une autre page de la Bible ? Oui, bien sûr ; et justement, la première page de la Bible, au livre de la Genèse. Là aussi, aux origines du monde, l'Esprit de Dieu plane sur les eaux primordiales, d'où vont émerger la terre et ensuite le premier homme, appelés à l'existence par la voix créatrice de Dieu. Là aussi, Dieu communique à l'homme son souffle, son Esprit, comme une semence de vie qui aurait dû germer et faire grandir l'homme jusqu'à sa taille parfaite de fils de Dieu. Hélas, nous connaissons la suite de l'histoire : l'homme a péché, il a perdu l'Esprit qui le rendait enfant de Dieu. D'où la phrase terrible du livre de la Genèse : « Désormais, l'Esprit de Dieu n'a plus de demeure permanente parmi les hommes. » (Gn 6, 3) Or, si l'Esprit est absent, toute relation avec Dieu devient impossible, les cieux se ferment. L'homme est condamné à la sècheresse et à la soif. De là cette supplication, qui jalonne tout l'Ancien Testament et se concentre dans le cri du prophète Isaïe : « Ah ! si tu déchirais les cieux et si tu descendais ! » (Is 63, 19) Eh bien, la fête que nous célébrons aujourd'hui nous montre la réponse de Dieu au cri de l'humanité assoiffée. Cette réponse, c'est le Christ. Dans le Christ, Dieu vient lui-même reprendre en main sa création déchue. Bien sûr, le Christ n'avait nul besoin d'être baptisé, lui qui est sans péché. Mais, en plongeant dans le Jourdain avec les hommes qui demandaient un baptême de pénitence, Jésus se fait solidaire de notre humanité pécheresse. Et sa descente dans les eaux du fleuve annonce déjà, de façon prophétique, une autre descente, bien plus redoutable : sa descente dans les profondeurs de la mort et des enfers pour délivrer l'humanité captive. Voilà le sens du mystère que nous célébrons aujourd'hui. Le baptême du Christ signifie la nouvelle création du monde et de l'homme. C'est une nouvelle genèse, une renaissance. Les cieux fermés par le péché s'ouvrent et l'Esprit, exilé de l'humanité, se repose à nouveau sur cet homme, le Christ, nouvel Adam, et sur ces eaux qui vont devenir des sources vivifiantes. Un univers renouvelé, rajeuni, sanctifié, émerge avec le Christ des eaux du Jourdain. Dans le Christ, l'homme redevient fils de Dieu. Désormais, c'est à chacun de nous que Dieu dit : « Tu es mon fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie. » Mais l'histoire de notre salut ne s'arrête pas là. L'effusion de l'Esprit commencée au baptême s'achève sur la Croix, où le Christ exhale son souffle et l'eau jaillie du côté transpercé de Jésus devient ce fleuve d'eau vive où nous sommes plongés le jour de notre baptême, lorsque l'Esprit descend aussi sur nous, murmure à nouveau dans nos coeurs le nom du Père et fait de notre corps son temple. Voilà, frères et sœurs, la joyeuse nouvelle que nous annonce la fête de ce jour. Elle nous engage aussi à revenir aux sources vives de notre baptême pour y puiser des forces neuves, une nouvelle jeunesse spirituelle. Comme le disait de si belle façon un Père de l'Église qui m'est particulièrement cher, St Clément d'Alexandrie : « Toute notre vie est un printemps, parce que nous avons en nous la Vérité qui ne vieillit pas, et que cette Vérité irrigue toute notre vie. »