Homélie TO 17 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie TO 17

Par Frère Gaël

Chers frères et sœurs, disciples du Royaume des cieux, je voudrais ce matin tirer avec vous du trésor de nos cœurs du neuf et de l'ancien. Depuis trois dimanches, Jésus nous place devant le mystère du Royaume des cieux. Nous sommes poussés à nous positionner, à faire des choix ou consolider ces choix. Pour nous y aider, je poserai ce matin trois questions : 1. Quel est mon Royaume ? 2. Quel est mon désir du Royaume ? 3. Puis-je entrer dans le Royaume ?

1. Pour répondre à la première question : « Quel est mon Royaume ? », je vous propose de parcourir les lectures que nous avons entendues à l'instant. La première lecture nous fait réfléchir sur des biens humains, que nous ne confondons généralement pas avec le Royaume des cieux, mais qui peuvent devenir, au gré des circonstances, « mon Royaume ». Les scribes qui mettent par écrit une tradition remontant à Salomon - quatre siècles plus tôt - sont en exil à Babylone ; ils énumèrent quatre biens : « de longs jours » ; la « richesse » ; « la mort des ennemis » ; le discernement pour gouverner et juger. Si nous les retranscrivons dans notre propre réalité, nous pensons aux soucis de la santé (je ne parle pas de la pandémie qui est un fléau à combattre), des salaires et des retraites, de la sécurité des citoyens ou de la sérénité personnelle, de la responsabilité en tous domaines. Tous ces soucis peuvent prendre une importance exagérée dans nos vies, même celle des moines qui ont renoncé à tout bien individuel, et devenir insensiblement « mon Royaume ». De tout bien nous pouvons faire vice ou vertu.

Passons maintenant aux autres lectures. Avec saint Paul, dans sa lettre aux Romains, nous plongeons notre regard dans le Royaume des cieux en contemplant le plan d'amour éternel de Dieu le Père : l'être humain est destiné à être configuré à son Fils Jésus, aussi il l'appelle, il le rend juste, il lui donne sa gloire. Le chantre du Psaume 118, quant à lui, nous immerge dans son expérience de l'amour de Dieu, dans le feu qui le dévore : écouter et garder la Parole du Seigneur, être illuminé par elle, obéir à ses volontés. Pour ces trésors, perles ou aspects du Royaume des cieux que nous pouvons faire nôtres, il vaut le coup de « vendre tout ce que nous possédons » pour les acquérir, comme le disaient les deux premières paraboles de notre Evangile. Il existe bien sûr d'autres trésors, d'autres perles précieuses que nous trouvons dans le Nouveau Testament : l'Eucharistie et les autres sacrements, l'exercice des vertus chrétiennes, en particulier la foi, l'espérance et la charité. Même en ces domaines se glisse le Tentateur, et nous devons sans cesse nous tourner vers Dieu. C'est pourquoi nous renouvelons, si vous le voulez bien, la prière que nous avons formulée au début de la messe : « Multiplie pour nous Seigneur tes gestes de miséricorde afin que, sous ta conduite, en faisant un bon usage des biens qui passent, nous puissions déjà nous attacher à ceux qui demeurent ».

2. Après ce parcours des Ecritures où chacun a pu mieux voir quel est son Royaume, discerner le vrai du faux trésor, nous ne pouvons vraiment comprendre l'évangile de ce jour sans le resituer dans son contexte, au moins le contexte immédiat, je veux dire dans la série des 7 paraboles du Royaume du chapitre 13 de saint Matthieu. C'est là que surgit la question : Quel est mon désir du Royaume ? Vous vous souvenez qu'au départ il y a la parabole du semeur et des différents terrains qui produisent ou ne produisent pas de grain. Cela me pose la question de mon désir plus ou moins développé d'accueillir la Parole de Dieu, d'accueillir dans ma vie le Verbe de Dieu et sa puissance de transformation. Aussitôt après la parabole du bon grain et de l'ivraie nous fait regarder vers la fin des temps où il y aura un tri entre le bon grain et le mauvais. Les paraboles de la graine de moutarde et du levain dans la pâte nous parlent de croissance, plus ou moins longue. Le Royaume est déjà en nous et se développe peu à peu. Avec les paraboles du trésor et de la perle que nous avons aujourd'hui, le Royaume demande un engagement entier, il faut tout sacrifier pour l'obtenir. Enfin, la septième parabole est celle du filet, qui nous rappelle celle du bon grain et de l'ivraie : à la fin des temps, il y aura un tri séparant les bons poissons des mauvais, les justes des méchants, et personne ne peut être assuré trop facilement d'être du bon côté, puisque le jugement revient à Dieu qui sonde les reins et les cœurs. Nous avons donc à creuser notre désir du Royaume, selon l'enseignement de la première parabole, mais personne n'est assuré de porter uniquement de bons fruits, comme nous l'enseignent les autres paraboles, et des événements récents dans l'Église. Il y a de quoi nous angoisser !

3. Surgit alors notre 3e question : Puis-je entrer dans le Royaume ? Pour répondre en toute assurance à cette question, nous devons parvenir au cœur de l'Evangile tel qu'il a été relu par l'ensemble des chrétiens et enseigné par la Tradition. Je le redirai dans la Préface tout à l'heure : Jésus, « le Christ, Notre Seigneur, par sa Passion et sa croix nous a délivrés de la mort éternelle ; par sa résurrection d'entre les morts, il nous a donné la vie qui n'aura pas de fin ». Voilà notre foi, voilà la source de notre confiance et de notre amour, de Dieu et de tous les hommes.

4. En conclusion, je vous invite à lire pendant la semaine les lectures du dimanche suivant selon cette méthode proposée ce matin : une lecture de la Bible la plus large possible (les 4 lectures), une lecture de l'évangile du jour en l'élargissant à son contexte, et enfin revenir toujours au centre de la foi : la Mort et la Résurrection de Jésus pour nous. Ainsi nous pourrons tous grandir dans la foi et l'amour, et être trouvés bons au jour du jugement.

Que ton Règne vienne, Seigneur Jésus !