Homélie TO 29 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie TO 29

Par Frère Gaël

 

Chers frères et sœurs, je prendrai comme point de départ ce matin l'esquisse représentant un pharisien montrant une pièce de monnaie à Jésus. Pour compléter le tableau, il faut ajouter un attroupement hétéroclite qui observe la scène : Jésus et ses disciples sont entourés de pharisiens et de partisans d'Hérode, le roi des Juifs à la solde des romains. Ils viennent d'avoir une discussion animée avec le « Maitre ». Sur la pièce présentée à Jésus on y voit l'effigie de César gravée sur le métal. Si c'est vraiment un pharisien qui montre la pièce, comme le suggère le dessinateur, il n'est pas un modèle de sainteté ! En effet, les pharisiens sont des observateurs de la Loi de Moïse jusque dans les moindres détails. Or la Loi interdit d'adorer les faux dieux, et César prétend être un dieu. C'est pourquoi les juifs utilisaient d'autres monnaies pour la vie courante. Un pharisien portant sur lui une monnaie impie dans le Saint Temple de Jérusalem, c'est scandaleux !

Quoi qu'il en soit, l'effigie de César brille au soleil... et Jésus est sommé de répondre. Il doit répondre à la question piégée, préparée avec minutie par le Conseil des Pharisiens. L'enjeu est grave, il est politique et religieux, en présence des deux camps. « Est-il permis de payer l'impôt à César, oui ou non ? » Jésus semble coincé : s'il répond 'oui', il compromet son annonce du Royaume de Dieu avec un pouvoir idolâtrique. S'il répond 'non', il pousse à la rébellion, et il sera dénoncé à Hérode, qui a déjà fait décapiter Jean-Baptiste... Nous pouvons imaginer Jésus, centre de tous les regards, diriger ses yeux vers l'effigie de César, puis vers le visage de celui qui tient la pièce, et déclarer à tous : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » En entendant ces derniers mots, « ce qui est à Dieu », les pharisiens pouvaient réentendre les versets du livre de la Genèse : « Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa... » (Gn 1, 27) Ils pouvaient deviner dans le regard de Jésus cette quête de l'image divine enfouie en eux derrière tant d'hypocrisie. Ils n'ont plus qu'à se retirer et à mâcher leur échec, jusqu'à la revanche finale...

Et en nous, frères et sœurs, Jésus pourra-t-il trouver « ce qui est à Dieu », son image ? Pouvons-nous lui « rendre » l'image de sainteté qu'il a inscrite en nous ? Pouvons-nous la rendre visible à tous ? Tout à l'heure, c'est n'est pas devant une pièce de monnaie que vous vous inclinerez. Quand le prêtre vous présentera l'hostie consacrée, vous vous efforcerez d'y reconnaitre le visage de Jésus, son corps livré. Vous adorerez Dieu et vous direz avec foi et amour : « Amen ! » Vous le recevrez dans le sanctuaire de votre corps, pour la joie de votre cœur. Remplis d'action de grâce, eucharistiés, alors le visage de Jésus, image de Dieu, pourra rayonner sur vos visages. Vous rendrez visible l'image de Dieu, et vous serez missionnaires, selon la prière que je dirai après la communion : « Que ce sacrement, Dieu très bon, fasse de nous des saints dans une Eglise toujours plus sainte, pour que tout homme reçoive par elle le salut que ton Fils a ouvert sur la Croix ».