Homélie TO 12 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie TO 12

Par Frère Gaël

Chers frères et sœurs, nous avons laissé la lecture suivie de l’Évangile de saint Matthieu avec l’entrée en Carême, au Sermon sur la montagne, et nous reprenons maintenant au Discours d’envoi en mission, au 10e chapitre. Nous allons le parcourir ensemble. Jésus choisit les 12 Apôtres, leur donne des consignes et avertit ses missionnaires des épreuves qui les attendent. Mon 1er point sera « Méfiez vous des hommes » (parole de Jésus au v.17), le 2e « Ne craignez pas les hommes » (1er verset que nous avons entendu), mon 3e point : Jésus a besoin de nous pour la mission. Nous serons accompagnés par la présence d’animaux : brebis (v. 6,16), loups, serpents et colombes (v. 16). En fait, Jésus ne parle pas tant des animaux que des dispositions humaines et spirituelles qui accompagnent l’annonce de la Bonne Nouvelle. Nous nous poserons la question : suis-je un loup ou un agneau ? C’est-à-dire, dans quelles dispositions suis-je témoin de Jésus ?

1. Habitant les Alpes, nous connaissons la férocité des loups, qui semblent parfois tuer pour le plaisir de tuer. Or les hommes ne peuvent se vanter d’échapper à cette sottise. Quand Jésus dit à ses disciples, comme un emblème de leur mission : « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups » (v.16), cela fait peur. C’est la parole qu’on m’avait dite quand je suis parti faire mon service militaire comme aide-aumônier. J’ai pu la vérifier ; mais je suis là, grâce à Dieu. Cela rend attentif au 1er conseil que Jésus donne par rapport à son envoi en mission : « Méfiez vous des hommes » (v. 17). Il énumère alors les multiples sortes de loups dont les disciples-missionnaires doivent se méfier. Ce qui les attend, ce sont le tribunal civil, la flagellation de la part du clergé, la trahison d’un frère, d’un père, d’un fils ou d’une fille, les diffamations et les condamnations à mort (v. 17-23). Devront-ils alors se défendre, devenant eux-mêmes des loups ? Non, mais fuir d’une ville à l’autre lorsqu’ils seront persécutés (v. 23). Il prend l’exemple du serpent (v. 16) : n’ayant pas de pattes pour s’enfuir, il est obligé de glisser, slalomer. Sensible aux vibrations du sol, il anticipe le danger. Les missionnaires de Jésus ne partent pas en pays conquis, sûrs de convaincre tout le monde et de faire beaucoup de conversions, de catéchumènes. Jésus les invite à rester à l’écoute, « prudents comme les serpents », mais jamais venimeux ! « Doux et humble de cœur » (Mt 11,29), il corrige donc cette image par celle de la colombe (v. 16), symbole d’innocence et de paix. Cela nous ramène à l’image de la brebis, ou de l’agneau, chère à Jésus quand il parle de ses disciples.

2. Jésus sait que ses disciples sont « comme des brebis parmi les loups ». Cela ne l’empêche pas de les envoyer ! Après les conseils de prudence, il ose leur dire, et c’est là le 2d conseil : « Ne craignez pas les hommes » (v. 26) Aujourd’hui, on pourrait encore ajouter d’autres sortes de loups dans l’Eglise. Notre évêque, venu échanger avec nous sur les abus et le cléricalisme nous avouait : « Face aux scandales, je ne m’étonne pas, car il arrive souvent des choses qui dépassent mon imagination ; mais je suis blessé dans mon cœur. » De même, dans nos familles, nos communautés, nos paroisses, nous ne sommes pas surpris de rencontrer des loups aux attitudes agressives, voire violentes, mais nous en sommes à chaque fois blessés. Que faisons-nous de cette blessure ? Est-ce que nous rendons insulte pour insulte, gifle pour gifle, blessure pour blessure ? C’est bien notre réaction naturelle ! On n’aime pas se laisser marcher sur les pieds. Mais, ce faisant, nous nous rendons compte, souvent après coup, que nous sommes devenus les loups que nous haïssions ! Nous avons perdu « la douceur et l’humilité » que nous recherchions. Que faire ? Jésus est resté, jusqu’à la fin, tel que l’avait nommé Jean-Baptiste sur les rives du Jourdain : « Voici l’Agneau de Dieu », et il s’offre comme tel à chaque Eucharistie. Nous pouvons demander la grâce de devenir ce que nous recevons, et ce que nous serons. Au ciel, selon les visions de l’Apocalypse, Jésus demeure Agneau, Agneau immolé et vainqueur (Ap 5,6-14). Et « nous lui serons semblables » (1 Jn 3,2).

3. Pour que son Royaume advienne, Jésus a besoin de notre témoignage, car personne ne le fera à notre place. Ce que nous avons « entendu au creux de l’oreille » dans notre lecture, notre écoute, notre méditation quotidienne de l’Evangile, Jésus attend que nous le « proclamions sur les toits » (v.27). N’est-ce pas ce que nous avons fait en chantant au début de la messe : « L’amour vainqueur se crie à tous les vents ! » Nous ne pouvons vivre à notre compte, pour notre propre gloire… reniant notre Maître (v. 33) au jour de l’épreuve. Ne disons pas trop vite, comme saint Pierre et les autres apôtres après la 1ère eucharistie : « Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas. » (Mt 26,35) Nous savons la suite, mais aussi le repentir de Pierre, et son apostolat une fois reçue la force de l’Esprit Saint (Ac 2-5). Jésus ne les a pas envoyés avec des pouvoirs extraordinaires pour flatter la galerie, mais avec le pouvoir de guérir les corps et les âmes. Il s’agit pour eux, comme pour nous, de guérir, et donc de s’engager auprès des malades, des infirmes, des possédés (v. 1), comme témoins de la Bonne Nouvelle. Il s’agit pour eux, comme pour nous, d’un chemin de douceur et d’humilité, de venir en agneaux et non en loups, dépouillés de tout bien (v. 9-10), d’être accueillis par les gens ou de partir ailleurs (v. 11-15), vers les « brebis perdues d’Israël » (v.6, voir aussi Mt 9,36).