Homélie Avent 2 - A — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Avent 2 - A

Par Frère Raffaele

Évangile (Mt 3, 1-12)

En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » Jean est celui que désignait la parole prononcée par le prophète Isaïe : Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Lui, Jean, portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage. Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, et ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés. Voyant beaucoup de pharisiens et de sadducéens se présenter à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc un fruit digne de la conversion. N’allez pas dire en vous-mêmes : ‘Nous avons Abraham pour père’ ; car, je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Il tient dans sa main la pelle à vanner, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera son grain dans le grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »

Homélie

- Pharisiens et sadducéens étaient les deux principaux courants religieux du monde juif à l'époque de Jésus. Les pharisiens ne se contentaient pas d'observer la Loi de Moïse avec un zèle intransigeant ; ils en rajoutaient, dans une surenchère qui rendait la Loi impraticable. Ils estimaient, bien sûr, qu'aucun dialogue n'était possible ni avec la culture grecque ambiante ni avec le pouvoir impérial romain. Les sadducéens, eux, se recrutaient surtout parmi les grandes familles sacerdotales préposées au culte dans le Temple de Jérusalem ; ils s'accommodaient plus facilement de la domination romaine et avaient aussi une attitude plus souple vis-à-vis de la Loi de Moïse. Les uns et les autres vont à Jean pour recevoir son baptême, mais Jean les interpelle de façon très sèche et très rêche : leur appartenance au peuple de Dieu ne leur garantit point qu'ils seront automatiquement sauvés. Ce qui impressionne le plus dans le langage de Jean le Baptiste c'est sa netteté de diamant, sans la moindre ambigüité plus ou moins diplomatique. Il ne mâche pas ses mots. Il ne prend pas en compte la prudence la plus élémentaire, il n'a aucune peur de se faire des ennemis. Pourquoi ? Parce qu'il voit un changement radical qui approche, un nouveau commencement de l'histoire ; il le perçoit avec une telle clarté que tout respect humain devient dérisoire, face à la nécessité d'annoncer cet évènement : la venue du Messie, du Christ, celui qu'Israël attend depuis des siècles. Cependant, Jean n'est pas un marginal, ni non plus un utopiste ; il n'a nullement l'intention de fonder une secte de purs retirés du monde. Au contraire, il s'adresse à tous, aussi bien aux gens du commun qu'aux puissants de son peuple. Il agit dans l'histoire, il intervient en elle, comme tous les prophètes, et il a pleine conscience de sa mission. Mais justement, la force de son langage l'amène à se heurter aux puissants, qui ne peuvent pas tolérer qu'on mette en question la légitimité de leur pouvoir. Et ce sera aussi le cas de Jésus. Jean sera incarcéré et décapité. Jésus, dont le langage n'est pas moins explicite, sera crucifié. S'ils s'étaient limités à baptiser, à exiger qu'on fasse pénitence pour les péchés commis, à rassembler autour d'eux des disciples, il y a des chances que les choses se seraient passées autrement. C'est-à-dire : s'ils s'étaient limités au culte, à exiger une conversion purement intérieure, à opérer des miracles, ils auraient échappé à la persécution et à la mort. En revanche, Jean et ensuite Jésus prêchent un changement si radical et si profond que, même s'il doit d'abord toucher le coeur des gens, il doit aussi, justement pour cela, devenir visible et tangible dans l'histoire du monde entier. La nouvelle réalité que Jean annonce et que Jésus apporte s'accomplit dans l'histoire et pour l'histoire, non en dehors de l'histoire.

Une foi qui ne change pas l'histoire, qui n'a pas d'impact sur l'histoire — l'histoire personnelle de chacun et l'histoire des peuples —, une telle foi est insignifiante. Le miracle que Jean annonce est l'avènement d'une foi qui change et les coeurs et l'histoire, parce qu'elle est fondée sur un évènement unique : Dieu qui se fait homme et qui, en tant qu'homme, ressuscite d'entre les morts. C'est cela le baptême dans l'Esprit Saint et le feu.