Les saints fondateurs de Cîteaux — Abbaye de Tamié

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Abbaye de Tamié

Les saints fondateurs de Cîteaux

Robert, Albéric, Étienne

Homélie par Frère Patrice

Ce matin nous célébrons la fondation du Monastère de Citeaux en 1098. Mais surtout ne croyez pas que je vais vous raconter une légende dorée où tout le monde a été beau et tout le monde a été gentil. ! Loin de là ! Et pourtant c’est quand même un grand jour en cette année 1098.

Une vingtaine de  moines dont Robert, Albéric, Etienne et Pierre, sortent de Molesme et se dirigent vers un lieu qu’ils avaient jugé convenable. C’était le désert du nom de Citeaux. Pourquoi quittent-ils leur monastère de Molesme pour aller en fonder un nouveau, car on ne quitte pas son monastère comme cela ? Le souci des fondateurs a été de donner une orientation différente à la vie qu’ils avaient menée jusque là dans leur monastère, même si la Règle de Saint-Benoît leur servait et leur servira de de référence. Mais ils souhaitaient donner au travail manuel  une grande place dans la journée et réduire considérablement le temps donné pour les célébrations de la liturgie dans la journée. Bref c’est un tout autre équilibre de vie de la journée qui est désiré. Et il faut du courage et de la ténacité, quand on sait par exemple que Robert a quitté Molesme alors qu’il avait 70 ans !

Il semble d’ailleurs que ce projet de nouvelle fondation ne soit pas allé de lui-même et que l’un ou l’autre des Fondateurs en fit les frais avec des humiliations, des coups et même de la prison pour avoir défendu ce projet. On n’y allait pas de main morte à cette époque !

On pourrait facilement faire un parallèle avec ce qu’a vécu Sainte Thérèse d’Avila (réformatrice du Carmel) qui un jour prend conscience de façon aigue qu’elle ne peut plus continuer sur la voie dans laquelle elle s’était engagée et qui la menait, elle et toutes ses sœurs du Carmel tout droit à une décadence qu’elle ne pouvait supporter, notamment avec le grand train de vie de beaucoup de sœurs qui vivaient dans leurs cellules de façon mondaine, y recevant chevaliers at autres gens d’armes !….Et là aussi les sœurs qui voulaient rester dans leur petite vie tranquille ne lui ont pas fait de cadeaux !

Ils quittent une grande Abbaye, bien gérée ; ils quittent aussi une grande sérénité et une grande paix….tout comme grand nombre d’exilés de notre époque qui quittent leur pays dans l’espoir de trouver mieux plus loin, beaucoup plus loin ! Ils ont quitté la sérénité spirituelle, psychologique et sociale d’une institution, pour aller dans une voie dont l’issue leur était inconnue Il leur fallait vraiment avoir la foi, c’est-à-dire la confiance en Dieu. C’est  peut-être aussi la raison pour laquelle les Fondateurs ont mis leur monastère sous la protection d la Vierge Marie.

Et cela nous ramène à nos vies à nous qui sommes là aujourd’hui.

Tous, vous comme nous,  nous avons été ou nous sommes appelés à fonder, et donc à choisir quelle orientation  désirons-nous donner à notre vie. Bien sûr il y a l’amour qui en est  le premier fondement !

Mais l’amour seul ne suffit pas toujours, même s’il est notre première assurance. Mais il a besoin d’une compagnie de réassurance. C’est d’ailleurs ce sur quoi nous sommes appelés parfois à réfléchir : sur quoi ai—je fondé ma vie ? Qu’est-ce qui me fait tenir dans la vie, notamment lorsque je traverse des périodes difficiles ?

Et là Dieu doit avoir toute sa place, que nous soyons religieux, mariés, vivant en couple ou célibataires. C’est Dieu qui peut assurer notre fondement  au milieu de toutes les tempêtes. Tous, nous pouvons faire notre ce petit verset du Psaume 118 que nous chantons le jour de nos voeux solennels « accueille-moi Seigneur selon ta Parole, et je vivrai, ne déçois pas mon attente ».

En réfléchissant à ce que je pourrais vous partager ce matin, j’ai relu un vieux roman écrit en prison par Fernand Pouillon, qui fut un grand architecte, intitulé Les Pierres Sauvages et dans lequel il imagine la fondation d’un monastère, notamment dans son architecture. « Il faut prendre le plus grand risque, la témérité sera même un peu tiède. Les meilleures œuvres sont à la limite de la vie réelle, elles sont distinguées entre mille quand elles font dire « quel courage il fallut ». (page 85). Car ce n’est pas dans l’harmonie que nous construisons l’Abbaye, mais bien dans les luttes, les doutes, les accidents, les coups. (p 122).

Et ce courage ou cette harmonie nous les tenons de ce verset du Psaume 127 : "Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain".