Homélie TO 9 — Abbaye de Tamié

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Abbaye de Tamié

Homélie TO 9

Par Frère Gaël

J’vais voir mon Père

Chers frères, je pense que la plupart d’entre nous se souviennent de l’affiche humoristique accrochée au babillard il y a quelque 2 semaines, avec un vieux bonhomme, cigarette au bec, chapelet pendouillant dans la main gauche, qui s’apprête à entrer dans une église en temps de pandémie, tandis qu’un CRS armé jusqu’aux dents, masque sur le nez, l’invective : « Vous avez coché ‘Motif familial impérieux’. J’peux savoir ce que vous allez faire à l’église ? » Et le vieux de répondre : « J’vais voir mon Père. »

J’ai imaginé une suite, une histoire, qui nous fera entrer, avec un brin de sourire, dans la dimension sacerdotale de cet Evangile que nous avons déjà entendu hier et avant-hier.

Le vieux bonhomme, donc, entre dans l’église. Elle est vide. Il va à sa place habituelle, bien en face du tabernacle, pour prier. Il commence invariablement par la prière qu’il a apprise au catéchisme, qu’il dit avec beaucoup de piété : Notre Père qui es aux cieux… Arrivé au bout, il pense qu’il est vieux. Pourra-t-il revenir dans cette église ? Maintenant, il faut une attestation pour entrer ! Il reste là, silencieux, longtemps… Il sent alors une main sur son épaule. Il sursaute et se retourne. «  – ‘La paix soit avec toi !’ (Jn 20,19) – Qui es-tu ? – ‘Tu ne me connais pas ?’ (Jn 14,9) Depuis le temps que tu viens me voir ! » Le vieil homme ajuste ses lunettes, regarde attentivement son interlocuteur, interrogatif, décontenancé… « – Serais-tu Jésus ? Que fais-tu ici ? – Je viens voir s’il y a encore quelqu’un qui pense à moi. – Tu n’es pas au courant ? On ne peut plus dire la messe ici ! – Oui, c’est triste. Et toi, que fais-tu ici ? » Le vieillard, restant sur ses gardes, fait la même réponse qu’au CRS : « – J’vais voir mon Père. – Mais, tu es devant le tabernacle. – Oui… Jésus a dit dans l’Evangile : ‘Qui m’a vu a vu le Père’ (Jn 14,9), alors, quand j’vais voir Jésus, j’vais voir mon Père ! » Jésus reste admiratif devant la foi de cet homme… qui s’est remis à prier devant le tabernacle.

Après un moment de silence, le Seigneur lui dit : « Tu as bien raison de communier spirituellement à mon Corps ici présent, car c’est le vrai ‘Pain descendu du ciel’ (Jn 6, 33.51.58). Quand mes disciples ont communié pour la 1ère fois à mon Corps et à mon Sang (Jn 13), ils sont devenus mon propre Corps, participants de la nature divine (cf. prière sur les offrandes). Alors, ils n’avaient plus besoin de ma présence physique ; je leur ai dit ce que tu ne cesses de répéter, comme moi : « J’vais voir mon Père. » (cf. Jn 14,2-3.12)

Le vieil homme ouvre les yeux, se tourne vers Jésus l’air malicieux et lance cette question incisive : « – Et qu’est-ce que tu fais chez ton Père, depuis ce temps-là ? – Je vous ‘prépare une place’ (cf. Jn 14, 2-3). » Le vieillard insiste : « – Mais, c’est si long que çà de préparer une place dans la maison de ton Père ? – Tout le temps de la vie d’un homme ! Quand il est prêt, ‘je reviens, et je l’emmène auprès de moi, afin que là où je suis, il soit, lui aussi.’ (Jn 14,3) – Qu’est-ce que tu dis à ton Père ? – Moi, son Fils éternel, né de la Vierge Marie, qui a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort, est ressuscité le 3e jour, est monté aux cieux… je me tiens devant mon Père comme le Prêtre, les mains levées. D’abord, je rends grâce pour tous les disciples-missionnaires qu’il m’a donnés. Je lui présente leurs louanges unies aux miennes, et tout ce qu’ils font de bien avec tant d’amour, cela m’émeut profondément. Et, le cœur suppliant, dans la puissance du Saint Esprit, je présente aussi à mon Père et leur Père leurs prières, tous leurs besoins, pour les soulager sur leurs chemins de croix. Enfin, je lui demande instamment de les consacrer dans la vérité, de les délivrer de tout mal, de leur apprendre à s’aimer les uns les autres. Ainsi mes disciples seront UN en moi, comme je suis UN avec mon Père, et le monde, en les voyant, pourra croire en moi. Ils seront comblés de joie. » (cf. Jn chapitres 13 ; 15 et 17)

Le vieillard écoutait attentivement. Il pense tout à coup à la 2e lecture de la messe. Il ouvre son missel, et lit : « – Dimanche des ministères. 1ère lettre de saint Pierre apôtre : ‘Bien-aimés, approchez-vous du Seigneur Jésus. Il est la pierre vivante rejetée par les hommes mais choisie et précieuse devant Dieu. Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle, pour devenir le sacerdoce saint et présenter des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus Christ.’ Est-ce à dire que, lorsque nous prions, nous sommes des ministres, des prêtres comme toi devant Dieu ? – Oui, serviteurs de Dieu, prêtres avec moi depuis votre baptême… Maintenant, laisse-moi te faire une requête : quand tu pries ma Mère avec ton chapelet en ce mois de mai, demande l’Esprit Saint que j’ai promis à mes apôtres. Celui qui prie et ‘croit en moi fera les œuvres que je fais, et il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père’ (Jn 14,12).