Homélie Carême 4 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie Carême 4

Part Frère Gaël

Que l’œuvre de Dieu s’accomplisse en moi ! Là est toute ma joie !

À Tamié, nous aimons entendre, chaque année aux premères Vêpres des dimanches de Carême, les grands évangiles de l’initiation chrétienne. En effet, le moine « chaque jour recommence », il recommence à se plonger dans la source de son Baptême. L’évangile de ce jour illustre parfaitement notre propos monastique. Oui, la guérison de l’aveugle de naissance, opérée dans l’eau de la piscine de Siloé sur l’ordre de Jésus, est un baptême. Le doigt du Verbe de Dieu recrée avec de la boue l’homme tiré de la terre. Il le recrée physiquement, en lui rendant sa dignité d’homme au sein de la société. Toutefois, nous voyons bien que ce passage des ténèbres à la lumière terrestre n’est qu’un symbole d’un autre passage qui reste à faire. L’ « œuvre de Dieu » annoncée par Jésus à propos de cet aveugle ne peut se limiter à ce don d’une bonne santé, même si cela parait extraordinaire aux yeux des hommes, qui « regardent l’apparence ». Dieu voit plus loin, il « regarde le cœur. » (1ère lecture) Il voulait faire un don plus grand encore : lui « donner de devenir vraiment fils de Dieu. » (Préface) Il fallait donc que la guérison de la cécité par l’eau et la parole de Jésus, éléments essentiels du Baptême, soit accompagnée d’une illumination dans l’ordre de la foi.

Ce sont justement les étapes de cette illumination que l’évangéliste Jean se plaît à décrire avec grande minutie dans le long récit qui suit la guérison. S’il insiste autant sur ce parcours de foi, tel celui d’un catéchumène ou d’un néophyte, c’est peut-être pour signifier à tous les disciples du Christ que c’est aussi le leur. Sur un fond dramatique mêlé d’humour, nous avons entendu 3 professions de foi joyeuses du miraculé. Elles montrent une prise de conscience progressive de QUI est Jésus pour lui, depuis qu’il est devenu un « envoyé » à la piscine de Siloé.

Sa première profession de foi est celle de l’envoyé émerveillé, de celui qui a été guéri par Jésus, sans le connaître encore. Si bien que, devant ceux qui l’interrogent à propos de l’auteur de sa guérison, il est juste capable de témoigner de son nom : « l’homme qu’on appelle Jésus ».

Sa 2e profession de foi est celle de l’envoyé inspiré. Poussé dans ses retranchements par des dialogues tendus où on veut lui faire nier l’évidence éclatante du miracle dont il a bénéficié, son intelligence est éclairée par le Saint Esprit. L’identité réelle de Jésus commence à s’imposer à son esprit, et il témoigne avec finesse et force : « c’est un prophète ! ». La conséquence est qu’il est exclu par les autorités, traité d’hérétique.

La 3e et dernière profession de foi, celle de l’envoyé illuminé, survient lorsqu’il rencontre le Christ, dont il se découvre aimé. Il regarde son visage, et par delà ce visage reconnait son Dieu. Ses yeux sont alors totalement ouverts, ouverts à Celui qui est « la Lumière du monde ». A Jésus qui l’interroge, il répond : « Je crois » (c’est ce que nous ferons après cette homélie dans la récitation du Credo). Et dans un acte d’adoration, il se prosterne devant lui.

En ces trois étapes, l’œuvre de Dieu s’est manifestée pour la plus grande joie de l’ancien aveugle. L’homme a été, de diverses manières, l’envoyé de Jésus, annonçant la Bonne Nouvelle dans la puissance de l’Esprit, avec son cœur, son intelligence et tout son être. De même nous témoignons de diverses manières, avec la joie des sauvés : tantôt des merveilles que Dieu a faites pour nous, tantôt de la véritable identité de Jésus face à ceux qui en déforment le visage, tantôt par l’adoration de Dieu et la charité fraternelle qui en découle.

Ce parcours en trois étapes paraît bien simple. En fait, tout ne va pas de soi. Même une guérison physique, fusse celle du coronavirus, ne nous assure pas du salut ! A chaque étape, nous sommes exposés à la tentation de ceux qui se réfugient dans leur savoir, attestant : « nous voyons ». A ceux-là Jésus répond : « votre péché demeure ! » Alors, si nous avons l’humilité de dire : « Que l’œuvre de Dieu s’accomplisse en moi », comme l’aveugle, comme Marie à l’Annonciation que nous célèbrerons dans 3 jours, nous nous retrouvons à la case départ, progressant avec plus de prudence, ne nous appuyant plus sur nos propres forces, mais sur la grâce reçue au Baptême, sur le Bon Berger qui veille sur nous (c’est l’Evangile de dimanche prochain).

Aujourd’hui, le Seigneur veille sur ses enfants, donnant à chacun sa nourriture et écartant les dangers. Nous pouvons réentendre le Psaume 22 qui suivait la première lecture, et cette hymne puissante des premiers chrétiens : « Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts. Et le Christ t’illuminera ! » (2e lecture)

Que l’œuvre de Dieu s’accomplisse en nous ! Pour notre plus grande joie !!

À travers cette homélie, nous assurons ceux qui nous rejoignent, de notre communion dans le Seigneur en cette période de confinement sanitaire national et international.