Homélie TO 27 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie TO 27

Frère Patrice

Déjà dimanche dernier nous trouvions Jésus dans le Temple face aux sacrificateurs et aux anciens ; mais le problème qu’ils lui posaient était simple. C’était presque une discussion « de salon ».

Ce matin la situation se complique et nous fait toucher du doigt le danger d’un certain nombre de comportements.

Le premier comportement sur lequel Jésus pointe le doigt est celui de la violence ou plutôt de la violence disproportionnée. Un homme travaille dur pour planter et aménager une vigne et la met en fermage. Et voilà qu’au moment des comptes la violence va se déchaîner. Une violence meurtrière du désir qui refuse le manque. On en a eu des exemples horribles dans les camps de concentration. Et ce matin c’est la même violence de ceux qui veulent tout, même ce qui ne leur appartient pas. Violence qui les mène à aspirer à devenir les héritiers d’un bien sur lequel ils n’ont aucun droit, au point de tuer le fils auquel revenait l’héritage.

Le second comportement sur lequel Jésus veut mettre le doigt, c’est celui de la jalousie. La jalousie : ce qui fait perdre la tête à l’homme, qui lui retire une bonne partie de ses facultés de raisonnement et peut l’amener comme c’est ici le cas à jalouser l’héritier et de ce fait à le tuer. La Bible nous donne de nombreux exemples de l’effet destructeur sur l’homme de la jalousie, au point de préférer ou donner la mort plutôt que de s’avouer vaincu.(je pense à Caïn et Abel, aux deux femmes du jugement de Salomon… Dans cet état d’esprit l’attitude possessive des vignerons est à classer dans le registre de la jalousie. Les vignerons ne se considèrent plus comme de simples gérants, mais comme des propriétaires. Jaloux de leur maître ils veulent posséder comme des propriétaires !

Les deux premiers comportements nous mènent tout droit à un troisième, heureusement plus rare ( …mais encore), celui de la mise à mort. Ici nous voyons ceux qui voulaient tout, perdre tout…y compris eux-mêmes. Ils ont mis à mort le fils qui venait leur demander des comptes. Et cette mise à mort du fils n’est que la préfiguration de la mort qui attend Jésus !Mais ces ouvriers ne se rendent pas compte de la situation. Ils voulaient tout…et en fait ils perdent tout, y compris eux-mêmes qui finalement seront amenés à périr.

Mais fort heureusement cet évangile nous fait aussi toucher du doigt le bienfait d’un certain nombre d’autres comportements !

Le premier peut-être est le refus de vengeance ! Les interlocuteurs prônent la vengeance et demandent la mise à mort des vignerons en représailles de la mort du fils du propriétaire. Dans combien de pays met-on en pratique la loi du talion : œil pour œil dent pour dent.  Mais le texte de l’évangile nous dit simplement que le maître fera périr les vignerons. Y a-t-il eu vraiment une mise à mort des vignerons ? C’est difficile à savoir explicitement. Mais cette formulation montre l’issue fatale du système de violence qu’ils ont adopté ! Dieu ne veut pas la mort du méchant, mais qu’il se convertisse. En fait, quand les hommes tuent d’autres hommes, Dieu les aime encore, même si nous avons du mal à le comprendre. C’est la grande nouveauté du christianisme : un Dieu qui, même déçu par nos péchés et nos erreurs, ne manque pas de parole, ne se ferme pas et surtout ne se venge pas. Rappelons-nous que le salut est dans la douceur : heureux les doux !

Le second heureux comportement est cette patience dont fait preuve le propriétaire de la vigne, et qui est à l’image de la patience dont Dieu fait preuve avec chacun de nous. Si seulement nous savions faire de même ! Il y a cette très belle expression de l’Exode et reprise dans les psaumes « Dieu est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ». Cette patience faite de confiance et de miséricorde.

ET enfin, comme dans tout beau conte…la vigne ne meurt pas, elle demeure, il y a un avenir pour elle. L’avenir reste ouvert, la vigne pourra fructifier pour d’autres. C’est ici le signe d’une grande espérance qui doit habiter le cœur de chacun de nous, même quand nous aurions tendance à baiser les bras et à dire : c’est fini ! Dieu, par cette parabole, nous invite à vivre dans l’espérance.