Homélie TO 5 A — Abbaye de Tamié

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Abbaye de Tamié

Homélie TO 5 A

Par Frère Gaël

Chers frères et sœurs en Jésus, demandons au Seigneur ce matin de nous aider à comprendre sa Parole, à entendre ses appels, pour marcher dans sa lumière, d'un coeur allègre.

Dimanche dernier, fête de la Présentation de Jésus au Temple, nous avons contemplé avec Siméon la « lumière qui se révèle aux nations ». Avec lui, nous avons pris l'Enfant dans nos bras, et nos visages en ont été illuminés... par le geste symbolique du cierge allumé que nous avons déposé dans les vasques. Ce geste nous renvoie à celui de la veillée pascale. Dans la pénombre, un feu s'allume, rappelant la colonne de lumière qui guidait le peuple d'Israël à sa sortie d'Égypte, puis pendant 40 ans dans le désert. A ce feu nous allumons le cierge pascal, symbole du Christ ressuscité d'entre les morts. Vers le cierge pascal, nous tendons nos cierges, et toute l'assemblée devient lumière, tandis que nous acclamons : « Christ est lumière... Lumière du monde ».

Aujourd'hui, nous contemplons Jésus au début de sa vie publique. Il vient d'être baptisé et de passer 40 jours au désert. Il a appelé ses 4 premiers disciples, guéri beaucoup de malades et prêché dans les synagogues. Maintenant, il vient de quitter les rives du lac de Tibériade pour prendre un peu de hauteur au regard de cette foule immense venue de toutes les contrées alentours. Entouré de ses disciples, il commence un long discours nommé « discours sur la montagne ». Rayonnant de lumière, comme Moïse lorsqu'il avait rencontré Dieu au mont Horeb, Jésus contemple cette foule dans la lumière de Dieu et leur annonce les Béatitudes du Royaume de Dieu : « Heureux les pauvres en esprit, ceux qui pleurent, les doux, ceux qui ont faim et soif de justice, les miséricordieux, ... ceux qui sont persécutés à cause de moi ». Sur tous ces gens qui l'écoutent, Jésus voit descendre l'Esprit de Dieu qui vient les enflammer de l'intérieur et devenir comme des torches. Alors il leur dit : « Vous êtes la lumière du monde... Vous ressemblez à une ville illuminée au sommet d'une montagne ». Jésus voit déjà par avance l'Église, son Épouse. Il voit la Jérusalem céleste, toute illuminée de la lumière de l'Époux. « Vous êtes la lumière du monde. Que votre lampe brille pour tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière brille devant les hommes... »

Mais avant cette vision grandiose, Jésus avait vu autre chose, comme du givre sur le sol qui brille sous les rayons du soleil levant. Il se souvient quand il est passé au retour d'Égypte près de la Mer Morte, saturée en sel. Sur les berges, le sel forme une banquise de cristaux de sel qui scintille au soleil. Jésus leur dit aussitôt : « Vous êtes le sel de la terre. » Le sel communique son goût aux aliments ; la lumière illumine tout ce qu'elle atteint. Le sel, la lumière ont pour qualité de se diffuser. Ainsi, Jésus est le premier à être sel, lumière, et il communique ses attributs à ceux qui l'écoutent, l'accueillent dans leur vie.

Mais à ceux qui sont devenus sel, lumière, Jésus demande d'entretenir cette qualité : « Vous êtes un sel qui ne doit pas s'affadir... Vous êtes une lumière qui ne doit pas être cachée, mais briller pour tous les hommes afin qu'ils rendent gloire à Dieu en voyant ce que vous faites de bien ».

C'est quand nous voulons mettre en pratique la Parole de Jésus, « puissance de Dieu » et non « sagesse des hommes », comme le disait saint Paul dans la 2e lecture, que les choses se compliquent. Il y a eu diverses interprétations au cours de l'histoire de l'Église. Donnons quelques exemples qui nous serviront de balises sur le chemin.

Certains disciples de Jésus se disent : « J'ai une bonne intelligence, et par le savoir, je pourrai être sel de la terre, lumière du monde. » Et ils se mettent à lire beaucoup de livres, à l'école de maîtres, et ils comprennent beaucoup de choses. Ils deviennent très brillants, et ils voient que les autres restent terre à terre, incapables de les comprendre. C'est la tentation de la gnose nous dit le pape François dans son exhortation apostolique sur la sainteté.

D'autres se disent : « il suffit de vouloir ! Par les forces que Dieu m'a données, je serai sel, lumière du monde ». C'était ce qu'enseignait un moine du 4e- 5e siècle, Pélage, qui affirmait que pour faire le bien et parvenir au salut, la grâce de Dieu n'était pas nécessaire. Beaucoup l'ont suivi, et c'est ce qu'on a appelé le pélagianisme, qui est la deuxième tentation que remarque le pape chez les chrétiens aujourd'hui.

Le retour à une voie plus équilibrée s'est fait avec saint Augustin d'Hippone. Ce grand philosophe et théologien a réagi vigoureusement au pélagianisme, parce qu'il avait éprouvé qu'il était impossible de s'en sortir tout seul, du fait du péché originel. Non, être sel, lumière du monde est impossible sans la grâce de Dieu ! Mais cela ne veut pas dire que c'est Dieu qui fait tout !

Un modèle pour nous est la mère de Jésus. L'ange dit à Marie : « Je te salue, comblée de grâce ». Marie est sel, lumière. Mais il ajoute aussitôt : « Le Seigneur est avec toi ». Marie ne peut rester sel, lumière qu'avec la grâce de Dieu. Et elle en aura bien besoin tout au long de sa vie, elle, la première disciple de Jésus !

Un mot de la première lecture : nous y entendons comment être sel, lumière : « partage ton repas, ta maison, tes habits en double, en triple avec ton frère pauvre... et n'exerce aucune violence, en actes ou en paroles, contre ton frère... 'Alors ta lumière jaillira comme l'aurore.' » Aujourd'hui, c'est l'attention aux malades qui nous est proposée, et nous nous sentons bien impuissants sans la grâce de Dieu. Seigneur, viens à notre aide ! Et nous serons sel, lumière pour le monde !