Homélie TO 20 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie TO 20

Par Frère Patrice

Que de gens dans l’évangile abordent Jésus pour lui demander de faire un miracle, mais surtout, ce qui nous intéresse ce matin, pour lui demander de guérir. Comme si cela allait de soi ! Oui parfois, on voit Jésus pris de compassion et guérir immédiatement celui qui en a besoin !Mais plus souvent Jésus ne veut pas que la guérison soit réclamée comme un dû ! Non, il veut passer par un dialogue.

Pensez à cette femme hémorroïsse, qui perdait beaucoup de sang et qui, profitant d’un mouvement de foule, touche Jésus en espérant pas là être guérie. Il y a bien ce proverbe « pas vu, pas pris ». Mais cela ne fonctionne pas ici ! Jésus veut un dialogue, il n’est pas un distributeur automatique de guérison : il y a un préalable par lequel il faut passer.

Parfois il refuse. Un peu plus loin dans l’évangile de St Matthieu que nous venons de lire, des scribes disent à Jésus « maître, nous voudrions te voir faire un miracle » et la réponse ne se fait pas attendre « une génération méchante et adultère demande un miracle ; il ne lui sera donné d’autre miracle que celui du prophète Jonas ».

Et ce matin Jésus cède, mais pas du premier coup. Il veut d’autant plus dialoguer que la femme qui lui demande la guérison de sa petite fille appartient vraiment à un autre monde ; ils n’auraient même jamais dû s’adresser la parole ! Et cette femme mène le dialogue de main de maître avec cet argument suprême : personne ne peut empêcher que des miettes tombent de la table des enfants. La païenne montre à jésus que les miettes sont le symbole de la générosité qui a sa source dans le ciel et qui ne peut se limiter à ceux-là seuls qui en ont reçu la promesse. Les miettes sont du pain qui n’enlève rien au pain ni aux enfants. Pour ceux-ci elles ne comptent pas, c’est du superflu, mais cela permet à d’autres de manger. Les uns et les autres sont nourris simultanément, chacun à sa manière, sans que personne ne soit lésé.

Mais alors où est le miracle ? J’oserais dire que Jésus n’a pas exercé de pouvoir, mais plutôt qu’ il a permis à la femme de pouvoir dire, de pouvoir dire en toute liberté et de dialoguer. Et ce sont les paroles de cette femme qui ont amené Jésus à lui dire « Femme ta foi est grande, que tout s’accomplisse comme tu le veux ». C’est le miracle de la parole vraie qui libère celui ou celle qui la prononce. C’est peut-être et surtout, le miracle de la prière !

Femme, c’est le mot que Jésus emploie pour la samaritaine aux 7 maris, pour la pécheresse qui lui lave les pieds et les essuie de ses cheveux, mais c’est aussi le mot qu’il emploie pour sa mère dans St Jean, notamment aux noces de Cana.

La proximité du 15 Aout, fait que cette réponse de Jésus nous renvoie tout spécialement à celle que nous venons de fêter en son Assomption ; à la Femme qui au pied de la croix reçoit le disciple comme enfant, à celle qui, lors de la visitation, s'entend dire par sa cousine Élisabeth heureuse celle qui a cru...

J’oserais dire qu’Il y a dans cette cananéenne, qu’ il y a dans cette brebis doublement perdue, qu’ il y a dans celle qui ne s'étonne pas d'être comme un petit chien, quelque chose de la Vierge Marie; il y a dans l'humilité prosternée de cette femme aux pieds de Jésus, il y a dans son absence d'indignation, dans son obstination amoureuse quelque chose de notre mère du ciel, quelque chose que nous avons tous connu, une dimension qui transcende la vie, lui donne son goût, la ressuscite, lui donne le courage d'affronter les difficultés, de les vivre, de les traverser...ce quelque chose c'est la maternité et l'amour unique qu'elle fait naître dans le cœur de la femme. Cette femme est mère et c'est l'amour de son enfant, c'est cet amour enraciné dans sa maternité, c'est cet amour qui la plonge dans une humilité lavée de tout respect humain qui gagne le cœur de Jésus, force son admiration étonnée, obtient ce qu'elle veut. C’est d’ailleurs, forts de son exemple, que tant d’hommes et de femmes vont à Lourdes en se confiant à la prière de Marie pour demander la guérison. À Lourdes où le dialogue entre Jésus et ceux qui viennent demander la guérison prend la forme d’une prière ardente.

Alors, forts de l’exemple de ces deux femmes, n’hésitons pas à nous tourner vers le Christ, à lui demander son aide, sa force…et il nous les donnera !